Les études réunies dans cet impressionnant ouvrage par les soins des professeures Anne Duprat et Hédia Khadhar, reproduisent en fait les travaux du colloque international tenu à Carthage du 2 au 5 mai 2008 avec pour thème : « Orient baroque/Orient classique ; variations esthétiques du motif oriental dans les littératures d'Europe (XVI-XVIIèmes siècles) ». Les 20 communications que comporte ce livre sont autant de réflexions sur le rôle joué par « les motifs d'origine arabo-musulmane dans les littératures baroque et classique, celle des romances, des tragédies shakespeariennes, des romans de mer ainsi que celle des fables, des nouvelles et des tragédies. » De la complexité du rapport entre l'Occident et l'Orient Conçu à l'instar du colloque dont il est issu, l'ouvrage développe cinq thématiques principales : « L'Orient, images et styles », « Formes, l'Orient sur scène », « Motifs : la veine hispano-mauresque », « Genres : l'Orient épique et romanesque », « Variations : contes et fables d'Orient ». Ont pris part à ces réflexions, de nombreux professeurs français, une universitaire italienne, une espagnole, et cinq professeurs-chercheurs tunisiennes dont Mme Alia Baccar (docteur d'Etat ès Lettres françaises, Professeur émérite), Mme Mounira Chapoutot, également Docteur d'Etat et Professeur émérite, spécialiste d'histoire du monde arabe et musulman médiéval, et Mme Hédia Khadhar, Professeur de littérature française du XVIIIème siècle qui, avec Anne Duprat (maître de conférences en littérature comparée à l'Université Paris-Sorbonne, spécialiste des littératures européennes de la Renaissance aux Lumières), contribua grandement à la tenue du colloque et à la publication de ses travaux. Pour présenter les problématiques de cette rencontre, voilà ce qu'écrivent ces deux éminentes universitaires : « De la littérature hispano-mauresque du siècle d'or aux péripéties galantes de l'aventure en Méditerranée, en passant par les mises en scène du pouvoir inspirées au théâtre classique français par le cérémonial de la Cour des Sultans, l'Orient a joué un rôle considérable mais souvent ambigu dans la formation esthétique et culturelle des littératures d'Europe au début de la modernité. C'est à la rencontre entre le versant baroque et le versant classique de la construction des littératures d'Ancien Régime qu'est consacré ce livre (qui) souligne la complexité du rapport qu'a pu entretenir l'Europe avec l'Orient du XVIè au XVIIè, en étudiant la présence conjointe de plusieurs motifs-persans, ottomans, indiens, mauresques et barbaresques- dans le tropisme oriental des littératures européennes». Les communications tunisiennes Sans chauvinisme aucun, mais parce qu'elles sont minoritaires par rapport aux articles des chercheurs français, nous présenterons succinctement les communications tunisiennes que l'on doit respectivement à Mmes Alia Baccar, Mahbouba Sai Tlili, Wafa Abid Dhouib et Mounira Chapoutot. En étudiant « l'Orient dans les écrits français du XVIIème siècle », Mme Baccar analyse surtout la représentation du Maure, du Barbaresque, de l'Ottoman et du derviche dans ces textes : tour à tour craint et adopté, barbare et évolué, condamné et assimilé, déprécié et respecté, l'Oriental prend selon l'essor ou la déchéance de sa société, des images multiples et souvent instables. Dans son article « Le Corsaire barbaresque comme personnage baroque » dans le roman de Marin Le Roy de Gombeville, L'Exil de Polexandre, Mahbouba Sai Tlili montre que cet auteur « apprivoise les monstres des mers pour en faire des personnages familiers et parfois sympathiques, ni totalement étrangers, ni totalement compatriotes, jouant des masques et excellant dans l'art du déguisement ». Wafa Abid Dhouib effectue, quant à elle, un retour sur l'intertexte oriental des Fables de La Fontaine à la recherche de l'empreinte d'Ibn Al Muqaffa, auteur de Kalila Wa Dimna, dans l'écriture du fabuliste français. Mounira Chapoutot étudie enfin « la fascination de l'Orient à travers un récit des Mille et un jours, recueil de contes persans qu'aurait traduits François Pétis de la Croix, diplomate et interprète sous Louis XIV. Sa communication souligne surtout l'effort de création qu'a consenti le traducteur de ce conte et l'influence qu'exerça sur son texte le succès connu déjà par les Mille et une nuits et toutes sortes de « turqueries littéraires » de l'époque. Badreddine BEN HENDA * « Orient baroque, Orient classique. Variations du motif oriental dans les littératures d'Europe (XVIè-XVIIè) », Editions Bouchène, Paris 2010