Raouf KHALSI - L'Aïd – l'oublierait-on – c'est la fête et la communion et toutes les deux sont, encore, heureusement bien de ce monde. Les fêtes religieuses sont, en effet, un moment de symbiose, d'élévation, de spiritualité et de don de soi. Alors que du haut du Mont Arafa, les pèlerins s'apprêtent à faire résonner, encore et toujours la dimension universelle, humaine de l'Islam, quelque part, dans nos pratiques sociales, la fête devient prétexte à la surenchère. Le sens même du sacrifice est dans l'éthique, la mystique et la quintessence qui renvoient à une symbolique religieuse, à un moment fatidique de l'histoire de l'humanité où Abraham se pliait à la volonté divine avant de voir s'accomplir un miracle divin. Et pourtant, dans les sociétés arabo-musulmanes – et la nôtre n'est pas en reste – voilà que, par un curieux phénomène sociologique, le rite devient prétexte à une surenchère spéculative avec, pour acteur central le mouton, devenu une fin en soi et non plus le moyen du sacrifice. Et nous revoilà de ce chef dans ce scénario «rituellement» reconduit. La même fièvre acheteuse qu'au mois de Ramadan ; l'éternelle guéguerre entre consommateurs et commerçants sur fond de complicité tacite basée sur la complémentarité conflictuelle ; les incessants appels des services publics et des organisations à un minimum de discernement et de retenue. En fait l'administration met en place des « garde-fous », des règles prudentielles, des paramètres d'achat et des tarifs de vente. Elle veille à l'approvisionnement du marché, persécutée qu'elle est par le syndrome de la pénurie. Or, personne n'est content. C'est une déclaration de principe. A la fin tout le monde se dira satisfait. Sur le rite religieux se greffe le rite social. Ils sont antinomiques. Car si le premier s'inscrit dans le sacré, le deuxième, forcément sociétal, met en avant les règles instinctives d'une société de consommation qui provoque elle-même ses propres dérèglements. Elle en fait des habitudes, par masochisme aussi. Et, donc, justement, le rite parallèle.