«Si tout est déterminé par l'enfance, tout se rejoue à l'adolescence» Freud L'adolescence est une étape délicate et difficile dans la vie d'un enfant. Elle est souvent une période de changements pour l'adolescent, mais également pour son entourage direct : parents, famille, amis...Angoisses, dépressions, plaintes corporelles, violences, fugues, conduites suicidaires. Voilà les comportements qui signalent un malaise chez l'adolescent. Mais l'adolescence est une période de recherche de soi même, de découvertes, d'essais et de remises en question. Comment détecter, écouter et comprendre l'adolescent qui va mal ? Comment doit être notre réaction en tant qu'adultes vis-à-vis de ces jeunes ? Le Rotary Club Nabeul Doyen vient d'organiser une table ronde intitulée «l'adolescence difficile » au centre culturel international d'Hammamet animée par le Pr Riadh Bouzid chef de service de psychiatrie à l'hôpital Tahar Maâmouri de Nabeul, Dr Hager Karray, psychiatre, psychanalyste, membre fondateur de l'Espace analytique franco-tunisien et auteur de plusieurs études, notamment : L'émergence de l'adolescence en Tunisie et le Dr Patrick Delaroche, psychanalyste et pédopsychiatre et qui a dirigé pendant plus de trente ans l'hôpital de jour pour adolescents de Ville-d'Avray (région parisienne). Il est aussi le président-fondateur en 2004 de l' Espace analytique franco-tunisien (EAFT). Il est l'auteur en matière d'adolescence d'une œuvre abondante qui fait figure de référence et qui a trouvé un écho considérable auprès d'un large public, il a notamment publié en 2008 : Parents, vos ados ont besoin de vous ! Il est aussi spécialisé dans le psychodrame psychanalytique. Adolescence difficile, mais y a-t-il une adolescence facile ? Adolescence difficile ! Mais y a-t-il une adolescence facile ? annonce le Pr Riadh Bouzid. Mais d'abord, dit-il : « Qu'est-ce que l'adolescence? Est-ce seulement une période chronologique ? Si c'est oui, quand commence-t-elle ? Quand finit-elle ? Est-ce le changement morphologique qui définit l'adolescence ? Est-ce le changement biologique et hormonal ? Est-ce la maturation neurologique et psychologique ? Est-ce l'accès à une sexualité génitale ? C'est peut-être tout cela à la fois, et plus. Est-ce une période cruciale du développement de la personnalité ? Freud a dit : « Si tout est déterminé à l'enfance, tout se rejoue à l'adolescence ». Cette période est caractérisée, entre autres, par ce que l'on appelle le processus de séparation-individuation : l'adolescent, au sortir de l'enfance et sur son chemin vers l'âge adulte, va devenir un individu indépendant de ses parents. La première des conséquences se traduit par les attitudes et comportements d'opposition aux parents : disputes à propos des sorties, refus de l'autorité, conduites dangereuses». L'adolescent à la recherche de ses repères ! L'adolescence, c'est le passage de l'enfance au monde adulte. Une période faite de comportements qui peuvent devenir compliqués, voire conflictuels, mais ils sont nécessaires. Dr Hajer Karray nous a précisé que « L'adolescence est une période difficile. Les adolescents cherchent à affirmer leur individualité en contestant parfois systématiquement les directives édictées par leurs parents. Ils se sentent incompris et se fâchent facilement. Ces ados avec des problèmes psychiques multiplient les conduites à risques comme ceux qui s'adonnent au tabac et à la violence. Cette adolescence est une période de bouleversements psychiques, sociaux et physiques, qui peut déstabiliser plus ou moins intensément l'adolescent. Ce dernier a besoin de ses parents malgré ses revendications d'indépendance à l'extrême, pour que ce passage clé de la vie se passe au mieux. Ces ados manquent de repères. Il est donc normal que ce soit un moment de crise ; il est normal que l'adolescent le vive dans la souffrance et la difficulté ; aussi bien que pour les parents d'avoir du mal à trouver la bonne réponse à apporter à leur enfant. Avec tout ça, les parents ne savent plus comment prendre leurs enfants, s'inquiètent à outrance parfois et ne savent plus comment faire. Notre société perçoit l'adolescent comme un perturbateur, un jeune adulte mais qui est toujours un bébé qui a du mal à concevoir le monde des adultes. C'est un concept assez récent. Avant, on passait de l'enfance à l'âge adulte très vite. Aujourd'hui on a prolongé l'enfance et les parents qui n'ont pas vécu cette période ignorent les caprices de l'adolescence. Ainsi, ils ont peur de lui. On le gâte et on le couve comme s'il est encore bébé. C'est pourquoi les parents doivent être attentifs, mais aussi accepter la remise en cause de l'autorité imposée jusque-là. Ils ne doivent jamais démissionner, continuer à aimer sans étouffer leur enfant qui a besoin de se sentir adulte et soutenu par ses parents » Garder l'autorité nécessaire et dire non à son enfant ? Faut –il borner cette adolescence ? « Il ne faut pas le borner », estime le Dr Patrik Delaroche. Et il ajoute : « L'adolescence c'est la fin de l'enfance de la puberté jusqu'à l'âge adulte. Cela dure trente ans. C'est un nouveau concept qui a apparu au 19ème siècle et au début du 20ème. C'est un phénomène médiatique, sociologique, médical et psychologique. Tout à coup, l'adolescent ne voit plus le monde ni les choses qui l'entourent de la même manière. Plusieurs éléments en sont la cause. Il y a, bien entendu, les modifications physiologiques importantes et les progrès intellectuels (liés à sa croissance), mais également les attentes différentes de la part des adultes qui en sont responsables. On n'attend pas d'un enfant les mêmes choses que d'un adolescent. Cette période est vécue comme difficile voire dangereuse. Elle fait peur parce que c'est le moment de la vie où l'adolescent essaye le possible sans penser à ses propres limites » L'adolescent a une vision du monde différente de l'adulte et un des grands problèmes aujourd'hui est que les parents se sentent incapables aux yeux de leurs enfants. Au moindre conflit, ils se croient déconsidérés par eux. Or le conflit est, pour l'adolescent, une manière détournée de demander de l'aide. « Les parents doivent être attentifs car c'est la période de tous les dangers et où peuvent surgir les maladies mentales. On doit les écouter mais on doit garder l'autorité nécessaire. Il faut dire non à son enfant. C'est capital. L'enfant a besoin que ses parents l'aident à se dire "non" à lui-même pour ne pas faire n'importe quoi. Tout au long de sa vie, l'être humain est soumis à des pulsions auxquelles il a du mal à résister. Si on ne lui apprend pas très tôt à différer ou renoncer à son plaisir, l'individu sera sans cesse torturé par des besoins ou des désirs qu'il ne pourra satisfaire. Je dis souvent à mes patients : Il faudrait laisser vos enfants vous obéir. Au cas où la prise de risque est reconnue trop importante, mieux vaut réagir clairement et fermement, car, contrairement à ce que l'on croit, les ados ont besoin de limites et de s'entendre dire : "stop !" Parler avec lui le plus possible pour lui montrer de l'intérêt et comprendre ce qui le motive ».