Par Wahid Ibrahim - Du 9 au 13 mars 2011, l'attention touristique internationale sera braquée sur l'ITB Berlin ,le plus grand rendez-vous professionnel mondial. Bien qu'on soit conscient que ce n'est pas dans l'enceinte de ces Salons que les destinations concluent des relations d'affaires, il n'en demeure pas moins qu'il faut y faire acte de présence pour voir et y être vu, recevoir et être reçus et communiquer avec tous les médias réunis. La conjoncture particulière traversée ces derniers temps par notre pays et caractérisée par le tarissement des sources émettrices de touristes incite les responsables à adopter les positions les plus réactives en vue de rassurer les partenaires sur tous les marchés et particulièrement sur le marché allemand. C'est que la forte baisse du marché allemand mérite réflexions et actions. Si la Tunisie a attiré près d'un million de touristes allemands il y a quelques années, c'est la preuve qu'on a là un gisement réel aux fortes potentialités et que l'adéquation du couple client/produit, malgré certaines carences, n'est pas totalement fortuite. Aussi, importe-t-il de récupérer les parts de marché qu'on y a perdues. L'Allemagne, pour le tourisme tunisien, est un marché historique et stratégique: - historique, parce qu'il a accompagné le développement de notre tourisme depuis sa naissance il y a presque un demi-siècle. Au début, certains TO avançaient même des capitaux aux promoteurs hôteliers pour construire leurs premiers hôtels. - stratégique, parce que la Tunisie ne peut pas se passer d'un marché qui lui procurait plus du 1/3 de ses nuitées et de ses recettes touristiques et faisait « travailler » la quasi totalité des hôteliers. Il est utile, soit dit en passant, de préciser que le million de touristes allemands réalisé en 2000-2001 était dû pour une part à l'essoufflement des Baléares, à la guerre des Balkans et aux tremblements de terre en Turquie. Il s'agissait donc d'une amélioration conjoncturelle de parts de marché, fruit d'une conjonction d'éléments exogènes particuliers. Notre part de marché réelle ou structurelle d'avant la crise sur le marché allemand, serait, en fait, de l'ordre de 800.000 et 850.000 clients. Cette précision aide à tempérer les ardeurs et à faire preuve de plus de réalisme dans les espoirs obsessionnels de reconquêtes. Le marché allemand, comme tout marché européen de typologie nordique, est comme un coffre fort dont on ne peut ouvrir les serrures qu'à l'aide de 5 clés. Chaque clé se trouve en possession d'un partenaire différent et les 5 partenaires doivent se présenter en même temps pour actionner, ensemble, l'ouverture des serrures: - une clé se trouve chez le TO, sans qui aucune programmation hôtelière et touristique n'est possible, - une clé chez le transporteur aérien, vecteur incontournable parce que la Tunisie n'est accessible pour le plus grand nombre que par avion, - une clé chez l'agent de voyages distributeur sur le marché dont le travail de proximité constitue la véritable force de vente, - une clé chez l'hôtelier dont la qualité de prestations commande la pérennité du produit et la fidélisation du client, - une clé chez l'autorité touristique de la destination dont les communications tactique et institutionnelle sont fondamentales pour la création d'une image de marque séduisante et convaincante. Il suffit que l'une de ces clés vienne à manquer pour que le trésor caché dans le coffre demeure inaccessible En outre, si la Tunisie ne peut pas réussir son tourisme sans la contribution du marché allemand, on peut se demander si les TO allemands peuvent se passer de la destination Tunisie qui, depuis un demi-siècle, a fini par compter dans leur bilan d'activités et par faire partie de l'imaginaire ludique de leur clientèle. Naguère marché européen leader pour notre destination, l'Allemagne peine aujourd'hui à retrouver sa place et à rattraper la baisse de plus de 50% que notre tourisme y a enregistrée. Plusieurs raisons ont été invoquées: attentats de la Ghriba, essoufflement de l'offre, absence d'image institutionnelle et investissements publicitaires et promotionnels insignifiants par rapport à la concurrence et à la taille du marché, concurrence de plus en plus vive , baisse de la qualité des prestations hôtelières et touristiques, faiblesse de la marge des TO compte tenu du niveau très bas des prix de forfaits, absence de dynamisme et de relations de proximité entre les prestataires tunisiens et leurs partenaires allemands...etc. De nombreuses études et enquêtes ont corroboré ces facteurs et proposé des réponses plus ou moins pertinentes. Compte tenu de la durée moyenne de séjour, un touriste Allemand pèse autant que deux Français .500 mille touristes Allemands génèrent plus de nuitées et de recettes qu'un million de touristes Français et rien que pour cette raison, il s'avère impératif de donner la priorité à la reconquête des parts perdues du marché allemand, en consentant, s'il le faut, les sacrifices nécessaires. Les saupoudrages budgétaires et les actions épisodiques de relance ont montré leur limite et leur stérilité. Aussi, est-il plus judicieux de réviser les voies choisies et les moyens mobilisés et de considérer le marché allemand comme hyper prioritaire notamment : - En garantissant des conditions optimales de sécurité et de stabilité dans toutes les régions du pays, préalable à toute communication crédible et efficace. - En engageant une concertation continue et responsable avec les TO sur le marché qui restent des maillons incontournables dans la commercialisation de la destination. Les TO restent des partenaires structurellement nécessaires étant donné la spécificité balnéaire de l'offre tunisienne, d'accès exclusivement aérien, qui ne peut pour le moment éviter le "packaging" TO pur et dur. En effet, le self packaging qualifié de dynamique n'est pas prêt de supplanter ces derniers pour encore quelques années. - En proposant des contrats de collaboration d'au moins trois ans où les différentes parties (administration, professionnels, TO, transporteurs aériens...) s'engagent, chacune en ce qui la concerne, à apporter sa contribution à la réalisation d'objectifs convenus de commun accord. Ceux qui prétendent que la recette consiste à accorder des soutiens financiers aux TO se trompent. Cette formule n'a jamais fonctionné sur aucun marché. Ce n'est pas de l'argent qu'il faut donner aux TO, c'est plutôt de la qualité et du bonheur qu'il faut donner à leurs clients. Quitte à revaloriser le niveau des prix de commercialisation. -en inventant des mécanismes de soutien à la programmation aérienne dans le sens du développement ou de la prévention d'éventuels délestages. - En mettant à niveau l'offre hôtelière et extra hôtelière de manière à lever définitivement les aspects défavorables et à redémarrer avec une image renouvelée, dépoussiérée et crédible. Il convient, à ce propos, d'insister sur la nécessaire « révolution »des esprits que doivent opérer les acteurs hôteliers et touristiques tunisiens. - En mobilisant les budgets nécessaires pour lancer des campagnes publicitaires utilisant les médias les plus puissants et les plus performants en termes d'impact et de couverture de cible. Ces campagnes, pour être perçues comme de véritables événements de relance de la destination, doivent impérativement investir les espaces télévisuels, les médias régionaux et la presse thématique. - En restructurant les représentations de l'ONTT sur les marchés en leur consacrant des budgets plus conséquents et en les dotant de ressources humaines plus compétentes et plus responsables. - En tenant compte des mutations démographiques que connaît l'Allemagne qui feront que les classes d'âge inférieur à 50 ans seront moins nombreuses que celles au dessus de 50 ans. Les seniors ou le 3ème âge constitueront, de plus en plus, le moteur du marché. - En tenant compte des bouleversements enregistrés au niveau des nouvelles attentes de la clientèle. Selon certaines études relatives aux tendances vacancières, les voyages de courte durée sont appelés à se développer. Les attentes culturelles et environnementales s'affirmeront de plus en plus.