Plusieurs conflits d'intérêts entre parties et corporations voisines sont montés à la surface, ces derniers jours, compliquant la situation post révolutionnaire en Tunisie, déjà envenimée par l'explosion des revendications. Après le conflit opposant les commerçants professionnels et ceux qui font du commerce parallèle et anarchique dans la voie publique, ou encore le différend entre pharmaciens de jour et pharmaciens de nuit, un autre conflit d'intérêt a éclaté entre les notaires et les avocats. Mardi 1er mars, les notaires ont organisé, devant le siège du ministère de la Justice, à Tunis, un mouvement de protestation au cours duquel ils se sont plaints des « empiètements des avocats sur leurs attributions », en matière de rédaction et d'enregistrement des actes et contrats. Les notaires protestaient notamment contre un nouveau projet de loi relatif à l'organisation de la profession d'avocats présenté, par les avocats, au gouvernement provisoire de la Révolution et comportant, selon, eux, beaucoup d'empiètements sur les prérogatives des notaires. Sur l'une des banderoles brandies on pouvait lire : « les avocats censés défendre les droits empiètent sur les droits des notaires ». Une délégation de notaires a été formée et chargée de transmettre les doléances des notaires au ministre de la justice. D'après les informations que nous avons pu recueillir auprès de plusieurs notaires participant à la manifestation, de nombreuses décisions avaient été prises sous le régime précédent du président déchu en vue d'élargir les attributions des avocats aux dépens des prérogatives des notaires, en ce qui concerne la rédaction et l'enregistrement des actes et contrats, comme les actes de cession, et les actes relatifs à la propriété foncière et aux fonds de commerce. Cette extension avait été décidée pour satisfaire les avocats mécontents de voir leur situation précariser, sans cesse, disent les notaires qui expliquent, cependant, cette précarisation par ‘'la distribution déséquilibrée des affaires à juger entre l'ensemble du corps des avocats. Les notaires estiment être des officiers publics assermentés et par cette qualité, les mieux à même de garantir la transparence totale en matière de rédaction et d'enregistrement des actes et contrats authentiques et absolument acceptables. Ils ont souligné que durant la période précédente, les actes et contrats qui n'étaient pas rédigés et authentifiés par des notaires avaient souvent soulevé des problèmes. Au même moment, les mesures d'extension décidées sous l'ancien régime ont lésé les intérêts des citoyens, en les obligeant à payer des frais plus élevés et même des frais nouveaux dans ce domaine. Certaines opérations et formalités ne nécessitaient pas, auparavant, des frais, et se passaient d'auxiliaires de justice, le citoyen concerné pouvant les remplir par lui-même.
Issues juridiques douteuses
Dans une déclaration rendue publique par une assemblée extraordinaire des notaires tenues, dernièrement, au siège de leur association nationale, les notaires, au nombre de plus de 900 dans l'ensemble du pays, ont qualifié le nouveau projet de loi relatif à l'organisation de la profession d'avocat « de grave et propre à nuire à la stabilité contractuelle et à l'économie nationale ». Après avoir noté que « la dictature et la malversation sous l'ancien régime ont spolié et pillé les richesses du peuple tunisien, au moyen de milliers d'actes et de contrats écrits », ils ont souligné que « le devoir leur impose de mettre en garde le peuple tunisien contre tous ceux qui avaient fourni au despotisme et à ses agents, les issues constitutionnelles et juridiques pour voler les biens du peuple ». Salah BEN HAMADI