Hier, jeudi, les agents et employés municipaux ont poursuivi leur grève générale décrétée dans tout le pays en signe de protestation contre une récente décision émanant du Premier ministère et qui revient sur les accords, signés à la mi-février 2011, entre leur syndicat général et la direction générale des collectivités locales. Ces accords concernent la régularisation de la situation professionnelle des divers ouvriers et agents contractuels ou temporaires encore non titularisés. Dans le procès-verbal de ces accords, il a été convenu d'autoriser la réintégration de 23 agents révoqués dans le corps des contrôleurs des règlements municipaux, d'accorder la mutation à 20 autres contrôleurs en plus des 42 agents mutés dans le cadre du mouvement annuel de 2010. En ce qui concerne les ouvriers des chantiers municipaux de la Ville de Tunis (3400 en tout), il a été décidé de les titulariser en les faisant bénéficier de l'effet financier rétroactif de cette mesure. Pour ce qui est des ouvriers vacataires (Titre B) des autres municipalités du pays (4936 employés), la régularisation de leur situation nécessitait une étude plus complexe en raison des moyens financiers disponibles de leurs mairies respectives. Il s'avère en effet que 66 municipalités n'emploie pas cette catégorie d'ouvriers, que 60 autres se disent capables de supporter les retombées financières de la régularisation, et que 137 mairies ne peuvent, en raison de la modestie de leurs budgets, contribuer que partiellement au processus de titularisation. Enfin 53 municipalités s'avouent incapables financièrement d'engager ce processus qui concerne 3013 de leurs employés. D'après la Direction Générale des collectivités locales (Ministère de l'Intérieur), le coût global de la régularisation s'élèverait à 17 milliards de nos millimes. Une issue imminente ? Le mouvement de grève déclenché ces derniers jours n'a apparemment pas encore abouti à une solution officielle et définitive ; même si hier matin, M. Naceur Selmi, sécrétaire général du syndicat des agents et employés municipaux, a rassuré les nombreux manifestants de la Place Mohamed Ali quant à une issue favorable aux ouvriers. C'est que M. Abdessalem Jrad avait soulevé leurs problèmes avec Béji Caid Essebsi qui aurait promis de voir ce qu'il en est auprès du ministre de l'Intérieur. En attendant que cette promesse débouche sur une application effective des accords déjà signés, les « municipaux » se disent prêts à poursuivre leur mouvement de grève. Certains d'entre eux ont même proposé de manifester devant le siège du Gouvernement à la Kasbah, mais le secrétaire général de leur syndicat les a appelés à ne pas quitter le rassemblement de la Place Mohamed Ali. Il y a lieu de savoir aussi que les revendications des manifestants n'ont pas trait seulement à leur situation professionnelle et administrative puisque le secteur dénonce également certaines méthodes de l'actuel gouvernement provisoire, entre autres la désignation du nouveau Ministre de l'intérieur et celle d'un nouveau directeur général des collectivités locales. Le syndicat des « municipaux » reproche à ce dernier d'avoir été un des hommes de main de Abdelaziz Ben Dhia actuellement mis en examen judiciaire, et d'être impliqué dans une affaire de malversation au sujet de laquelle on exige qu'une enquête soit ouverte. Des détritus sur les trottoirs Signalons d'autre part qu'une rumeur a circulé hier matin parmi les manifestants selon laquelle des employés et du matériel des ministères de l'agriculture et de l'environnement ont été réquisitionnés pour collecter les ordures dans la ville de Tunis. On a craint le pire au bureau de M. Naceur Selmi car une telle mesure pouvait provoquer des affrontements violents entre le clan des grévistes et celui des éventuels « briseurs ». En tout cas, jusqu'à midi, nous ne vîmes aucun mouvement opposé à celui des municipaux et l'information passa donc pour de l'intox. Entre-temps, les rues de la capitale n'étaient pas très belles à voir pour ce groupe de touristes croisé à l'entrée de la Médina. En effet, des amas spectaculaires de détritus divers s'offraient à leurs regards à la fois médusés et compréhensifs. Peut-être aussi que le nombre impressionnant de policiers déployés tout au long de l'Avenue Habib Bourguiba et à toutes les entrées de la ville arabe ne leur était pas non plus indifférent. Il faut dire qu'hier matin, il y avait de la violence dans l'air dans toutes les zones évoquées car on craignait d'une part d'éventuels débordements de la part des « municipaux », et d'autre part une réaction violente des vendeurs ambulants traqués depuis le week-end dernier à Boumendil et à Bab El Jazira. A propos, les étals anarchiques du marché parallèle sont réapparus sur l'Avenue de France, à Charles de Gaulle et dans toutes les rues voisines sous l'œil à moitié fermé des agents appelés justement à les interdire !