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51, Avenue Simon Bolivar : la Kasbah 3
Sans-papiers tunisiens à Paris
Publié dans Le Temps le 07 - 05 - 2011

Dure semaine pour les émigrés clandestins, arrivés à Paris dans la bousculade de l'espoir et de la peur. Plus de peur que d'espoir, parfois. Dur périple, en tout cas, depuis la traversée de la mer, voire depuis la Révolution, jusqu'aux derniers événements qui indignent les sympathisants mais ne réveillent ni l'opinion publique, ni les politiques et encore moins les médias français. Et leur cauchemar ne semble pas près de se terminer, d'autant que même les supporteurs les moins pessimistes, les plus combattifs, craignent qu'il n'y ait aucune solution pour ces sans-papiers.
Ils ont été des centaines (qui vont se multipliant) à débarquer à Paris, ombres dans la Ville Lumière, après avoir transité par l'Italie, de Lampedusa jusqu'à Vintimille. En barque, ensuite en train, à pied. Munis, pour la plupart, d'un permis de séjour italien qui n'a aucune valeur dans le pays de Sarkozy, ils épuisent leurs derniers euros en errant dans Paris, dorment à la belle étoile, dans les parcs, dans les stations de métro, prêts à prendre leurs jambes à leur cou à la vue des policiers déployés partout dans la capitale. Les rafles se multiplient ; plusieurs, les moins protégés, sont embarqués jour après jour. Alors ils se cantonnent au nord de Paris, entre le 20e et le 19e arrondissements, dont les quartiers sont les plus métissés et où ils savent qu'ils peuvent passer inaperçus, commencer à chercher du travail et survivre. Essayer, du moins.

Au 51 avenue Simón Bolívar

C'est aussi là que, dans la nuit du 1er au 2 mai, plusieurs ont trouvé leur squat. Aidés de quelques associations, tunisiennes et françaises, le Collectif des Tunisiens de Lampedusa a élu résidence au 51 avenue Simón Bolívar, dans le 19e, un immeuble appartenant à la mairie de Paris. Un endroit où manger à leur faim, passer la nuit sur des matelas et se redonner de l'énergie. Car il en faut, pour tout ce qu'ils doivent supporter, affronter au quotidien. C'est dans ce lieu de passage, d'attente, qu'ils rêvent à la dignité qu'ils sont venus chercher. La même que celle pour laquelle certains d'entre eux, originaires de l'intérieur et du sud de la Tunisie, se sont battus jusqu'au 14 janvier. L'un d'eux brandit même ses béquilles, pensant pouvoir obtenir asile grâce à cela. « Nous avons chassé Ben Ali, ensuite nous sommes partis à notre tour », dit un autre, avec une émotion plus proche de l'amertume que de la fierté.
Pourtant, ils ne se font pas d'illusion, ils savent qu'ils ne sont pas les bienvenus chez M. Guéant (ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, en poste depuis le 27 février 2011, soit au moment du début de l'« hémorragie » migrante). À demi-mot, Chihab, rasé de frais en cet après-midi du 3 mai, l'air calme, se demande s'il n'a pas commis d'erreur. « Paris, Paris… Je voyais Paris à la télévision, j'étais loin d'imaginer que ce serait comme ça », réplique-t-il comme pour évoquer un rêve fini. D'autres, se voyant bafoués, ont déjà regretté leur traversée et sont retournés en Tunisie, aidés par certaines organisations, dont quelques-unes ont essayé de confisquer le combat mené par les autres, pour un certain vedettariat dans leurs jeux politiques. Ainsi, par exemple, le FLPT (Front de Libération populaire de la Tunisie) s'indigne-t-il contre le PDP France, dont les membres se sont appropriés des photos réalisés par l'association elle-même ; la section française du parti de Chebbi se targue alors de s'être mobilisée depuis le début du squat.
Les politiques tirent vers eux la couverture de la charité comme ils peuvent. Face à cela, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, promet aux sans-papiers cent places dans un foyer. Au 3 mai, ils sont au moins le double, et de nouveaux arrivants sont encore attendus dans la nuit. D'autres, dispersés dans le Parc de la Villette, consentent à quitter leurs amis pour une promesse de gîte.

« Ruse » et « trahison » des plus-puissants

La tension est palpable, ce jour-là, au 51 avenue Simón Bolívar – où l'on essaie désespérément de trouver une solution à ces sans-papiers dont les uns pensent avoir trouvé un toit –, d'autant plus que les camions de CRS (équivalent des BOP en Tunisie) sont stationnés tout autour. Ils ont reçu un ordre : déloger les squatteurs. « L'offensive » est attendue pour 21 heures, les sympathisants sont nombreux, ils prévoient de former un bouclier humain. Mais, apparemment, il y a eu un changement de plan. Et, en conséquence, manifestants et squatteurs changent de tactique ; au final, à peine une dizaine arrivera jusqu'au foyer promis par M. Delanoë, au bout d'un parcours semé d'obstacles (de CRS). Les autres décident de ne pas se séparer et crient, du toit d'où des pompiers essaient de les faire descendre : « Aîtissam ! Aîtissam ! Hatta yaskot annidham ! » (« Sit-in ! Sit-in ! Jusqu'à la chute du système ! »)

Régime

La Kasba 3 à Paris. L'on pense ainsi confondre géographie et histoire, pour la bonne cause, pour la dignité (« En tant qu'anciens colonisés, nous avons tous les droits », a tenté d'argumenter l'un des squatteurs), mais c'est sans compter la « ruse » des plus-puissants. Ainsi, sans crier gare, durant l'après-midi du 4 mai, les CRS s'attaquent au 51 avenue Simón Bolívar, lors d'une intervention anormalement cruelle, délogeant squatteurs et sympathisants, sans-papiers, Français et étrangers (dont Tunisiens) en règle.
En fin d'après-midi, c'est vers différents commissariats, où les sans-papiers ont été disséminés, que les sympathisants se déplacent, dans l'espoir de faire pression. À Gambetta, en face du Commissariat du 20e arrondissement, la manifestation est durement réprimée par un lancer de bombes lacrymogènes afin de pouvoir déplacer les migrants en autocar, encore une fois, destination inconnue.
Si les sympathisants pouvaient s'attendre à ce genre de répression, ils étaient loin de se douter que le commanditaire de cette intervention était Bertrand Delanoë en personne. Au nom de ce dernier, la mairie de Paris avait déposé plainte contre les squatteurs pour « dégradation de lieu ».
En colère, les manifestants s'organisent, assistés par le NPA et le PCF, entre autres, pour un autre rassemblement, le 5 mai, place Madeleine. Mais les CRS sont, là aussi, au rendez-vous. Ils les encerclent, étouffent tout mouvement, toute circulation, tout cri. Des pleurs cependant retentissent, un ras-le-bol, de la désespérance.
Lâchés de partout, et avec la révision des accords de Schengen qui semble être déjà en marche, certains pensent que le combat est perdu d'avance, en rappelant, non sans rage et dégoût, ce qui se passe à la frontière tuniso-libyenne, notamment à cause de l'Occident.


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