La célébration, par la Tunisie, de la Fête nationale de la femme, sera marquée, cette année, par le passage à une nouvelle étape, postrévolutionnaire, qui permettra à la femme de se hisser à un statut plus évolué, qui l'habilitera à se positionner à la tête des forces vives de la nation pour consolider le nouveau projet de construction d'une Tunisie libre et démocratique. Les femmes, tout autant que les hommes, ont lutté contre la dictature et l'oppression. Elles ont remporté une grande victoire. C'est une grande première dans le monde arabe et même ailleurs. Elles ont participé à la révolution sur un pied d'égalité avec les hommes, dans le but de forger un nouvel avenir politique. Ce n'est que justice pour la Tunisie, dans son histoire de combat d'hommes et de femmes pour la démocratie. Les Tunisiennes ont toujours été présentes dans les mouvements sociaux. Après le 17 décembre 2010, nous les avons vues dans les manifestations de Sidi Bouzid, de Kasserine, et de Thala à côté des hommes pour revendiquer la liberté et la fin du régime de corruption et de tyrannie. Mais comment ces changement sont-ils perçus et compris par les femmes elles-mêmes, et en particulier par celles qui ont des responsabilités politiques à assumer dans le contexte nouveau de la Tunisie post-révolutionnaire ? Emna M. Karoui : La femme est susceptible de transmettre un message à la société Pour Mme Emna Mansour Karoui, qui est secrétaire générale d'un nouveau parti, le Mouvement démocratique de la réforme et de la construction, la femme demeure un pilier de la société et une actrice agissante eu égard à sa participation active dans toutes les sphères d'activité politique, sociale, économique et au sein de la société civile. «Les expériences féminines en Tunisie sont devenues des références en matière de prise de décision et d'initiatives. A l'évidence, le pari de la Tunisie sur la femme procède de la foi en son rôle au sein de la société et de la ferme conviction qu'il ne saurait y avoir de développement intégral, de démocratie, et de justice sociale sans la participation active de la femme et un partenariat efficace entre les hommes et les femmes…» Mme Karoui poursuit : «En témoigne d'ailleurs le taux d'inscription des femmes aux listes électorales qui s'élève désormais à 42 %, ce qui reflète sa volonté inébranlable de participer à la vie politique et émane de son intime conviction que le pays n'a guère d'avenir sans la femme, qui en constitue l'un des objectifs stratégiques et un partenaire actif dans l'édification du pays... La femme est susceptible de transmettre un message aux partis politiques et à toutes les composantes de la société civile. Il ne faut pas oublier également qu'on passe par une période de transition qui nécessite impérativement une prise de position, des moments de réflexion profonde pour que la femme puisse renforcer sa présence sur la scène politique, sachant que le parcours de la femme est exemplaire avant et après la révolution. Elle occupe aujourd'hui des postes de décision de haut niveau». Faut-il rappeler que la femme est aujourd'hui majoritaire dans plusieurs secteurs : magistrature, enseignement, médecine… Elle est également très présente dans des instances de prise de décision politique, sociale, économique et, bien sûr, elle est électrice et éligible depuis 1957 (plus de 50 ans). Maya Jeribi : «Proximité du citoyen, discours accessible…» D'après Mme Maya Jeribi, secrétaire générale du Parti démocrate progressiste (PDP), «la Tunisie entame aujourd'hui l'ère de la participation de la femme. Les lueurs en sont nombreuses et révélatrices. De par le monde, le taux des femmes candidates à la magistrature, le taux des femmes dans la vie politique n'ont jamais été aussi élevés. Partout on note plus de femmes dans la politique, les médias, plus de femmes impliquées dans la chose publique en général. Ceci est un message riche d'enseignements : les femmes sont déterminées à ne plus laisser leur sort être manipulé par les autres. Les femmes sont parties prenantes dans le développement. Les femmes disent au monde entier : Nous sommes concernées. Concernées ! Les femmes l'ont dit haut et fort le 14 janvier 2011, elles le disent actuellement en s'intégrant plus encore, en créant des associations à multiples vocations. Les femmes s'acquittent désormais de la mission de sensibiliser les femmes et les hommes à leur citoyenneté. Et c'est une démarche éminemment politique que prône la femme de l'après — 14 janvier. Ses atouts sont multiples : proximité du citoyen, discours accessible; et détermination à couper court avec un passé douleureux, un passé où le sort des citoyens se décidait par des dictateurs et des corrompus». En cette période de transition démocratique, la Tunisie se trouve à la croisée des chemins : «Ou elle va de l'avant dans la démarche réformiste qui l'a caractérisée depuis le siècle dernier, et ne cesse pas de consolider ses acquis modernistes et d'affirmer son adhésion aux valeurs citoyennes universelles, ou elle sombre dans un modèle de société qui n'a jamais été le sien et qui nie le droit à la citoyenneté. La première victime de cette deuxième voie, nous le savons tous, c'est bien la femme», ajoute la SG du PDP. Mme Samira Jemaï: le principe de la parité relève de la bonne conduite démocratique La révolution tunisienne à laquelle les Tunisiens et Tunisiennes ont participé et dont ils sont ensemble les actrices et les acteurs sans distinction d'âge ni de genre, requiert pour l'avenir du pays une réelle et effective reconnaissance, sans restriction aucune, une vision globale paritaire pour la transition et la construction du processus démocratique, sans aucune discrimination. «La parité dans le Code électoral, c'est la garantie d'élections démocratiques et en même temps de la sauvegarde des acquis de la révolution», précise Mme Samira Jemaï, du Parti tunisien du travail. La Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution a adopté l'amendement d'un décret-loi sur la parité homme-femme «qualifié d'historique. Je suis d'autant plus fière en tant que Tunisienne que ce soit la Tunisie qui prend les devants et adopte un principe reflétant l'état de la société tunisienne pour laquelle on s'est battues. Pour les femmes, le principe de la parité s'inscrit parfaitement dans la bonne conduite démocratique. La démocratie étant fondée sur le principe de la participation de tous», souligne Mme Jemaï. C'est un acquis important qui sied au statut de la femme tunisienne, dans la mesure où elle est représentée dans tous les domaines de l'activité professionnelle tout autant que sur la scène publique. La parité hommes/femmes vient à point nommé conforter le statut de la femme en tant que citoyenne à part entière et lui permet de participer à la vie politique. Ce principe de parité hommes/ femmes favorisera l'intégration des femmes dans d'autres sphères d'activités, en l'occurrence, la société civile, où sa contribution s'est renforcée et affermie depuis la révolution. «Le gouvernement provisoire ne doit pas se contenter de préserver les acquis contenus dans le CSP , il doit œuvrer activement à les promouvoir et à les enrichir, et ce, à l'effet de l'intégrer dans la vie politique et dans le tissu associatif. Cette démarche est aussi perceptible à travers les réformes et les programmes qui seront envisagés, aussi bien dans la nouvelle constitution ou les futures stratégies de promotion des droits de la femme en tant qu'élément déterminant dans la consécration des droits de l'Homme», conclut Mme Jemaï. «Elle est appelée à redoubler d'effort pour préserver ses droits, pour défendre sa citoyenneté, pour préserver les acquis de sa révolution. Elle est appelée à être candidate pour la Constitutionnelle, à être tête de listes, à refuser le rôle de figuration dans les élections pour prendre une part réelle à l'édification de la nouvelle Tunisie, celle de la liberté et de la dignité. Et, il n'y a pas de dignité sans la dignité des femmes», considère Mme Jéribi.