C'est le branle-bas de combat sur la planète cinéma depuis le 14 janvier. La récupération de l'ACT par une direction légitime, la création du syndicat des intermittents du cinéma, les touches finales à un projet maintes fois reporté d'un Centre national du cinéma et de l'audiovisuel. Il y a lieu d'ajouter à cela les dizaines d'associations et d'initiatives créées ici et là pour diffuser le cinéma sous toutes ses formes. Ce coup de fouet dans un secteur sclérosé serait salutaire en soi s'il n'était pas trop obnubilé par des questions institutionnelles par ailleurs légitimes mais qui éludent des problèmes de fond qui minent le cinéma national depuis une décennie. Coteries, copinage et accointances politiques auront contribué à faire (et aussi défaire) des carrières, promu des usurpateurs ayant commis de mauvais films que personne n'a vu ni ne veut voir. Cette « médiocratie » du cinéma n'a pas été la seule à sévir, des réalisateurs prometteurs et indépendants du pouvoir se sont imposés à l'autorité de tutelle qui a toujours été beaucoup plus progressiste que le régime qu'elle représentait. Mais à bien y voir et en faisant abstraction des charlatans qui ne méritent que l'on s'y attarde, les films tunisiens généreusement subventionnés restent très en deçà des attentes. Distribués dans l'indifférence générale, donnant rarement lieu à des débats de fond, perçus comme étant coupés de l'Histoire et désincarnés les films tunisiens se meurent quelques semaines après leur sortie en salle sans que personne n'y trouve rien à redire. Cette crise de la créativité n'a jamais été portée sur la place publique, elle est pourtant là dans une insolente évidence. Les débats sur les films ont quasiment disparu, s'y sont substitués des chuchotements en aparté où on règle son compte à un réalisateur, on casse du sucre sur le dos d'un producteur mais où ce qu'essaie de penser un auteur est relégué à l'arrière-plan de l'histoire. La critique cinématographique, elle-même prise dans un réseau d'amitiés et d'inimitiés, assume sa part de responsabilité dans la situation actuelle ne serait-ce que par ses silences ou sa coupable bienveillance. Le milieu du cinéma en Tunisie de par sa taille a de tout temps favorisé une proximité malsaine entre auteurs, opérateurs dans le secteur du cinéma et critiques. Cette situation couplée aux égos surdimensionnés de certains de nos cinéastes a fait obstacle à tout débat, en dépit de l'évidence du mal. Ce débat aujourd'hui est plus urgent que les guéguerres institutionnelles dont il ne s'agit pas nous le disons encore une fois de remettre en cause la légitimité mais d'en pointer le principal travers : faire la part belle à des enjeux politiques au détriment d'un vrai questionnement sur les raisons d'un échec patent qui prendrait appui sur les films. Paradoxalement, et alors que les questions institutionnelles sont au centre du débat, c'est grâce à sa composante la plus marginale, la plus réfractaire à l'institutionnalisation, et surtout la plus habitée par le désir de faire des films que le cinéma tunisien continue de nous donner des raisons d'espérer. Ce n'est pas le CNC qui viendra à bout de la panne de créativité.