Raouf KHALSI - Au début des années 70, le colonel Mouammar Kadhafi, fraîchement auréolé de la « Révolution du 1er septembre » se rendait en Tunisie. Il y est venu par la route, ce qui intriguait un peu. Il était, néanmoins, clair que les projets d'union, voire d'annexion (du Sud tunisien à la Libye) germaient dans sa tête. Bourguiba l'autorise à tenir un discours au Palmarium. Kadhafi est comme tétanisé : cocktail de panarabisme et de guevarisme ; défi lancé à la face du monde, dont principalement l'Amérique. Bourguiba l'écoutait parler depuis le Palais de Carthage. Et, voyant que des « lignes rouges » étaient franchies par cet illuminé naissant, il fait irruption au Palmarium, prend le micro et inflige à Kadhafi la pire humiliation de sa vie… Peu de temps après, Kadhafi prend une revanche providentielle avec le célèbre accord d'union (entre les deux pays) de Djerba. Depuis, la Tunisie n'a fait que vivre au jour le jour avec ce voisin dont le régime prétendument populaire, n'avait rien à « envier » à la dictature qui régnait chez nous. Il nous en aurait fait voir de toutes les couleurs : bruit de bottes aux frontières, expulsions sauvages de nos émigrés en Libye… Il soufflait le chaud et le froid sur les relations entre les deux pays, relations essentiellement personnalisées : il n'y avait pas d'axe Tunis-Tripoli, mais un axe Ben Ali-Kadhafi. Dans une ultime tentative de maintenir Ben Ali en place il lève toutes les entraves douanières et financières à l'accès des Tunisiens en Libye. C'était aux premières heures chaudes de Sidi Bouzid… Aujourd'hui, il décide de rétablir ces mesures alors qu'aucun libyen n'a jamais été tenu de justifier quoi que ce soit pour son accès en Tunisie. En tous les cas, le contraire nous aurait étonnés : on le voyait venir… Et cela depuis qu'il a ouvertement dépité les Tunisiens en défendant Ben Ali, ponctuant son discours par cette formule grave, très grave : « Wa ala Tounès Assalam ». Il l'a dit… Puis, à une question précise de Soufiène Ben Hmida, sur Nessma, concernant justement, ces mesures de libre accès des Tunisiens en Libye, Kadhafi donna l'impression de tituber, répondant, quand même, que ces mesures étaient décrétées au profit du peuple tunisien et non de « Zine », comme il l'a toujours appelé. Ce qui est bien, c'est que les Tunisiens ne l'ont pas cru. Pas même les touristes libyens (pour la santé ou les loisirs) qui ont pris la poudre d'escampette.