Par Malek SLIM - Les digues sautent les unes après les autres, les tabous ne sont plus ce qu'ils étaient… Dans tout cela l'éthique et le politiquement correcte en pâtissent avec ce virage dangereux en Europe qui tend à faire des partis xénophobes des formations fréquentables pour les associer aux affaires publiques dans leurs pays. Les Pays-Bas ont franchi le pas les premiers avec l'accord passé entre un parti de la droite traditionnelle et la formation du populiste islamophobe, Geert Wilders. En Suède le parti de centre droit au pouvoir ne pourra gouverner qu'avec l'appui de Jimmie Akesson, un populiste de fraîche date dont le parti a fait une entrée fracassante au Parlement avec à la clé 19 sièges ! La carte politique dans tous les pays d'Europe change au point que l'on ne se gêne plus à en faire une sorte de référence dans le dessein de légitimer politiquement ces partis qui pourraient servir de forces d'appoint pour la droite traditionnelle. Sans gêne aucune, on appelle de plus en plus à faire associer ces mouvements à la gestion des affaires dans leurs pays. En France, Marine Le Pen, qui succèdera très probablement à son père à la tête du Front National est de plus en plus sollicitée par la presse écrite et elle est omniprésente sur les plateaux des télévisions. On n'hésite pas à parler de son côté modéré et de sa vision politique qui diffère de celle de son père. A ce dernier, on reproche son antisémitisme, alors qu'elle ne l'est pas. Débarrassée de cette infamie, Marine Le Pen devient ainsi fréquentable et pourquoi pas une alliée dans la perspective de la présidentielle 2012, un autre angle plutôt positif, bien que rien n'avait changé ni dans le fond ni dans la forme. Le discours reste le même à l'égard des étrangers – « source de tous les maux de la société française » -, sa direction est celle-là même honnie de tous les politiques et les intellectuels de France. En une semaine, deux revues respectables ont évoqué chacune à sa manière la mue du F.N. L'une d'entre-elles est allée jusqu'à proposer une réflexion sur la manière d'associer ce parti aux affaires du pays, à l'image de ce qui se passe dans d'autres pays du Vieux Continent, donnant comme exemples, la Hongrie, la Suède ou encore la Hollande. La seconde qui est à grand tirage, a consacré six pages illustrées à la « benjamine » de Jean Marie Le Pen. Logique dangereuse que celle avancée par ces médias à la mémoire courte. On semble pardonner à ce mouvement xénophobe les outrances de ses leaders depuis sa création qui sont tout le contraire de l'esprit même de la constitution française et de l'esprit de tolérance dont la France s'est toujours targuée. La crise actuelle ne peut à elle seule expliquer cette inquiétante dérive à laquelle on assiste et ce bannissement des valeurs qui ont fait la grandeur de ce pays. Des crises de ce genre, ce pays qui en avait connu par le passé, mais jamais on était tombé aussi bas pour tolérer l'intolérable, exception faite bien sûr, de la grande récession de 1929, qui avait enfanté le fascisme. Mais on avait cru que la leçon a été retenue pour éviter de commettre les forfaits qui avaient terni l'image de l'Europe. Les dérives actuelles n'augurent rien de bon et ne font que creuser le fossé entre les communautés vivant sur le sol européen. Le risque est réel et il faut savoir l'endiguer avant qu'il ne soit trop tard.