Par Fatma KSILA - A quelques semaines des élections de l'Assemblée constituante du 23 octobre, le combat pour la défense des acquis de la femme tunisienne demeure plus que jamais l'un des enjeux de société majeurs de la nouvelle Tunisie. Tout d'abord car elle représente 51% de l'électorat et que la parité des candidatures ait été adoptée par la haute instance de réalisation ?des objectifs ?de la révolution. Elle s'inquiète également de voir ses droits bafoués et son Code de Statut Personnel (CSP) abrogé par des mouvements rétrogrades qui prônent le retour à la polygamie et le retrait de la femme de la sphère publique..... Cette crainte est d'autant réelle que la grande partie de la classe politique ne semble pas intéressée par le sort qui lui est réservée. Voyons si la femme tunisienne est prête à se sacrifier au nom d'un archaïsme politique digne du moyen âge. Laissez-moi vous raconter l'histoire de deux enseignantes syndicalistes ordinaires qui, après s'être combattues contre la dictature de Ben Ali durant des longues années . Toutes deux ont occupé pendant la révolution les places et les grandes avenues dès les premiers jours de la révolution et ont participé à toutes les manifestations de Kasbah I, II et III, comme les milliers de femmes révolutionnaires, sans pour autant oublier leur devoir professionnel envers leurs élèves et leur engagement militant afin de sauver l'année scolaire en cours, ce qui a été réalisé et avec brio. Et maintenant les voilà qui brillent, loin des lumières médiatiques par un dévouement exemplaire à notre révolution et à ses légitimes aspirations, deux femmes qui ont décidé de s'investir politiquement et de prendre leur sort en main. Toutes deux, comme des milliers de tunisiennes sont croyantes pratiquantes mais elles refusent catégoriquement ces discours menaçants qui dénient leurs droits fondamentaux à une citoyenneté totale et effective. La première se nomme Amina, professeur principale et responsable syndicale très impliquée au temps de Ben Ali, connue par son franc parler et son courage à faire face au népotisme de la clique RCDiste qui se permet tous les abus et les passe-droits puisqu'elle agit comme si les établissements scolaires soient une propriété privée au service de leur parti et de leurs enfants.... D'un courage exemplaire, elle a toujours été au devant de la scène pour défendre les intérêts légitimes de la profession et protéger ses élèves et notamment les plus fragiles d'entre eux. Après le 14 janvier, elle est l'une des rares enseignants à être élue par ses confrères et consœurs mais aussi par les élèves de son lycée et leurs familles pour la prise de la direction de l'établissement, une mesure décidée par le Ministère de l'éducation nationale ainsi que le syndicat général de l'enseignement secondaire après l'immolation et la mort d'un des élèves du lycée.....Quelques jours après sa nomination, un groupe de jeunes casseurs ont effectué une visite des plus musclées au lycée pour venger, disent-ils, l'enfant du quartier après que l'Education nationale ait refusé le statut de martyre à la famille du défunt. Munis de produits inflammables, ils se sont introduits à l'intérieur de l'établissent et ont annoncé leur intention de tout brûler....C'est la panique générale et en moins d'une seconde le lycée s 'est vidé de tous ses occupants....Seule la nouvelle directrice, accompagnée de cinq enseignantes, ont refusé de quitter les lieux et ont osé défier les jeunes en leurs disant que s'ils comptaient mettre leurs menaces en application, ils auront leurs morts sur la conscience car ils ne comptent pas céder et les laisser faire..... C'est de cette manière que ce drame a pu être évité et c'est de cette manière que les femmes d'honneur de la Tunisie défendent les intérêts du pays et protègent leur révolution. La seconde s'appelle Jalila, elle a la quarantaine et elle est professeur des maths dans un des grands lycées du gouvernorat d'Ariana. Spécialisée dans les classes terminales, elle a toujours été aux côtés des élèves les plus démunis en leurs accordant bénévolement, année après année, un soutien scolaire gratuit et des plus précieux, sans compter son engagement sans faille auprès des familles et parents d'élèves pour une meilleure implication dans la vie scolaire de l'établissement... Le 14 janvier, à la victoire de notre révolution, elle est partie avec un groupe d'ami-e-s au sud du pays, dans les régions martyres, soutenir les familles endeuillées et venir à l'aide des blessés.... Des semaines durant, elle s'est mise au service des révolutionnaires en leurs garantissant une aide logistique et matérielle de valeur. Comme Amina et Jalila, Meriem, Rim, Wassila, Olfa, Hanène, Hajer, Monia, Afifa et les centaines voire les milliers de femmes qui se sont engagées au sein du parti politique d'Ettakatol, afin de défendre leurs acquis car il n'y'a pas de révolution sans l'émancipation totale de la femme..... J'entends l'une d'elles me dire avec tant de force et de conviction : Comment voulez-vous que la femme accepte moins que l'égalité effective si elle constitue la moitié de la société et qu'elle en reproduit la deuxième ?!!