A deux ou trois jours de l'Aïd El Fitr, tout porte à croire que le Ramadan de cette année était exceptionnelle de tous les points de vue. Le premier Ramadan de l'après-révolution était vécu par les Tunisiens différemment que d'habitude. Aux dires d'une majorité écrasante de citoyens, on n'a jamais eu pareil Ramadan depuis de longues dates. Et pour cause ! A commencer par la cherté de la vie qui a détruit le pouvoir d'achat des tunisiens pour finir avec les événements survenus durant ce mois saint marqués par des sit-in, des grèves et des manifestations un peu partout, la prolifération du commerce informel, le manque d'un contrôle rigoureux, ce qui a influé sur le train de vie quotidien des gens et affecté sérieusement leur budget. Prix exceptionnels Pour ce qui est de la consommation, les ménages se lamentent de la hausse des prix de tous les produits alimentaires qui ont enregistré un taux exceptionnel en ce mois de Ramadan. Les ménagères qui vont quotidiennement au marché et fréquentent les différents commerces pour faire leurs emplettes de légumes, de fruits, de viande et de tout ce qui est nécessaire pour les plats ramadanesques, sont en mesure de nous donner un aperçu très clair sur la situation. Inutile de citer la liste des tarifs des différentes denrées alimentaires, mais contentons-nous de dire que la viande du mouton s'est vendue durant tout le mois de Ramadan à 14 dinars et celui du bœuf à 16 dinars, sans parler des prix exorbitants des poissons qui sont demeurés inabordables pour la plupart des ménages. Les prix des volailles (poulet et dinde) ont également connu une augmentation vertigineuse par rapport aux prix affichés avant le Ramadan. Côté légumes, les produits de saison, comme les tomates et les piments, supposés avoir des prix acceptables, n'ont pas enregistré de baisse sur leurs prix qui sont restés assez élevés jusqu'aux derniers jours. Les pommes de terre, produit très convoité en ce mois, ont atteint entre 800 et un dinar le kilo. Idem pour les fruits de saison ! La liste des produits qui ont enregistré une hausse, souvent illicite, est encore longue. C'est sans doute le mois de tous les dépassements et de toutes les malversations, quoique des milliers d'infractions soient sanctionnées chaque année par le ministère du commerce. Cette année, il semble que les commerçants étaient les maîtres incontestés sur le marché et ils ont fait la pluie et le beau temps, profitant d'une certaine nonchalance et un manque de sérieux chez les agents de contrôle dont certains, nous a-t-on fait signaler, hésitaient mille fois avant d'aborder tel ou tel commerçant connu pour être effronté et sans scrupules, pour éviter une éventuelle agression de la part de ces commerçants hors-la-loi ! Gâteaux amers Le consommateur a encore à souffrir des prix des gâteaux de l'Aïd qui constituent le coup de grâce pour le budget familial, d'autant plus que une bonne partie des ménages tunisiens achètent leurs besoins en gâteaux dans les pâtisseries ou dans des espaces privés, aménagés pour la circonstance pour fabriquer toutes sortes de gâteaux traditionnels. En effet, ces milliers de foyers, transformés en véritables fabriques de gâteaux, sont très appréciés par les consommateurs qui s'y approvisionnent volontiers à chaque approche de l'Aïd. Là aussi, il faut mentionner les abus et les carambouilles qui marquent ce genre de commerce dont le seul victime est ce client qui ne lésine pas sur ces produits de grande consommation en cette période de fête. Si les pâtisseries exerçant en bonne et due forme pourraient être l'objet d'un contrôle économique, est-ce que les agents de contrôle oseraient effectuer des visites impromptues dans les foyers où se fabriquent les différents gâteaux de l'Aïd ? Quand bien même le consommateur prendrait ses précautions lors de l'achat de ces produits, il n'en demeure pas moins que ces pâtissiers pourraient l'arnaquer au niveau des matières premières utilisées ou des prix affichés qui ne sont généralement pas à la portée d'une bourse moyenne. Grèves A part la consommation, le tunisien qui a passé son premier Ramadan après la Révolution, s'est vu de temps en temps victime d'un événement imprévu auquel il n'était pas habitué depuis plusieurs années : ce jour-là, on faisait la grève du métro et des bus, un autre jour, c'était le tour des cheminots qui arrêtaient le travail. Un autre jour, c'était la manifestation des avocats et des syndicalistes pour la revendication d'une justice indépendante. Ces incidents ont perturbé la vie quotidienne du tunisien qui s'est vu empêché de se rendre au travail ou de rentrer chez lui à ses heures quotidiennes, à cause de ces grèves de transport ou ces manifestations politiques ou syndicales dans lesquelles il s'est trouvé impliqué, bon gré mal gré ! A part cela, les informations débitées à travers les médias sur les affrontements en Libye, les rumeurs et les intox diffusés sur les réseaux sociaux, les polémiques survenues entre les partis politiques et au sein des membres de la Haute Instance, les cas de vol et de braquage perpétrés en plein jour dans la rue ou dans les transports publics, tous ces événements ont marqué ce Ramadan 2011 qui était d'ailleurs très différent de tous ceux qui ont précédé, ce qui aurait influé sur le tempérament et la conduite du Tunisien qui devenant parfois un peu agressif ou peu coopératif avec son entourage. Bref, si la flambée exceptionnelle des prix a contribué à la dégradation du pouvoir d'achat du Tunisien en ce mois saint, la conjoncture sociale et politique dans le pays a pu également influer sur son comportement. Hechmi KHALLADI sihem [email protected]