Le doyen des militants tunisiens et arabes, M. Hcine Triki, a été l'hôte de marque de l'île de Djerba qui lui a rendu un vibrant hommage digne d'un homme de sa trempe et d'une personnalité de sa renommée, et à trois de ses camarades yousséfistes originaires de l'île, à savoir, M.Amor Boussoffara ( 96 ans ), Béchir ben Yedder ( 92 ans ) et M.Ahmed Raïs ( 83 ans).. Ce militant hors pair, au long parcours patriotique et diplomatique, est venu ce dimanche 22 mai, sur invitation de l'Association pour la Sauvegarde de l'île de Djerba et des scouts de Houmt-Souk, apporter son témoignage sur la période coloniale en Tunisie, sur sa relation privilégiée avec son compagnon de combat Feu Salah Ben Youssef et sur son long itinéraire diplomatique au service de la cause arabe, palestinienne en particulier. Ce natif de Monastir, en 1915, milita depuis 1938 dans les rangs du Parti Socialiste Destourien, sous la conduite alors de Feu Habib Thameur, avant d'en prendre les rênes pendant la deuxième guerre mondiale. Sa lutte au sein des factions armées relevant du parti du Destour et sa collaboration avec les forces de l'Axe lui valurent en 1947 d'être jugé par contumace à la peine capitale par les tribunaux coloniaux. Puis, à mesure que l'avènement de l'indépendance du pays se rapprochait, M.Triki se démarquait progressivement de Bourguiba pour enfin se rallier à l'aile dure du parti favorable à la tendance panarabe nassérienne et déclarer son allégeance au clan Ben Youssef dont il devint le numéro deux. De même, il entretint des relations très rapprochées avec la résistance algérienne, et il fut même désigné pour figurer au sein de la commission chargée des pourparlers avec la France présidée alors par M.Farhat Abbès, président du gouvernement provisoire algérien. En 1957, quelques mois après l'indépendance, à cause du différend qui l'opposait à Bourguiba, il fut de nouveau condamné à la peine capitale, ce qui le contraignit à l'exil en Egypte où il fut adopté par la Ligue Arabe, qui ne tarda pas à le charger de mission en Amérique Latine. Depuis, installé à Buenos Aires, il s'acquitta à bon escient de la mission qui lui avait été confiée, en s'employant à faire connaître la cause palestinienne et à contrecarrer la propagande sioniste, ce qui lui valut l'ire des services secrets israéliens qui mirent sa tête à mort, après avoir échoué de le corrompre en cherchant vainement à acheter au prix très alléchant sa conscience. Ce grand militant de la cause des peuples arabes colonisés a consacré sa vie entière, sans relâche, à la cause des peuples arabes, aspirant à voir les pays arabes libérés du joug colonial, rêvant de voir enfin toute la nation arabe unifiée. Mais, maintenant qu'il a 96 ans, que la Palestine est encore sous occupation, que la nation arabe est disloquée, et que les Arabes vivent dans la discorde et la désunion, le combat, selon M.Triki n'est pas à son bout, et il s'enorgueillit de se proclamer encore militant, demeurant résolument persuadé que tant que ces objectifs suprêmes n'auront pas été atteints, le combat devra continuer. Notre Révolution glorieuse a vite fait de le réconcilier profondément avec son pays après la destitution en règle du dictateur et a précipité son retour au pays pour être de la fête parmi les siens dont il ne cache pas sa fierté. Ce dimanche 22 mai a été incontestablement une journée exceptionnelle, et ce de l'aveu de tous ceux qui ont eu la chance ce jour-là d'être présents face à cette personnalité exceptionnelle, au verbe facile et combien éloquent; le discours fluide et passionnant qu'il a tenu une heure trente durant, sans discontinuer, a été une véritable leçon d'humilité et de modestie où le moi, souvent à l'honneur et employé avec excès dans de pareilles circonstances, était rarement en usage. Il a impressionné l'assistance par sa lucidité et la clairvoyance dont il a fait montre, parvenant à retracer les péripéties de sa riche expérience et de son parcours de militant itinérant, sans jamais être trahi par sa mémoire, sans jamais perdre le fil conducteur en dépit des nombreuses digressions ayant marqué son discours, évoquant au passage ses souvenirs, les bons et les mauvais, et ses multiples contacts avec des figures emblématiques de l'époque, Bourguiba, Ben Youssef, Mohamed V, Jamel Abdenasser, Juan Peron, Kadhafi, etc... L'hommage rendu ce jour-là au doyen des militants tunisiens et arabes, et à trois de ses camarades de combat originaires de l'île, restera gravé dans la mémoire de ceux et celles, de tous âges, qui ont eu assez de sagesse pour ne pas rater une telle occasion d'être si proches d'une icône du militantisme panarabe qui n'a presque plus d'égal. Si Hcine Triki, notre père à tous, aimable, disponible et généreux à volonté, sera encore une fois de retour au sud tunisien, et précisément à Tataouine, dimanche 29 mai ; il sera l'invité d'honneur de l'Association Mémoire de la Terre qui tient cette année à célébrer pour la première fois le cinquante cinquième-anniversaire de la douloureuse bataille d'Agri et de Ghar Ejjani survenue le même jour de l'année 1956, et qui coûta la vie à presque soixante martyres de la région.