Par Khaled GUEZMIR - Décidément, la Révolution est en train de souffrir… des partis et des « leaders » qu'elle a enfantés ! Il est universellement admis que toute révolution qui n'arrive pas à canaliser ses exigences, à définir ses priorités et à mettre en œuvre les mécanismes qui permettent d'endiguer ses extrêmes, risque la dérive parce qu'elle porte en elle, les germes de sa propre dénaturation. Dieu nous en garde, notre Révolution qui a été, jusque-là, merveilleuse par ses valeurs et qui a réussi à dégommer un dictateur hors normes, au moindre coût, comparé avec ce qui se passe en Syrie, par exemple, risque de capoter, du fait, de l'irresponsabilité de certains « jusqu'aux boutistes » assoiffés de « revanches » et de pouvoirs et qui veulent tout ou rien en conformité avec l'adage populaire : « Echanka maâ ejjemaâ khlaâ… » (La pendaison collective c'est des vacances). Que veut-on, au juste ! Tenez vous bien, car le «bon sens» cette chose que Dieu a le mieux partagé entre les hommes, a bien disparu de l'éthique de certains leaders aventuristes qui veulent mener le pays au chaos ! Je m'explique : on demande, tout bonnement, au gouvernement provisoire de M. Caïed Essebsi de « gouverner » et de « ne pas gouverner ». D'un côté, on lui reproche son attentisme à engager les réformes, la lenteur qu'il met à envoyer en prison et sans jugement, les responsables de l'ancien régime, donc, on lui reproche en fait, de ne pas se substituer à la justice elle-même, dont ils réclament l'indépendance et le légalisme ! On lui reproche, aussi, de ne pas résoudre les problèmes qui ont été à la base même de la Révolution, à savoir le chômage des jeunes et le déséquilibre régional. Enfin, on lui reproche de ne pas garantir la sécurité des citoyens face aux agissements relevant, tout simplement, du banditisme plus qu'autre chose… bref, on lui reproche de ne pas gouverner ! De l'autre côté, on met en pièce ce même gouvernement quand il prend la décision d'engager la coopération internationale, de recourir à des prêts et d'encourager l'investissement. A ce sujet, peut-on créer les sources de la richesse , de la croissance et du développement, sans capitaux ! La sagesse musulmane dit bien : « Al malou quawam al Aâmeli » (l'argent galvanise l'activité). Quand à la sécurité c'est l'éternel sexe des anges. On demande à M. Caïed Essebsi et à son ministre de l'Intérieur de faire les omelettes sans casser des œufs ! Comment agir avec des hors-la-loi ou arrêter un délinquant armé de gourdin ou d'arme blanche… Y a-t-il une seule police au monde qui est désarmée ? Ah… Si ! celle de sa majesté la Reine Elisabeth d'Angleterre ! Mais, alors, donnez-nous des citoyens respectueux de la légalité, de la discipline et du respect de l'ordre public, comme les Anglais. On exigera de notre police le strict respect des lois et elle sera responsable pénalement pour toute dérive sécuritaire ! Donc, encore une fois, on reproche au gouvernement de «trop gouverner». La véritable leçon de tout cela c'est que les partis et les groupuscules qui veulent prendre le pays en otage, ainsi que sa révolution lumineuse et sa démocratie libérale et sociale, en gestation, ne veulent pas de la réussite de notre pays, de son peuple et de sa jeunesse qui veut bâtir une démocratie comme on en trouve dans le seul espace démocratique mondial réel, et initiateur des libertés et des droits de l'Homme : l'Occident. Ce qu'ils veulent, c'est soit « soviétiser » la Tunisie avec comme mode de gouvernement « la dictature du prolétariat » qui s'est avérée la dictature tout court. Ou pire encore, « orientaliser » la Tunisie avec comme mode de gouvernement : la Chariaâ, et là, nous sommes en plein dans les dictatures de MM. Ali Abdallah Salah ou Hassen Tourabi du Soudan, qui ont constitué « leur Chariaâ » à eux, pour Constitution ! Le résultat, nous le connaissons tous. Regardez les massacres des militants pour la liberté dans ces pays. Un homme du peuple paysan bien de chez nous au teint basané, « tounsi hor », ayant souffert dans son âme et dans sa chair pour fonder une famille honorable, éduquer ses enfants et les faire vivre dignement à la sueur de son front, me soufflait cette semaine, à la plage populaire de Kalaât El Andlouss : « Mon ami, quand on veut acheter une voiture ou un tracteur agricole, on doit s'informer auprès de ceux qui l'ont fait, avant nous et qui ont réalisé le bon choix ». Idem pour la politique ! Notre voie pour la démocratie doit s'inspirer de ceux qui, comme nous ont vécu de sombres dictatures, et ont réussi à construire des systèmes démocratiques véritables et irréversibles, je veux citer l'Espagne, d'après Franco, la Pologne d'après Jaruzelski et l'ensemble des pays de l'Est européen comme la Roumanie, après Ceausescu ! Notre identité arabo-musulmane ne sera jamais menacée par cette voie, bien au contraire. L'Espagne est bien restée catholique après Franco ! Allons, donc, messieurs ! et pour l'amour de Dieu, laissez le gouvernement « gouverner » pour quelques mois encore et préparez vos élections. Les « fauteuils » comme l'Etat sont éternels… Rassurez-vous… Seuls les hommes sont mortels !