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«Je ne crois pas avoir quitté ce projet facilement…»
Pourquoi Mohamed Zinelabidine a-t-il démissionne de la Cité de la Culture ?
Publié dans Le Temps le 13 - 05 - 2011

Les démissions au ministère de la Culture se suivent ces jours-ci dont celle de Mohamed Zinelabidine, à la tête de l'Unité de gestion par objectif, à la cité de la Culture ; un méga- projet qui a fait couler beaucoup d'encre depuis sa création en septembre 2008.
Son directeur général, M. Zinelabidine, est professeur d'enseignement supérieur en sciences culturelles à l'Université de Tunis et chercheur haut niveau à Paris I Panthéon Sorbonne, spécialiste des politiques culturelles et stratégiques de développement, ayant eu en terme de formation, un doctorat en sociologie politique et culturelle à René Descartes, un Doctorat en géopolitique et esthétique à Paris I Panthéon Sorbonne et un doctorat en histoire de la musique à la Sorbonne Paris IV. Il est par ailleurs, directeur du laboratoire de recherches en culture, nouvelles technologies et développement à l'université de Tunis et enseignant à l'Institut supérieur de musique de Tunis.
Mais l'annonce de sa démission à la tête de la Cité de la Culture est tombée comme un couperet. Interview.
Le Temps : quelles sont les raisons qui vous ont poussé à démissionner ?

Mohamed Zinelabidine : une absence d'intérêt total du ministre de la Culture quant au travail qui a été entrepris par des dizaines de groupes de travail pour l'exploitation de la cité de la culture pendant presque trois ans. Nous avons été des centaines d'experts en culture stratégique de développement, art, management, droit, économie, communication, à avoir abouti à des propositions concrètes permettant à la culture tunisienne, d'entrevoir un travail porteur et durable pour tous les secteurs de l'art sans aucune exception. C'est pourquoi nous avons maintenant des propositions concrètes pour la création de la cinémathèque nationale, du musée des arts modernes, de l'opéra de Tunis, d'un centre d'art chorégraphique, d'un centre de pratique théâtrale, d'une réforme de l'orchestre symphonique et j'en passe… Nous avons aussi développé et piloté une étude stratégique d'exploitation de la cité de la culture selon de nouveaux modes de politique culturelle publique et privée, avec des propositions très innovantes concernant le statut juridique comptable et gestionnaire de la cité et nous avons enfin créé, le premier opéra de Tunis, le « Chœur de l'opéra » et les « Voix de l'opéra » dans le dessein de constituer un centre national d'art lyrique.
En même temps, nous avons assuré la formation des ingénieurs (son, lumière, vidéo), jusqu'à simuler un village artistique qui a fédéré toutes les composantes pouvant agir au niveau de la cité dans un concept intitulé : « 50 heures de musique » avec également 30 concerts, une exposition de peintures et de sculptures et trois ateliers d'art, (dramatique, chorégraphique et visuel). Cet effort a été celui des centaines de personnes ayant concouru à préfigurer une exploitation réelle et durable d'une cité de la culture qui a été renforcée par des rencontres internationales avec des partenaires euro-méditerranéens, américains, asiatiques, pour permettre à la cité de nouer dès à présent, des rapports stratégiques qui permettraient la production artistique tunisienne, non seulement au sein de la cité et en résidence dans les différents pôles d'activités artistiques, mais aussi, à l'échelle internationale qui permettrait d'abord aux cultures des régions, d'exister dans une programmation annuelle et durable à la cité de la culture et d'entrevoir ainsi, leur distribution et promotion à l'échelle internationale. C'est pourquoi nous avons prévu le théâtre des régions et un autre pour les jeunes créateurs ainsi que des studios pouvant permettre la production artistique pour tous les secteurs d'activités. Un travail immense comme celui là, il se trouve complètement occulté par le ministre… Une étude stratégique si importante , elle est aujourd'hui laissée pour compte…sans oublier des centaines de personnes ayant beaucoup travaillé et qui sont oubliées ! Et dire que l'essentiel de leur travail a été de restructurer la cité de la culture pour qu'elle corresponde à une vision stratégique, à même de créer des milliers d'emplois pour artistes, techniciens, chercheurs, promoteurs de la culture, producteurs…C'est une véritable déception quand on fait autant de travail et que le ministre ne veuille ni entendre parler de la cité de la culture, ni retenir tous les résultats d'expertise, études et recommandations que nous avons faits à cet égard.
Nous n'avons eu aucune séance de travail là dessus et cela ne pouvait plus durer…Au bout de trois mois, j'ai décidé de quitter par respect à toutes celles et tous ceux qui ont porté ce projet très haut en dépit de toutes les difficultés morales et matérielles ayant rendu cette motivation par le passé, très difficile.

Après un travail aussi gigantesque, comment oseriez- vous le quitter aussi facilement ?

Je ne crois pas avoir quitté ce projet facilement. Depuis que le ministre est arrivé le 4 février, j'ai envoyé un premier dossier sur le travail de l'Unité de gestion depuis la création de la cité de la culture le 1er septembre 2008. Je lui ai ensuite fait parvenir un dossier sur l'exploitation de la cité artistique et commerciale avec une quantification de ses coûts , ressources propres et des perspectives qu'elle pouvait permettre en terme de création d'emplois. Je lui ai également adressé dans d'autres occasions, les recommandations sur les industries culturelles telles qu'elles peuvent être mises à exploitation au niveau de la cité ; envoyé des projets sectoriels pour la création de la cinémathèque, musée des arts modernes, opéra de Tunis, de manière opératoire : les composantes, l'organisation, les ressources et le calendrier d'exécution. Je lui ai aussi envoyé des dossiers de synthèse et d'évaluation des différentes nouvelles structures que nous avons créées ou demandé à être créées tels que l'opéra de Tunis, le Chœur de l'opéra, la restructuration du centre national chorégraphique et j'en passe…
A finir par une proposition concernant la commande d'un opéra tunisien en hommage à la révolution du 14 janvier, qui aurait permis à des comédiens, chorégraphes, musiciens, librettistes, compositeurs, metteurs en scène, techniciens, (son, lumière), scénographes… de travailler pour une mémoire nouvelle pouvant à la fois, projeter cette révolution dans la véritable création et permettant aux équipes en place, travaillant pour le compte de la cité de la culture, de pouvoir s'essayer au grand spectacle, relativement, à quelque chose de nouveau; l'opéra. C'est un nouveau genre en Tunisie car une écriture tunisienne dans ce sens, aurait été vraiment une première dans l'histoire de notre pays. Certes, il y a eu par le passé des opérettes, mais jamais un opéra dans son sens le plus noble et le plus raffiné. Le ministre là aussi, fait la sourde oreille et n'a même pas répondu à la proposition.
Devant ce désintérêt flagrant, par rapport à toutes les équipes universitaires, artistiques, techniques que je représente, j'ai décidé d'arrêter ce simulacre de présence au ministère, en proposant ma démission. Si j'y étais recruté pour être en charge d'une gigantesque réalisation que devait être la cité de la culture, ce n'est pas pour chômer ou croiser les bras ; je suis redevable de résultat, de pertinence et de transparence dans tout acte que j'entreprends.

Est-ce qu'il y a d'autres raisons qu'on ne connaît pas et qui vous empèchent de poursuivre votre mission à la tête de la cité de la culture ?

Ce qui me paraît un peu ridicule dans tout cela, c'est que pendant que la direction générale de l'Unité de gestion par objectif et toutes ses équipes que je représente, chômaient et après avoir adressé au ministre tous les dossiers et projets d'exploitation, ce dernier faisait appel à des personnes de son choix qui n'avaient aucune autorité ou statut pour s'occuper de la cité ; Les officieux travaillaient à notre place et les officiels étaient contraints au chômage et au silence… quand même !
Ce n'est pas de cette manière qu'on arrivera réellement à prospérer et à donner sens aux projets de la culture en Tunisie. J'aurais aimé au moins, qu'on fasse une séance de travail pour débattre de tout ce qui a été fait et assurer la rupture pour permettre à ces équipes officieuses de pouvoir se mettre au travail à partir du concret mais hélas, il y a beaucoup d'improvisations, d'aléas et de fragilité dans la politique culturelle du ministre actuel. C'est dommage, car les institutions culturelles ont besoin aujourd'hui de restructuration et d'approches stratégiques et surtout, de nouvelles ressources humaines car hélas, le sang qui coule dans les veines de ce ministère, a vraiment besoin de dialyse ! Ce n'est pas normal que le ministère de la Culture n'arrive pas à assumer l'alternance au niveau des responsabilités. Ce n'est pas normal que les mêmes personnes soient là pour occuper les mêmes fonctions depuis quarante ans et bénéficier des mêmes privilèges. Ce n'est pas normal qu'il y ait autant d'opacité sur la gestion de nombreux festivals et intérêts culturels ici et là. Il faut que le ministère s'ouvre réellement à de nouvelles visions et générations qui porteraient bien loin le projet de la culture en Tunisie comme un projet réhabilité et stratégique ; un projet qui donne la chance à ces milliers de jeunes formés à l'université dans toutes les régions qui disposent d'Instituts, supérieurs, d'arts et métiers, musique, théâtre, beaux arts… et qui restent aujourd'hui sans avenir. Ce n'est pas normal que les centres culturels ne recrutent pas en dépit de leur grand besoin, les dizaines de techniciens et d'ingénieurs (son, lumière et vidéo), que nous avons formés dans les universités. Une grande refonte devrait avoir lieu dans la politique culturelle en recensant les défaillances pour remédier réellement aux nombreuses carences dont souffre le ministère dans sa gestion des réalités culturelles. Cette gestion par le hasard et l'incidence devrait cesser pour laisser la place à une gestion rigoureuse, planifiée, rendant la culture comme un secteur de croissance et de développement. Est –il normal que jusqu'à présent, nous n'ayons aucune approche stratégique pour l'industrie artistique tunisienne ? L'organisation du monde de la culture, la définition du statut de l ‘artiste, la législation en terme d'art et de culture, ne sont pas à la hauteur du challenge mondial et des objectifs matériels que porte à présent la politique culturelle dans le monde développé. Nous en sommes loin…très loin !
Je rêvais d'une cité de la culture capable de restructurer les instances artistiques en place, de réévaluer leur réalité et insuffisances et de redéfinir leur travail au concret pour que la réalité de ces instances culturelles et artistiques ne soit plus conduite de manière importune et impensée.
Je crois que l'intention officielle du ministre de la Culture n'est sans doute pas de chercher à innover ou à réformer, c'est juste un saupoudrage dont il est question dans le contexte présent et futur des clans et des clients qui ont toujours disposé du ministère de la culture à leur manière et pour leur intérêt. C'est vraiment dommage , je quitte le ministère avec beaucoup de désillusions sur la réalité mais en même temps, je le quitte ayant beaucoup appris sur les rouages et les pratiques qui s'y font.

Mais tel que nous vous connaissons, vous devez avoir de nombreux projets en tête et que rien ne vous arrêtera pour les réaliser ?

Nous continuons de toute façon à entrevoir des projets pour le développement culturel en Tunisie en terme structurant pour l'industrie et le développement culturels régionaux sur lesquels nous avons entrepris des études et des recherches opérationnelles dans le cadre euro-méditerranéen en rapport avec l'UNESCO, la Sorbonne, les réseaux Euro-Med-Inculture et le groupe de recherches et d'études sur les mondialisations. Nous prévoyons aussi d'organiser à la Sorbonne, un grand congrès sur le rôle de la culture dans la redéfinition des politiques de développement régional. C'est un thème qui nous tient à cœur parce que les différentes régions en Tunisie disposent d'un très grand vivier d'activités et de richesses qu'on peut mettre à contribution à travers les recherches pratiques, ce qui conférerait à ces régions, des pôles d'activités et de croissance en terme d'industrie culturelle, de tourisme culturel, d'implication des associations pour l'emploi… et, tout ce qui concerne les technologies pour promouvoir la culture virtuelle et numérique, en plus de la gestion des grands événements que pourraient abriter ces régions de Tunisie, chacune selon sa particularité, son histoire et sa richesse propre.
Avec nos partenaires, nous avons décidé d'entreprendre ce congrès fin 2011, début 2012, à la Sorbonne où nous comptons énormément d'amis de la Tunisie, en plus de l'UNESCO qui devrait être partie prenante avec nous. On prévoit aussi, un partenariat avec l'association de développement culturel européen et international pour un grand forum sur l'économie de la culture en Tunisie en 2012. Nous essayons également de ramener de grands projets de coopération culturelle internationale et je crois que cette transition politique du 14 janvier, est un gage de confiance et de motivation pour nos partenaires qui souhaiteraient développer en Tunisie une action porteuse de nouvelles idées en terme de développement culturel en général et de création d'emplois.
Peut être une dernière idée qui aurait pour objectif sans doute de contrecarrer la léthargie de l'institution culturelle, c'est le travail de la société civile et toutes les associations qui s'y réfèrent dans l'objectif d'asseoir une véritable régénération de la réalité culturelle en Tunisie qui a vraiment besoin aujourd'hui de motivation, d'implication et de don de soi, dans un esprit de loyauté patriotique, de sincérité et de transparence. On en a besoin vraiment !
Propos recueillis par Sayda BEN ZINEB


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