• Et de quelle «couleur» seront les intérimaires ? - La situation dans les 264 municipalités que compte la Tunisie devient de plus en plus précaire. Tout le monde attend avec impatience la dissolution des différents conseils municipaux, devenus incapables de gérer les affaires des citoyens, en vue de les remplacer par des délégations spéciales qui auront pour tâche d'assurer l'exécution des projets municipaux et rétablir l'ordre et la sécurité dans les zones communales et surtout remédier un tant soit peu aux anomalies qui ont été constatées dans pas mal de municipalités, durant ces derniers mois, à tous les niveaux. Et pourtant, la décision de dissoudre ces conseils municipaux a été prise lors d'une réunion du gouvernement provisoire tenue le 14 mars. En attendant la désignation des membres qui constitueront ces délégations spéciales – et qui n'a que trop duré – la situation semble se dégrader dans pas mal de municipalités. Désordre On n'y voit plus de conseillers municipaux qui, paraît-il, ont disparu depuis le 14 janvier. On n'y voit plus d'agents de la police municipale dans les rues, pourtant ils étaient omniprésents avant cette date. Les citoyens ne payent plus leurs impôts municipaux. Les maires se sont évaporés du jour au lendemain et les signatures des documents urgents ont été confiés aux secrétaires généraux ou sont restés bloqués dans leurs bureaux respectifs. Pour s'enquérir de l'état des choses, certains présidents de communes passent dans leurs bureaux en cachette, parfois le soir, pour éviter d'éventuelles confrontations avec le personnel ou les citoyens. Le ramassage des poubelles n'est plus régulier à telle enseigne que les ordures ménagères et des déchets de touts genres s'entassent à tous les coins de rues. Inutile de parler des constructions anarchiques qui se sont déployées dans tous les territoires municipaux, en l'absence de tout contrôle administratif : les uns ont profité de l'absence de la police municipale pour ériger un 1er ou un 2ème étage de sa maison, faisant fi des règlementations en vigueur, quitte à causer des ennuis aux voisins ; les autres ont pris possession de quelques mètres carrés au coin d'une rue ou carrément sur le trottoir ou encore à proximité d'une école pour y construire un « kiosque », sans parler de ceux qui se sont installés sur la voie publique pour exercer leur commerce de légumes ou de fruits ou toutes sortes de produits… Tous ces actes sont illégaux et font perdre d'énormes sommes d'argent aux municipalités puisqu'ils ne sont soumis à aucune taxe municipale. Certains parlent d'une chute de recettes qui a atteint 70 % dans certaines municipalités, ce qui pourrait influer sur les versements mensuels aux salariés et aux ouvriers et entraver ou bloquer les projets en cours. Pour ne citer qu'un exemple, dans la commune d'Ezzahra, à la banlieue sud, un projet d'assainissement qui a débuté avant la Révolution a été arrêté, laissant plusieurs rues dans un état piteux. De même, pas mal d'espaces verts ont été négligés depuis quelques mois. A Hammam-Lif, une autre ville de la banlieue sud, l'état des rues devient de plus en plus lamentable, faute d'entretien, et les automobilistes roulent déjà sur des nids de poules qui, avec les dernières pluies, ont pris des proportions alarmantes. Ainsi, chaque jour, la situation s'accentue et devient critique surtout dans les municipalités au budget limité. Les délégations spéciales qui vont remplacer les conseils municipaux auront sans doute du pain sur la planche. Et les membres ? Mais qui seront les membres de ces délégations ? Seront-ils à la hauteur de la mission dont ils seront chargés ? Ces délégations, une fois installées, auront-elles droit à des subventions du gouvernement provisoire pour leur permettre de relancer les projets de leurs municipalités respectives et restaurer la vie normale des citoyens ? Telles sont les questions que se posent les habitants dans chaque municipalité ayant souffert d'une stagnation des activités. On croit savoir que la préparation de ces délégations touche à sa fin et que tout se concocte actuellement dans les bureaux des gouverneurs. En effet, une base de données de personnalités locales sera établie au niveau du gouvernorat où les listes des membres seront arrêtées incessamment, en fonction du nombre des communes appartenant à chaque gouvernorat. Les membres seront choisis parmi les personnes compétentes ayant un rayonnement auprès des habitants de la commune en question et la priorité sera donnée aux enseignants qui jouissent de temps libre plus que d'autres cadres et, par conséquent, ils peuvent le consacrer aux responsabilités municipales. Mais il y aura d'autres membres qui seront choisis parmi les travailleurs, les ingénieurs, les médecins et toute autre personne capable de rendre service à sa commune. Les partis politiques et les associations seront consultés afin d'élargir et de consolider les listes définitives. Quant au nombre des sièges qui sera attribué à chaque délégation, on croit savoir qu'il sera fixé en fonction du nombre des habitants de chaque municipalité, soit 8 sièges jusqu'à 20000 habitants, 16 sièges de 20000 à 60000 habitants et 24 sièges au-delà de 60000 habitants. Ces membres qui vont assurer l'intérim au sein des municipalités, en attendant les prochaines élections municipales (dont on ignore encore la date précise !) auront à affronter certainement des problèmes sérieux en commençant par le rétablissement de la confiance des citoyens en leurs conseillers municipaux et convaincre les habitants de la nécessité de s'acquitter de leurs impôts afin de renflouer la caisse de la municipalité, seul garant de l'exécution des différents services, publics, administratifs et sociaux qui relèvent de la compétence de la municipalité. Espérons que les membres seront mûs de toutes les bonnes volontés du monde pour servir de bonne foi le citoyen et qu'ils seront dotés d'un sens de responsabilité et d'abnégation pour intervenir dans l'intérêt général. Aujourd'hui, le citoyen veut ouvrir une nouvelle page avec ses conseillers municipaux pour oublier à jamais les tracas qu'il a dû endurer à cause de l'indifférence, de l'arrogance et de l'irrespect qui caractérisaient les rapports citoyen/ municipalité pendant l'ancien régime !