Le Temps-Agences- Les signes de reconnaissance se multipliaient hier pour les nouvelles autorités de Tripoli qui attendent des actes concrets de la communauté internationale réunie à Paris pour lancer la transition politique vers une "Libye libre" et la reconstruction du pays. Quarante-deux ans, jour pour jour, après la prise du pouvoir par Mouammar Kadhafi, et six mois après avoir accueilli le sommet qui a lancé l'intervention militaire contre le "guide" libyen, une soixantaine de pays se retrouvent pour une nouvelle feuille de route. Sur le terrain, les rebelles confortaient leurs positions en attendant de prendre la dernière grande ville résistante de Syrte, où l'ancien "roi des rois d'Afrique", qui reste introuvable, pourrait s'être réfugié. Cherchant à favoriser le plus large consensus autour du Conseil national de transition, l'instance dirigeante de la rébellion libyenne, Nicolas Sarkozy a convié, avec le Premier ministre britannique David Cameron, les soutiens des rebelles comme les anciens alliés de Mouammar Kadhafi. Tous ont pris acte de la chute du régime de Kadhafi, mais certaines puissances, hostiles à l'intervention militaire, rechignaient jusqu'alors à entériner la victoire du CNT. La Russie a reconnu hier matin le CNT comme "autorité au pouvoir" et salué "son programme de réformes". Pékin, qui s'était comme Moscou abstenu lors du vote au Conseil de sécurité de la résolution 1973 qui a permis l'intervention internationale en mars, a dit attacher "de l'importance à la position et au rôle considérable du CNT pour résoudre la crise libyenne". Et le voisin algérien, qui a accueilli sur son sol des enfants et l'épouse de Mouammar Kadhafi, a promis une reconnaissance du CNT dès qu'il aura formé "un nouveau gouvernement représentatif de toutes les régions du pays". Membres de la coalition, le Canadien Stephen Harper, l'Américaine Hillary Clinton, l'Italien Silvio Berlusconi et les patrons de la Ligue arabe Nabil Al-Arabi et de l'ONU Ban Ki-moon étaient attendus à Paris. Mais aussi l'Allemande Angela Merkel et des ministres chinois, russe ou indien. Seule l'Afrique du Sud a exprimé sa mauvaise humeur: mécontente de l'intervention militaire de l'Otan, elle n'assistera pas à la conférence. L'heure est désormais à la reconstruction d'un pays bombardé depuis six mois. Et aussi au partage du gâteau pétrolier libyen, dont les pays moteurs de la coalition espèrent une large part. "Nous allons tourner la page de la dictature et des combats et ouvrir une ère nouvelle de coopération avec la Libye démocratique", a résumé Nicolas Sarkozy, premier chef d'Etat à avoir reconnu le CNT. D'ores et déjà, l'Union européenne s'est dite prête à aider les nouvelles autorités à former une "police efficace" et "démocratique", a indiqué hier sa chef de la diplomatie Catherine Ashton. Le président du CNT Moustapha Abdeljalil et son numéro 2 Mahmoud Jibril devaient avant tout renouveler leur demande de déblocage des avoirs gelés de la Libye et présenter leurs besoins urgents en matière de reconstruction. A ce jour, seuls trois enveloppes d'1,5 milliard de dollars ou d'euros chacune ont été libérées des comptes américains, britanniques et français, sur un pactole estimé à plus de 50 milliards de dollars. Très réticentes, la Chine, la Russie et l'Afrique du Sud, qui souhaitent la fin des opérations de l'Otan, n'ont accordé qu'au compte-goutte les demandes de déblocage de fonds. Et d'autres pays, comme la Pologne, ont suggéré une fin de la guerre en échange de leur aide. Jusque-là, la coalition, France en tête, s'y est opposée. "L'opération militaire durera tant que Kadhafi représentera une menace", dit-on à l'Elysée. Paris a précisé que le "business" ne figurait pas à son ordre du jour mais selon le quotidien Libération, la France aurait conclu un accord avec le CNT lui attribuant 35% du pétrole libyen. Kadhafi exhorte ses partisans à "poursuivre la résistance" Mouammar Kadhafi, en fuite, a appelé hier ses partisans à "poursuivre la résistance", estimant qu'il y a des "divergences" entre les rebelles et l'Otan, dans des extraits d'un message audio diffusés en bandeau par la télévision Arrai. "Même si vous n'entendez pas ma voix, poursuivez la résistance", a déclaré Mouammar Kadhafi selon ces extraits diffusés par la chaîne satellitaire Arrai basée en Syrie, qui a annoncé que le message sonore serait diffusé ultérieurement. "Il y a des divergences entre l'Alliance de l'agression (l'Otan) et ses agents (les rebelles)", a-t-il ajouté selon la chaîne. Pour les rebelles, Mouammar Kadhafi est "très certainement" en Libye et un responsable au CNT, Ahmad Darrad, a estimé qu'il était de leur "droit de le tuer" s'il ne se rendait pas. La rébellion, qui a offert une récompense de 1,7 million de dollars pour la capture mort ou vivant de Kadhafi, a affirmé avoir arrêté un proche de Kadhafi, Nagi Ahrir, en espérant qu'il les mettra sur sa piste. A partir de demain, si une issue Pacifique n'est toujours pas en vue, nous pourrons faire la différence militairement", a averti le chef du CNT, Moustapha Abdeljalil. Mercredi, les rebelles et pro-Kadhafi s'affrontaient sporadiquement sur la route entre Zliten, à l'Est de Tripoli, et Bani Walid, 70 km plus au Sud, où Mouammar Kadhafi pourrait se cacher selon la rébellion. L'Otan a indiqué avoir accentué ses frappes sur Bani Walid et Syrte, l'autre bastion de Kadhafi dans l'Ouest, où ce dernier pourrait aussi s'être réfugié.
Seif Al-Islam: "20.000 hommes armés, prêts au combat à Syrte" L'un des fils de Mouammar Kadhafi, Seif Al-Islam, a appelé mercredi les Libyens à résister tandis que son frère Saadi s'est dit prêt à se rendre, témoignant d'une division au sein du clan. Dans le même temps, les rebelles ont annoncé l'arrestation du ministre des Affaires étrangères de l'ex-homme fort libyen, Abdelati Al-Obeidi, sans donner plus de détails. "Je vous parle d'une banlieue de Tripoli. Nous voulons tranquilliser le peuple libyen, nous sommes toujours là, la résistance continue et la victoire est proche", a dit Seif Al-Islam, dans un nouveau message de défi retransmis par la télévision Arrai, basée à Damas. "Chaque Libyen est Mouammar Kadhafi, chaque Libyen est Seif Al-Islam (...) Alors que les rebelles ont lancé aux partisans de Kadhafi un ultimatum fixé à demain pour déposer les armes, Seif Al-Islam a mis en garde contre un assaut sur Syrte, la région natale de son père, affirmant que "20.000 hommes armés" étaient prêts au combat. Mais le vice-président du Conseil national de transition (CNT) a raillé ces déclarations, en affirmant que Seif Al-Islam vivait dans un "rêve". Son frère, Saadi Kadhafi, a en revanche adopté un ton différent, qualifiant les rebelles de "frères" et se disant prêt à se rendre pour "arrêter l'effusion de sang", dans une interview le même soir à la chaîne de télévision Al-Arabiya. Saadi est "hésitant" à se rendre, a affirmé le vice-président du conseil militaire des insurgés, Mehdi Harati, mais s'il le fait, "nous assurerons sa sécurité". L'ex-homme fort du pays, traqué depuis la chute de son QG il y a huit jours, reste de son côté introuvable. Il aurait tenté de négocier avec les autorités algériennes d'entrer en Algérie, selon le quotidien algérien El-Watan.