La littérature, poésie et récits confondus, nous présente toujours l'enfance et l'adolescence d'une manière aseptisée. Stendhal auteur parlerait de son fameux phénomène de cristallisation qui nous embellit tout ce qu'on a perdu, et qu'on ne peut plus ni revoir, ni reprendre, ni revivre. On oublie tous les problèmes petits ou grands pour ne plus se souvenir que de la saveur paradisiaque de ces deux passages premiers de la vie de toute créature. « Je suis de mon enfance » dira je ne sais plus quel poète et Freud ne sera pas pour le contredire puisqu'il ramène la quasi-totalité de l'être à ses débuts indélébilement marquants. C'est Paul Nizan, terrible « Chien d'une avant-garde » insaisissable, qui sera le premier à enfoncer le clou, balayant tous les mythes liés à l'enfance, à l'adolescence et surtout à la jeunesse : « J'ai eu vingt-ans, je ne permettrais à personne de dire que c'est là le plus bel âge de la vie ! » Et n'en déplaise aux nostalgiques qui n'arrêtent pas de soupirer en pensant à cette « fleur » de l'âge, si on y réfléchit un peu en se détachant de l'idée qu'on s'est faite de sa jeunesse pour sesoulager de l'idée de vieillir, donc d'approcher, à une vitesse alarmante, de la mort, on n'est pas plus heureux à 20 ans qu'à 50 et encore moins à 5 ans. L'enfance est un purgatoire sans répit. On y souffre de toutes les maladies courantes, de la frustration, de la privation, de la peur ; et c'est là qu'on commence à réaliser qu'on n'est pas le nombril du monde et qu'on n'est pas le plus bel ange sur terre une fois qu'on est sorti du giron maternel. Certains mythifient donc la jeunesse, le premier regard d'amour, le premier baiser d'amour et l'on semble oublier les premières « gifles » d'amour assénées avec de plus en plus de violence. Longtemps après Nizan, ce sont les « Punks » anglais qui, au milieu des années 70, balancèrent à la gueule d'un monde perturbé par les prémices d'une crise économique et identitaire censée avoir été, définitivement, éradiquée depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, leur fameux slogan de ralliement qui tient en deux mots : « NO FUTUR ! ». Pas de futur ou d'avenir… Le mieux, c'est de mourir tant qu'il est encore temps. Ils vont brûler Londres comme Néron l'a fait subir à sa Rome chérie. Sid Vicious, véritable teigne du groupe « Sex Pistols » enverra sa petite amie pour une balade sans retour de l'autre côté du mur de la réalité. Accusé de meurtre, il se flinguera à son tour. Serions-nous en Allemagne au 17ème siècle à l'époque où le jeune Werther donna par sa mise à mort « volontaire », le départ de l'esprit romantique suivi par une multitude de jeunes qui se suicidèrent comme pour apporter la preuve que mourir jeune est la seule alternative pour échapper à une vie qui ne vaut pas la peine d'être vécue. Ils sont fous ces Européens qui osent prendre pour exemple des suicidaires sans foi ni loi. Les sociétés à dominante musulmane honnissent le suicide et condamnent ceux qui le pratiquent à la damnation éternelle et au mépris. Sans nul doute que le cultuel peut aider les êtres à éviter ce qui semble être le pire. Quand le navire coule, les rats sont les premiers à le quitter.