C'est toujours dans ce terreau que les mouvements réactionnaires cherchent et trouvent leur soldatesque. Mis hors du cycle économique de la société, le lumpen prolétariat vivant d'expédients et gravitant au centre d'une marge engoncée dans l'illégalité et la misère généralisée, cette couche brimée de la société est facilement malléable et manipulable. C'est chez elle que les mouvements d'extrême-droite, tels que le fascisme italien, le nazisme, ou le franquisme ont recruté le plus gros de leurs troupes. Appelés à exécuter les plus basses besognes (actes de terrorisme, torture, assassinant....), ces sbires de la contre-révolution sont payés en nature ou en passe-droit. Et ce n'est un secret pour personne : après l'achèvement du cycle de la révolution, des poches de résistance, formées de miliciens encadreurs et encadrés confondus, tentent de semer la terreur au sein d'une population, en manque d'informations claires et détaillées sur ces groupuscules de l'ombre. Qui sont-ils ? Qui les finance ? Et pour quel objectif agissent-ils ? Les observateurs avisés savent pourtant que ces escadrons de la terreur n'ont pas attendu le départ du sinistre chef de la toute récente mafia, pour entamer son action de déstabilisation de la société, et la destruction du très peu d'acquis que la piovra n'a pas détruits. En effet, plusieurs jours avant le 14 janvier, date de la débâcle du gros rat Ben Ali, on a pu percevoir la disparition des quartiers ultra fréquentés des cités, d'une bonne majorité des gros bras qui tenaient le haut du pavé. Petits trafiquants, agents de sécurité privés, voleurs et proxénètes, enfin tout ce que la société peut produire de plus noble, ont disparu. Alléchés par quelques dizaines de dinars quotidiens, alloués par on ne sait qui, pour s'ériger en murs de résistance contre la vague déferlante de la révolution. Comment notre police, qui compte parmi les plus efficaces du monde, n'a-t-elle, jusqu'à aujourd'hui, aucune information concernant ces hors-la loi? Pourquoi et comment aucun membre de la horde qui a tenté de s'emparer du ministre de l'intérieur dans son propre fief, n'a été clairement identifié? Bien sûr qu'une purge interne à ce ministère a été provoquée et que ce ne fut pas chose facile. Surtout pour un responsable, nouvellement embarqué sur ce cuirassé qui symbolisa depuis plus de cinquante-ans, le vrai visage du pouvoir qui a géré la Tunisie : un Etat policier. Cela n'empêche, il n'y eut pas de déclaration officielle expliquant pourquoi ces cadres ont été mis à la retraite, ou tout simplement démis de leur fonction. Le flou est de rigueur. Et la préparation pour la prise en otage de toute la population a été préparée depuis plusieurs mois. Souvenez-vous de la rumeur qui a semé la folie, surtout dans la capitale, concernant l'enlèvement des enfants en bas-âge, et leur disparition, et qui a duré plusieurs jours, avec, à intervalles réguliers, des cas d'enlèvement et d'assassinat d'enfants, au sein même de l'école ou sur son chemin, sans que les autorités du pays ne donnent aucune information ni déclaration officielle, alors que la folie et la terreur s'étaient emparées de tous les parents, donc de toutes les familles, et partant, de toute la société. C'était un test pour étudier la réaction de la population tunisienne, par rapport à d'horribles évènements du genre. Quand, enfin, il y eût une déclaration officielle, niant totalement l'existence de tels enlèvements, la rumeur s'est magiquement tue d'un coup. Et la population a été rapidement tranquillisée. Les actions, quelles soient vraies ou fausses, qui se déroulent ces jours-ci, dans les écoles, les collèges et les lycées, ne sont donc pas réalisées spontanément mais étaient programmées depuis belle lurette. Le règne de la terreur se nourrit de ces sinistres évènements pendant la journée, pour se renforcer une fois la nuit tombée, par la prise en main de la rue, par des hordes de chiens galeux, imbibés de mauvais alcool, et bourrés de divers médicaments stupéfiants, profitant de l'absence totale de la sécurité et de ses agents, qui perdure depuis plusieurs jours. La majorité des tunisiens appelle aujourd'hui à un retour au calme, mais ce dernier ne doit pas être réalisé au détriment des acquis portés par la révolution. Il faut urgemment préserver ces acquis de la perversion et de l'égarement que lui souhaitent les forces nauséabondes de la contre-révolution. Pour cela, il faut laisser à ceux qui sont appelés à programmer le redressement du pays, le temps et les conditions nécessaires, pour mettre leurs plans de sauvegarde en application. Tout en gardant les yeux bien ouverts, et en demeurant alertes, car les cartes du jeu sont brouillées d'une façon quasiment inextricable.