C'est quand même bizarre qu'on ne tire pas les leçons de l'expérience immédiate précédente du gouvernement Ghanouchi. C'est à croire que la politique du goutte à goutte n'a pas que des adeptes dans l'agriculture, mais aussi dans la politique. Pourtant il aurait fallu « irriguer » dès le départ et permettre au cours d'eau de la Révolution de prendre son lit et de l'habiter naturellement ! La haute commission de la Réforme politique devenue, depuis, Conseil pour la réalisation de l'objectif de la révolution et de la réforme politique démocratique, semble atteindre ses limites pour devenir un véritable casse-tête chinois pour la bonne et simple raison qu'elle a raté son démarrage. Un décret tardif pour l'instituer, une composition contestée pour n'avoir pas intégré les représentants de certains partis, et associations représentatives de la société civile et des régions. Enfin même son élargissement à des « personnalités » dites « nationales » a baigné dans la subjectivité certes de « bonne foi » mais n'a finalement convaincu personne. Encore une fois en personnalisant les problèmes on ne fait que handicaper les institutions. Maintenant que faire ? Certains juristes d'expérience ont tout simplement appelé à sa dissolution parce qu'avec la décision d'élire une assemblée constituante cette commission n'a plus d'objet, ni de raison d'être. Logique et sans doute rationnel au niveau de la pureté juridique, mais cela pose un problème psycho-sociologique relatif à la gestion de la période transitoire. On ne peut pas se mettre tout le temps sous la pression de la rue ou de la mobilisation politique car l'autorité de l'Etat qui était vascillante avec le gouvernement précédent serait à nouveau par terre. Ce qui serait, dramatique pour la stabilité du pays. A notre avis la bonne solution c'est de conserver le conseil mais en limitant ses tâches. Son rôle consisterait tout simplement à réformer le code électoral et pas plus. Tout le reste y compris le projet constitutionnel et les nouveaux contours du système politique – parlementaire, présidentiel ou mixte – serait du strict ressort de la nouvelle assemblée constituante qui sera élue selon la nouvelle réglementation électorale. Cette voie nous permettra d'abord de gagner du temps et Dieu sait, si cette commission nous en fait perdre, pour être dans les délais du 24 du mois de juillet qui s'annonce allègrement. Ensuite elle permettra de réhabiliter la politique pour permettre une « sélection » naturelle des mouvements et des partis réellement crédibles. Il faut encore une fois tirer les leçons du passé-récent. La répression atroce de Ben Ali a donné lieu à la naissance et à la consolidation de beaucoup de structures et de sensibilités de l'opposition. Certaines sont réellement populaires et crédibles. Mais d'autres… beaucoup d'autres, le sont moins ! Les 49 partis autorisés à ce jour, n'ont pas tous le même rayonnement le même volume, ni la même surface. Pourtant au niveau de la mobilisation médiatique et de la rue, certaines petites formations s'agitent bien et font beaucoup de bruit sans être réellement représentatives parce qu'elles profitent des hésitations passées du gouvernement et de ses concessions continues sous la pression. Il est grand temps de faire confiance au peuple tunisien qui est connu pour sa prudence et sa rationalité, et à ses élites raisonnables qui sauront le jour « J » faire la différence entre la démogagie de la « Mobilisation » et les « programmes » de remise à niveau du pays dans tous les domaines. Certains courants extrémistes commencent à s'essouffler et battre de l'aile parce que « la critique est certainement aisée mais l'art est difficile » comme le prédisait si bien le philosophe : Boileau. Le véritable examen c'est le programme de gouvernement et non la contestation permanente et la fanatisation des catégories sociales autour d'idéologies totalement déclassées. L'évolution universelle des temps modernes surtout après les échecs des « Dictatures du prolétariat » des pays de l'Europe de l'Est, de la Chine et de Cuba d'une part, et l'incapacité de la révolution iranienne à construire un modèle acceptable d'une « démocratie libérale islamique », d'autre part, ramènent les jeunes révolutions arabes actuelles au centre. Ce «centre» c'est une synthèse entre la sacralité de la liberté individuelle, fondement du libéralisme politique et économique, et la répartition juste et équitable de la croissance. Le tout encadré par un système institutionnel qui permet la séparation des pouvoirs, la diversité, et l'alternance pacifique et non violente au pouvoir. Nous y reviendrons ! K.G.