Par Docteur DHAOUI Hechmi, Psychiatre Psychanalyste - Il ne faut surtout pas oublier que Rached Ghannouchi a donné carte blanche à Ben Ali juste après le 7 Novembre 1987 en déclarant au journal le Temps : « Je crois en Dieu et en Ben Ali ». Il vient de refaire la même bêtise en acclamant le sanguinaire Maamar El Ghaddafi. Pour le comprendre, le pauvre, et non lui donner raison, il faut revenir à l'histoire des Musulmans qui nous permettra de savoir qu'il est le produit de plusieurs échecs, depuis les salafistes auxquels il se réfère. Les salafistes étant les premiers califes de l'Islam, quand Omar El Khattab a fait allégence à Abou Bakr Essidik qui l'a nommé à son tour avant de mourir. Puis Omar a laissé en place un soit disant conseil de six personnes (Majliss Choura), dont quatre étaient acquis à Othman Ibnou Affen contre l'Imam Ali. Alors que le Pprophète voulait que le pouvoir se fasse dans la concertation entre les musulmans. Enfin c'est Mouaouia Ibnou Abi Soufien qui a ignoré la Choura (concertation) pour la remplacer par la succession. Ce qui pourrait déjà expliquer qu'aussi bien Ghannouchi que son entourage ne sont pas fait pour la démocratie. Il s'agit donc de la première mise en échec des salafistes d'un des désirs du prophète de l'Islam. Il faut d'abord essayer de comprendre le double langage des islamistes. Ils ont l'art de mobiliser tantôt un imaginaire d'opposition, caractérisé par le goût des conflits, de l'exclusion et du sectarisme, tantôt un imaginaire de fusion caractérisé par le goût des analogies, de la communion et du ralliement. Ce dont ils sont incapables, c'est l'imaginaire de l'alliance caractérisé par la cohabitation, la communication et de la dialectique. Ce qui correspond totalement à Rached Ghannouchi, qui a vécu l'échec du nationalisme arabe, dont l'intégrisme musulman se présentait comme le substitut et la solution. Après avoir été donc un nationaliste nassérien, il a épousé la doctrine des frères musulmans, fondée en 1927 en Basse-Egypte par deux instituteurs, Hassan Al-Banna(1906-1948) et Sayed Qotb(1906-1966). Il est donc rentré en Tunisie en 1969 pour créer le Mouvement de la Tendance Islamique(MTI). Il a commencé par organiser plusieurs campements à la manière des scouts qu'il a infiltrés. Il orientait les étudiants scientifiques systématiquement à l'académie militaire, sur lesquels il projetait son coup d'Etat avorté en 1987. Il a infiltré aussi le corps de la police, dans le cadre de sa volonté guerrière, qui est essentiellement terroriste, dénaturant l'esprit même de l'Islam, dont la règle de la vie sociale est la paix dans le respect des choix religieux. En voici cinq verset du Coran comme exemples : « Point de contrainte en matière de religion » (verset 256 sourate La Vache), « Appelle au chemin de ton Seigneur par la sagesse et l'édification belle » (v 125, sourate Les Abeilles), « Le vrai ne procède que de notre Seigneur. Croit celui qui veut et dénie celui qui veut » (v 165, sourate La Vache), « Lance donc le rappel. Tu n'es là que celui qui rappelle, tu n'es pas celui qui régit » (v 31, sourate La famille d'Imran), et enfin « A vous votre religion, la mienne à moi »(v54, sourate La Table Pourvue). Les sages de la Nahdha ont même reconnu leurs fautes, d'avoir vitriolé des hommes et d'avoir explosé quelques institutions touristiques, à travers la déclaration de l'un des piliers de leur mouvement Mohamed Chammam. Mais comment croire ces porteurs du double discours. Quant à la psychologie des intégristes musulmans, elle est marquée, de part sa fixation anale, par la phobie des femmes, par la différence sexuelle vécue comme une honte inavouable. La femme doit se cacher afin de ne pas provoquer l'homme, qui causerait en lui un sentiment de culpabilité religieuse. La femme n'est-elle pas, selon le Coran et la Bible, responsable du premier péché, commis par Adam ? Ce refus de l'altérité de la femme se transforme en refus de toute altérité. Mais si la femme est la source de la vie, la haïr c'est haïr la vie, donc aimer la mort. Vidé de sa libido (énergie vitale), le fanatique devient aisément manipulable. On voit ainsi se former le terreau sur lequel peut se développer une vocation terroriste et de destructeur de la vie. Nous sommes en plein délire paranoïaque, délire qui se développe à partir de personnalités rigides, susceptibles, rancunières, vindicatives et cruelles. De surcroît, la clinique psychanalytique a pu vérifier que le thème de la persécution se forme à partir d'une homosexualité refoulée. La conséquence en est leurs discours haineux non seulement à l'égard des non-musulmans, mais aussi à l'égard des minorités, des femmes et des enfants. Le fanatisme amplifie cette tendance générale. Les fanatiques vouent une haine infinie à tous ceux qui cherchent à prendre du recul par rapport à la mainmise patriarcale et à devenir responsables et indépendants. C'est pourquoi ils n'ont rien à voire avec la Révolution tunisienne qui a appelé à la liberté et à la dignité. Je pense profondément qu'il n'existe pas d'islamisme modéré, et si parfois il apparaît ainsi, c'est uniquement par le double langage. Ils ne cessent d'amplifier les mérites de leurs prédécesseurs dans une régression identificatoire et idéalisante de leurs ancêtres, à leur mode d'être. Cela les prédispose à désirer la mort et à devenir autant de dangereuses bombes humaines ambulantes. Ajoutons enfin que la psychologie de l'intégriste est dominée par ce qu'on pourrait appeler le principe d'opacité, présent dans le monde arabo-musulman et amplifié dans l'intégrisme. A savoir : « Si vous péchez, soyez discrets ». Tout est presque permis, mais dans la discrétion. On camoufle ainsi un grand nombre de perversions comme la zoophilie et la pédophilie, favorisées par la frustration sexuelle et affective. Ce qui est très loin des objectifs de notre Révolution, réclamant la liberté, la dignité, l'égalité et surtout la communication et la transparence. C'est une Révolution postmoderne avec ses deux versants : traditionnel sur le terrain, communautaire (mouvement de foule), irrationnelle (contre les tirs à balles réelles des sbires de Ben Ali) et émotionnelle (réactionnelle) sans leader. Elle a été aussi moderne par les Facebookeurs, rationnelle, intelligente et individuelle. La Révolution tunisienne s'est inscrite dans une évolution et une maturité qui ont imposé un mouvement progressif et non régressif qui caractérise l'intégrisme de Ghannouchi et dont dit Jung : « Si la libido reste fixée au royaume merveilleux du monde antérieur, alors l'homme est devenu une ombre…il est comme mort et gravement malade », ce qui n'est pas le cas de notre Révolution qui est pleine de vitalité. Elle s'est inscrite dans un mouvement de sacrifice symbolique de la nostalgie, permettant la libération d'une énergie prisonnière pour s'investir dans un mouvement progressif. C'est peut être pourquoi les jeunes de Sidi Bouzid et de Kasserine ont renvoyé la caravane d'aide envoyée par Ghannouchi et son entourage, afin de ne pas leur permettre de monter sur leur Révolution.