Par Khaled Guezmir- Parmi les règles prouvées par l'histoire universelle c'est que la démocratie n'avance qu'avec les pouvoirs estimés « faibles ». Tous les pouvoirs ascendants forts idéologiquement et structurellement ont abouti soit à l'autorisation et ce dans le meilleur des cas, soit même à la dictature et au totalitarisme. Toutes les révolutions que l'humanité a connues et qui ont fait accéder aux pouvoirs suprêmes, les élites et les troupes partisanes ascendantes, ont bâti des systèmes politiques anti-démocratiques. Ne vous perdez pas trop et relisez l'histoire des révolutions française, russe, chinoise, et, plus près de nous, iranienne et vous en serez convaincus.
Le Parti unique
La Tunisie n'a pas échappé à la règle au lendemain de l'indépendance. Le Néo-destour, porté par ses triomphes sur le protectorat français et galvanisé par ses leaders charismatiques et ses troupes largement majoritaires s'est très vite converti, d'abord, en parti dominant, pour finir ensuite en Parti unique. Le départ de ce cheminement a été, justement, l'assemblée constituante convoquée en décembre 1955 et l'aboutissement de la proclamation de cette première République, le 25 juillet 1957. Pourtant, au commencement on roulait paisiblement vers la Monarchie Constitutionnelle qui aurait pu, vu la faiblesse de la maison beylicale de l'époque, instituer un régime parlementaire à l'occidentale. D'ailleurs, une bonne partie des élites du Néo-destour lui-même y était favorable notamment le n°2 de ce parti feu Salah Ben Youssef. Mais le groupe majoritaire ascendant autour de Bourguiba en a décidé autrement et ce fut le « coup d'Etat » républicain qui a prévalu avant même l'adoption de la Constitution du 1er juin 1959. La suite on la connaît et la construction de « l'Etat national » nouveau a justifié et légitimé toutes les orientations anti-démocratiques du système particulièrement le déséquilibre des trois pouvoirs avec une prééminence pour le président de l'exécutif qui se taille la part du lion dans la nouvelle constitution.
Démocratie parlementaire sacrifiée
Au nom de l'ordre et de l'unité nationale certes nécessaires à la construction de l'Etat indépendant moderne, la démocratie parlementaire a été tout simplement sacrifiée pour enfanter il y a 23 ans le système totalitaire du 7 novembre 1987. Tout cela pour dire combien il est hypothétique et dangereux d'installer un «sur-pouvoir » dominant et ascendant dans la future Assemblée constituante qui sera élue au soir du 23 octobre prochain. L'élection même démocratique d'une majorité écrasante d'un parti politique ou d'un mouvement idéologiquement et naturellement porté vers « l'hégémonie » finira par tuer la démocratie dans l'œuf. La stabilité politique ne doit pas rimer avec « l'unanimisme » qui a prévalu lors de l'institution de la première République. La stabilité doit s'accommoder de la diversité et de l'acceptation de l'Autre surtout les minorités… « Wa fi khilafihim rahmah »,dit bien la sagesse musulmane ( leur désaccord est une bénédiction… !) Ce qui ne veut pas dire, par ailleurs, qu'on doit nécessairement aller à la révolte permanente et à la « fitna » ! La future assemblée constituante ne peut être bénéfique à la construction démocratique libérale, que si elle reflète le multipartisme et la diversité des composantes. Les coalitions futures et le consensus même, ne doivent pas dégager un « pouvoir ascendant » majoritaire surtout idéologiquement. Sinon, c'est à nouveau le système « unanimiste » totalitaire qui mettra fin à tous les espoirs nés de la Révolution ! Alors… vite inscrivez vous sur les listes électorales et faites attention aux « doux » « Léviathans » et autres « gentils » dinosaures. Méfiez-vous surtout des partitions musicales « unanimistes » et rappelez vous qu'aucun « chat » ne chasse pour le bon dieu !