Raouf KHALSI - [email protected] - On a peut être un peu trop vite enterré les idéologies. On s'est sans doute naïvement versé dans la satisfaction face à la fin des blocs accueillant comme une libération l'effondrement de l'Empire soviétique. Et notre candeur nous aura pour sa part joué un mauvais tour : on s'est en effet adonné corps et âme au gendarme du monde, que matérialise une planète unijambiste, c'est-à-dire amputée de son autre pied. Le résultat ? La renaissance d'ex-nouvelles nations mues par un impératif identitaire et, donc, radicalement nationaliste. L'embrasement dans les régions névralgiques et qui paraissent déjà s'être détachées des objectifs millénaristes d'une nouvelle ère d'incertitudes. Plus grave que tout, le religieux s'invite dans tous les conflits, à toutes les mouvances, recrutant dans les désespoirs des jeunes, brassant le plus large possible, provoquant au passage un mélange des genres et glorifiant l'outrance et le radicalisme. On sait qu'Al Qaïda se déploie partout et que son réseautage est effrayant et, même, paraît-il, inextricable. Elle peut frapper partout et à tout moment et, même, dans les pays arabes et musulmans. En revanche, on ne sait plus maintenant si le gendarme du monde – celui-là même qui avait cru pouvoir mâter le communisme par l'intégrisme religieux – est désormais capable de la démanteler et l'on est même bien moins certains qu'il ait réellement voulu le faire. Partout, s'amplifie une espèce d'exacerbation, face aux amalgames que fait l'Occident dont le modèle de libéralisme décapant est en train de ruiner le monde. Il fallait s'y attendre, nous dit-on, avec la fin du monde binaire. Il fallait d'autant plus s'y attendre que l'Amérique, la Chine, la Russie et l'Europe ont désormais des impératifs de sécurité alimentaire. Dans cette atmosphère annonciatrice de chaos, des groupuscules agissent… Hier des colis piégés par des anarcho-insurrectionnels ; demain, Dieu sait quoi encore. Ce qui est sûr c'est que la hiérarchisation du monde telle qu'elle se meut depuis la fin du siècle dernier a fait son temps. Au point que l'on en arrive à regretter la guerre froide.