Pas de snipers mais de bons tireurs cagoulés parmi les forces de l'ordre Le juge d'instruction militaire au Kef a clôturé l'enquête relative à l'affaire des martyrs et blessés de la Révolution dans les villes de Thala et Kasserine et a transféré le dossier, ce jeudi 18 août, à la chambre de mise en accusation de la Cour d'appel du Kef qui devrait l'examiner et décider, éventuellement, du transfert de l'affaire à la chambre criminelle du tribunal militaire du Kef pour être jugée. Lors d'une intervention au point de presse interministériel périodique au Palais du gouvernement à la Kasbah, ce vendredi 19 août 2011, le commandant Marouane Bouguerra, procureur général, directeur de la justice militaire, a indiqué que 23 personnes sont accusées dans cette affaire de meurtres prémédités dont 8 en état d'arrestation et un prévenu en état de fuit en l'occurrence l'ancien président déchu Ben Ali, tandis que l'acte d'accusation comporte 320 pages. Le comandant Bouguerra a émis l'espoir que cette affaire sera présentée, dans les plus brefs délais devant le tribunal militaire du Kef afin de punir les coupables et rendre justice aux familles des victimes qu'elles soient des martyrs ou des blessés , rappelant que les dernières amendements introduits sur les textes régissant la justice militaire permettent aux familles des victimes de se porter partie civile devant les tribunaux militaires et de réclamer des réparations et des dommages et intérêts. A la lumière des recherches et des investigations qu'il a menées, sur la base des déclarations des témoins oculaires, des rapports du médecin légiste, des expertises balistiques sur les corps des victimes dont quelques uns ont été exhumés, le juge d'instruction militaire a établi que le nombre des martyres de la Révolution tombés dans les villes de Thala, Kasserine, ainsi qu'à Tajerouine et Kairouan qui relèvent, aussi, de la compétence du tribunal militaire du Kef, atteint 22 martyrs dont 6 à Thala, 14 à Kasserine, un à Tajerouine et un autre à Kairouan. Le nombre des blessés s'élève à 602. L'instruction concerne les meurtres commis durant la période allant du 17 décembre 2010 à 14 janvier 2011. La justice militaire a pris en charge l'instruction des affaires des meurtres commis durant la Révolution sur les citoyens lors de la répression policière des manifestations populaires pacifiques organisées contre l'ancien régime. Le nombre de ces affaires de meurtres a atteint 336 affaires, jusqu'à présent et selon le commandant Bouguerra, les juges d'instruction militaire ont pris les enquêtes les concernant, pratiquement à zéro bien qu'elles leur aient été transférées par les juges civils. Et ce sont pour la plupart des affaires contre X, alors que les accusés sont l'ancien président déchu, le ministre de l'intérieur durant la période indiquée, les chefs des forces de l'ordre et des agents de tous les grades. Le commandant Bouguerra a souligné que la justice militaire a commencé l'instruction de ces affaires depuis mai dernier et il a été établi que les meurtres ont été commis délibérément afin de mater les manifestants et empêcher l'extension du mouvement révolutionnaire. La plupart des martyrs ont été tués par balles tirés par différents types d'armes, à l'exception d'un bébé de sexe féminin morte asphyxiée par des gaz lacrymogènes et lemartyr de Tajerouine, mort par le tir d'une bombe de gaz. Les blessés l'ont été par balles ainsi que par les coups de crosse et les bombes de gaz lacrymogène. Au même moment, les recherches et investigations du juge militaire au Kef ont permis de jeter davantage de lumière sur le problème des snipers, appelés « kannassa » en Tunisie. Il a été établi qu'il n'y avait pas de corps officiel de snipers entrainés spécialement pour la besogne, mais que des bons tireurs parmi les agents de l'ordre montaient sur les toits des maisons , cagoulés, et tiraient à partir de positions bien choisies sur la foule des manifestants avec le ferme intention de tuer, visant principalement les endroits mortels du corps, comme la tête, le cou, la poitrine ou encore le ventre. Certains portaient l'uniforme officiel des agents de l'ordre avec des cagoules au visage. Les expertises balistiques ont confirmé que les balles tirées provenaient d'armes précises ainsi que d'armes ordinaires. Et ce en attendant les conclusions qui pourraient être tirées à ce propos des affaires instruites au niveau des tribunaux militaires de Tunis et de Sfax. Cependant, ce qui est certain est que le plan de l'ancien régime était orienté vers la répression sanglante des manifestations afin d'étouffer la Révolution dans l'œuf. Le nombre des affaires instruites au niveau du tribunal militaire de Tunis s'élève à 256 affaires, et ce chiffre va, sans cesse, en augmentant. Le juge d'instruction militaire est sur le point de clôturer l'enquête concernant 132 affaires regroupées en une seule grande affaire et il est prévu de la transférer à la chambre de mise en accusation avant la fin du mois d'août. Le nombre des accusés s'élève à 40 dont 11 en état d'arrestation. Le nombre des affaires instruites à Sfax atteint 68 affaires et il est prévu de clôturer l'instruction dans les semaines à venir.