Face au déficit des caisses de sécurité sociales, les scénarios ne manquent pas. Mais, à chacun sa vision. Quoi qu'il en soit, un consensus devrait s'instaurer. Le débat n'est pas récent. Les déficits des caisses sociales (CNSS et CNRPS) ne cessent de soulever des polémiques. En effet, sous l'effet des mutations économiques, les équilibres financiers de ces deux caisses sociales ne cessent de se détériorer. Chiffres à l'appui. Au bout d'une décennie (2000-2009), la CNRPS est passée d'une situation bénéficiaire (10 millions de dinars) à une situation déficitaire, accusant ainsi un déficit de l'ordre de 23 millions de dinars en 2009. Pareil, pour la CNSS qui a accusé un déficit de 70 millions de dinars en 2009 (les chiffres relatifs aux deux années passées ne sont pas encore fin prêts). Les équilibres financiers des deux caisses se désagrègent davantage avec le vieillissement de la population et le départ massif des affiliés aux deux caisses à la retraite. Actuellement, le nombre des personnes âgées de soixante ans et plus est en perpétuelle augmentation. Il devrait ainsi dépasser les 20% de la population tunisienne, d'ici deux décennies selon les prévisions des deux caisses. Par conséquent, le déficit des deux caisses sociales ira en s'aggravant de plus en plus. Explications ? Un déficit qui s'aggrave ! Auparavant, le ministère des Affaires sociales n'avait pas coutume à dire les choses telles qu'elles. On affirme ainsi, que le déficit des deux caisses sociales est un fléau international et qu'il est toujours étayé par le phénomène du vieillissement de la population. Et pour rétablir l'équilibre, on procède souvent à des augmentations des cotisations sociales sans pour autant engager des réformes radicales. Les cotisations des salariés étaient ainsi majorées de 2,2% en 1994 et de 1,8% en 2007. Celles des employeurs ont connu la même courbe avec des majorations 2,5% en 2002 et de 1,8% en 2007. On propose également, une réforme du régime de la retraite et on préconise ainsi une augmentation de l'âge du départ à la retraite et la limitation à 50% du salaire, le plafond de la pension de retraite. Le problème se pose avec la CNRPS qui connaît une croissance vertigineuse du nombre des personnes âgées qui y sont affiliées. Le déficit de la CNRPS est de l'ordre de 37,9 millions de dinars selon certaines sources. Toute chose étant égale à par ailleurs, cette caisse pourrait épuiser toutes ses réserves à l'horizon de 2015. Le nombre des personnes affiliées à la CNRPS a atteint 649 500 personnes environ au cours de l'année 2009, contre 213 000 bénéficiaires environ quelques années auparavant. Ce chiffre est encore révisé à la hausse, puisque selon les estimations du ministère des Affaires sociales, le nombre des cotisants devrait atteindre, en 2015 plus que 700 500 cotisants environ contre 264 000 bénéficiaires. La tendance s'affirme au niveau de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale dont le nombre des affiliés a atteint 1 969 000 affiliés environ, tandis que le nombre des bénéficiaires a dépassé les 397 000 bénéficiaires. Certes, les prévisions laissent entrevoir une augmentation du nombre des cotisants et des bénéficiaires pour atteindre 2.361.000 cotisants et 507 000 bénéficiaires environ. Plus encore, selon les estimations du ministère des Affaires sociales, le nombre des bénéficiaires va doubler d'ici 2030, tandis que le nombre des cotisants va augmenter uniquement de 35%. Cette situation ne fera qu'aggraver encore plus le déficit des deux caisses sociales. Pour cela Il est nécessaire d'entamer les réformes suffisamment tôt. Ne pas confondre sécurité sociale et solidarité sociale A l'UGTT, les propositions gouvernementales anciennes semblent ne pas avoir de bons échos. A l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), on affirme souvent que la majoration des cotisations n'est pas une solution, histoire de dire que la réponse à un problème socio-économique devrait être impérativement socio-économique. Le déficit des deux caisses sociales devrait être résolu par l'accroissement de l'emploi. On propose ainsi, dans une étude relatives au déficit des deux caisses sociales lancée en 2005, une série de revendications « permettant d'amortir le choc, voire de redonner un nouveau souffle aux caisses de sécurité sociale », peut-on lire dans cette étude. On propose ainsi, la lutte contre la diffusion sur une très large échelle des emplois précaires. On revendique aussi la lutte contre le phénomène de la fraude sociale et surtout l'incitation de l'Etat à renoncer à l'octroi des exonérations des cotisations des cotisations sociales. Dans le même contexte, on pense certes, à une révision du mode de financement de la santé publique pour aboutir à une suppression des multiples transferts des caisses sociales au ministère de la santé publique. La mise à la retraite anticipée est aussi une pratique contestée par l'UGTT car elle engendre des charges supplémentaires pour les deux caisses sous formes de « pensions veilleuses ». Ce genre de mise en retraite se justifie par la nécessité d'offrir des opportunités d'emplois aux jeunes générations. Or, l'expérience a démontré que la plupart de ceux qui partent en retraite anticipée demeurent pendant assez longtemps actifs. Ceci est d'autant plus vrai que l'espérance de vie ne cesse de s'allonger. Dans la même étude, l'UGTT propose la révision de l'âge de la retraite sur la base d'une étude sectorielle approfondie. On appelle aussi à une réforme du mode de financement des caisses de sécurité d'une façon générale tout en précisant que l'Etat devrait faire la distinction entre sécurité sociale et solidarité sociale, pour que la sécurité sociale ne soit pas une forme d'entraide sociale entre des catégories sociales à profils plus ou moins comparables. La solidarité sociale devrait ainsi être une entraide entre des catégories différentes. C'est dire, que l'Etat devrait prendre l'initiative pour concrétiser cette solidarité sociale à travers la fiscalité indirecte, les dons. L'Etat devrait surtout cesser de faire supporter aux caisses sociales une partie croissante des fonds de solidarité sociale. Certes, face au déficit des caisses sociales, les solutions et les propositions ne manquent pas. Hormis, les propositions à connotations syndicales, le patronat a aussi une vision propre à lui, ce qui pourrait tout de même faire parvenir à un consensus. En fait, selon des responsables à l'UTICA, le déficit des caisses sociales pourrait être résolu. On devrait toucher à la fois, aux cotisations, à l'âge de la retraite et au nombre des années de travail ainsi que l'instauration d'une sorte de fiscalité indirecte entre autres une TVA sociale intelligente. C'est-à-dire ? Les cotisations peuvent être majorées de 3% dont 1% serait pris en charge par l'employé et 2% par l'employeur. L'âge de départ à la retraite pourrait être rallongé d'une année, ce qui paraît plausible. On pourrait également calculer les cotisations sur la base de 13 ans au lieu de 10 ans. A cela s'ajoute l'instauration d'une TVA sociale et une fiscalité indirecte (taxer les biens de luxe, l'alcool, le tabac …) pour trouver de nouvelles sources pour renflouer les caisses. Ces propositions et d'autres déjà précitées sont encore en phase d'étude. Auprès du ministère de tutelle, on semble penser sérieusement à cette donne, mais tout en pensant en même temps à d'autres chantiers plus prioritaire, tel que le chômage et la lutte contre la pauvreté. Mais, ce n'est qu'un vaste chantier qui ne devrait pas tarder à entrer en action. On attend encore ! La CNAM sera-t-elle affectée par la crise des caisses sociales ? La CNAM pourra, pour les années à venir, connaître un déséquilibre financier à l'instar des autres caisses sociales. Ainsi, avec l'augmentation de ses charges financières, les frais de soins en l'occurrence, la CNAM a l'air de connaître les mêmes difficultés que la CNSS et la CNRPS. Chaque année, cette caisse d'assurance maladie se trouve “soulagée” de quelques dizaines de millions de dinars pour indemniser les accidents de travail qui causent des victimes parmi ses assurés. Les coûts de la réparation des préjudices relatifs aux accidents de travail frôlent les 100 MD et les indemnités journalières (1 million et 100 mille jours de travail perdus) et les salaires ont atteint, à leur tour, 40 MD environ en 2009. Ces chiffres sont révisés à la hausse et la CNAM supportera de plus en plus des charges. Côté syndical on affirme que la CNAM va être déficitaire d'ici quelques années. Car les besoins, en termes de santé, se multiplient d'année en année, alors que les ressources de la CANM sont encore limitées. Elles seront encore plus réduites par le départ d'un grand nombre des affiliés à la retraite. En fait, les dépenses nationales de santé connaissent une augmentation annuelle de 10% environ. Idem pour les dépenses relatives aux caisses de sécurité sociales qui grimpent annuellement de 13% environ. D' ailleurs ces deux dernières années les dépenses nationales en matière de santé ont augmenté de 28%. A cela s'ajoute le phénomène du vieillissement de la population totale à plus de 60 ans qui est actuellement à 9,7%. Ce taux devra avoisiner 18,1% d'ici 2030. Conséquence : la CNAM serait, par un simple calcul, incapable de préserver ses équilibres financiers sans avoir augmenté ses recettes. Ces recettes sont assurées à hauteur de 80% par le secteur privé, le reste est procuré par l'étatique. Et quand bien même, les retraités seront en grande majorité issus du secteur privé, la CNAM serait de plus en plus confrontée à une hausse des coûts de soins. La solution réside, selon bon nombre des spécialistes, dans la majoration des cotisations, ce qui est impossible actuellement. Pour cela, l'Etat doit intervenir afin de doper les fonds des caisses sociales. Le report de l'âge du départ à la retraite pourra présenter, également, une solution, mais a priori, cette question pourra instaurer un déséquilibre au niveau de la productivité des travailleurs. A contrario, pour la CNAM, la réforme des retraites en Tunisie est devenue une nécessité pour maximiser les recettes des caisses sociales… M