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La vérité sur les prétendus vestiges historiques d'El Mâalga
Enquête
Publié dans Le Temps le 07 - 10 - 2011

« A bas les bourgeois ! Ils nous ont spoliés, volés, ils ont construit leur fortune s'abreuvant de notre sueur et il faut détruire leurs maisons ! ». Ce n'est pas une scène tiré d'un film, ni une phrase scandée lors de la révolution bolchévique. La scène est bien réelle, elle se passe en Tunisie, la Tunisie postrévolutionnaire ou la population frustrée de n'avoir pu obtenir justice dès lors que le « président » est en fuite, devient manipulable et se déchaîne au moindre doute de corruption ou injustice, même infondée…
Cette scène se passe quelque part à Carthage, dans une zone appelé Mâalga, sur une parcelle d'un vaste terrain, où a été construite une cité résidentielle qu'on soupçonne aujourd'hui, tout d'un coup d'être fondée sur des vestiges romains…
Or, les Tunisiens en ont marre de se voir voler leurs propres biens et le bien public, ainsi que le patrimoine national, alors quand le scandale a éclaté, nombreuses personnes se sont déplacées pour manifester et observer un sit-in là-bas. D'une pierre deux coups, en somme ! Restaurer un vestige romain et punir ces riches qui, non seulement le sont bien, mais il est évident qu'ils ont réussi à le devenir en spoliant le peuple. Car dans la Tunisie postrévolutionnaire aux traits vagues rassemblant populisme, communisme, islamisme, anarchisme etc. il est (pour eux et dans l'imaginaire collectif) inadmissible que l'on ait pu devenir riche à l'ère Benaliste sans avoir volé. Il est aussi impensable que l'on puisse habiter aux alentours de Carthage sans être « milliardaire » !
Alors « A bas les bourgeois, détruisez leurs biens et retrouvez le patrimoine national » ! Voilà le slogan dominant. Ainsi « militants connus », gens de peuple, des personnes riches, des personnes pauvres, de classe moyenne, se sont tous rassemblés sur les lieux, luttant pour « la juste cause »… La presse libre, celle de l'après Ben Ali, celle qui a enfin retrouvé la parole, s'est aussi chargée de faire son travail et l'affaire a fait la Une de certains journaux. Enfin, on peut dénoncer les vols de vestiges et des monuments en Tunisie. Enfin, on peut dénoncer ces richesses ostentatoires.
Entre temps, 240 familles étouffent entre le lynchage public et l'attente de reprendre leurs chantiers, bloqués depuis huit mois, date du déclenchement de la « cause».
Nous sommes partis voir sur place, ces « milliardaires » et leurs palais afin de dresser ici un tableau de l'affaire…

La cité milliardaire

Sur place, ni les rues pas encore caillassées, ni les villas certes confortables mais nullement luxueuses, ni même les pâtés de duplex, mignon. Cette cité, qu'on décrit comme un « prestige construit sur des vestiges » est en fait entourée de grands terrains où s'entremêlent pierre, terre et parfois ordures… Même si à l'intérieur de la cité, la propreté était bien évidente.
Quant aux vestiges, les propriétaires, après avoir lancé maints appels aux parties concernés pour effectuer des fouilles, afin de prouver leur bonne foi, se sont résolus à le faire eux-mêmes. Des énormes trous sont creusés alors entre une villa et une autre ou entre un terrain et un autre, sans qu'aucun vestige n'ait été trouvé.
D'ailleurs, pourquoi le ministère de la Culture n'a-t-il pas encore envoyé des archéologues puisque cela fait huit mois déjà que les doutes se sont amplifiés sur l'existence de vestiges et monuments ?
Pourquoi avoir fait déclencher une crise, avoir bloqué des constructions sans penser à une solution ? Et pourquoi cette cité précisément et pas une autre en sachant que le Carthage d'aujourd'hui est complètement construit sur des monuments et les vestiges d'antan ?
Pis encore, des personnes ayant signé la pétition exigeant la sauvegarde du patrimoine et des vestiges et qui sont parties manifestées dans la cité Mâalga habitent le Carthage moderne.
Ceux qui font un tour là-bas constatent facilement le mélange vestiges – construction moderne. Rue Sophonisbe, rue Titelive, rue Septime Sévère, rue Florus, rue Apulée, rue des thermes d'Antonin, Avenue de la République (ancienne avenue de l'amphithéâtre), rue Mendès France, Montée de l'Odéon, Colline de l'Odéon (…) sont toutes encore plus expressives des vestiges et des monuments. Certaines d'entre elles sont habitées par des personnes ayant manifesté à El Mâalga….
La mosquée Abidine elle-même et le parking qui lui fait face sont construits sur des vestiges… Alors quand on veut préserver un patrimoine, il ne faut point procéder au cas par cas… Surtout quand il s'agit de la cité urbaine punique ou romaine…

El Mâalga entre le paysage rural et les monuments urbains

Sur le plan archéologique et historique, « El Mâalga appartient au paysage rural romain, qu'il fallait certes préserver » atteste Gary Evans, archéologue installé en Tunisie. « La cité de Carthage d'antan commence en effet à partir de la cité appelée aujourd'hui Mohamed Ali, c'est là qu'existe aussi le premier cimetière romain. Juste à côté du « Phénix » se trouvent, également, les plus grandes citernes du monde. La ligne médiane qui trace les débuts des terres de Megara (La Megara, quartier punique périphérique au nord de Carthage, abritant une agriculture intensive) commence à partir de la mosquée Abidine. Et à 200 mètres du Phénix, commence la partie rurale romaine à laquelle appartient El Mâalga » précise M. Evans.
« Les monuments qui se trouvent à côté de la cité El Mâalga sont la basilique Ben Ftouha. Sainte félicité, l'une des plus importantes martyres du christianisme (exécutée le 21 mars 202) repose pas loin de la cité enterrée à côté d'une autre martyre » nous explique-t-il encore.
Vu qu'il y a une basilique pas loin, le doute de l'existence d'un cimetière existe bel et bien sous la cité El Mâalga, or aucun ossement, et où rien n'a été retrouvé. « Creuser sous la cité est une perte d'argent et de temps tranche-t-il et d'ailleurs l'évaluation archéologique de l'emplacement n'en fait pas un si important site important. Ça ne vaut pas la peine de déloger les gens d'ici et de détruire leurs constructions » tranche Gary Evans.
Il soulève néanmoins l'importance et le poids de la Tunisie en matière d'histoire et de patrimoine et la nécessité de les conserver et de les mettre en valeur « Rome a été construite avec les pierres des vestiges d'ici, la cathédrale de Pise l'a également été et on continue à trafiquer et à vendre des vestiges à Gafsa et à Kerkennah jusqu'à aujourd'hui… ».
« En comptant les mosquées Zitouna et Okba Ibn Nafaâ et leur apport jadis dans la civilisation arabo musulmane, Saint Tertullien, le Tunisien berbère qui a une grande influence sur le christianisme en fondant le terme de la « trinité » et les autres saints et basiliques tunisiens, la construction de la Ghriba avec les restes du temple de Salomon – qui contiendrait également l'une des plus vieilles Torah du monde – peut-on faire de la Tunisie un pays à destination « culturo-religionnaire » en la classant en quatrième position après la Palestine, l'Arabie Saoudite et le Vatican ? » Nous avons posé la question à M. Evans. « Oui, tout à fait ! » nous a-t-il répondu…
Alors entre le paysage rural auquel appartient El Mâalga, la cité urbaine à conserver et les richesses historiques tunisiennes à promouvoir, il est facile pour ministère de la Culture de trancher en matière de priorité. Ce sera d'ailleurs intéressant de faire découvrir au Tunisien tout ce mélange historique, religieux et culturel auquel il appartient et nous sortir de l'image des femmes danseuses de ventre, du sable de la calèche et du chameau en mettant en évidence ce patrimoine…

El Mâalga, vacillant entre le classement et le déclassement

Nous avons rencontré Maître Habiba Ben Guiza, avocate et ancienne inspectrice dans la direction de la propriété publique qui nous a expliqué « Un décret-loi a déclassé le terrain contenant la cité en 2008. La commission contenait était constituée d'un comité d'archéologue, un comité du ministère de l'Aménagement, le tribunal administratif, le ministère de la Culture et la conservation foncière. Sur quelle base toutes ces personnes se sont alors mises d'accord si elles savaient que le lot contenait des vestiges ? Aujourd'hui un autre décret de classement a été promulgué, annulant le premier. A ce moment-là, toute personne ayant participé à la promulgation du décret de 2008 devrait rendre des comptes à la justice. Et même si le site se révèle être d'une importance archéologique, quel est le rôle de l'Etat alors ? Faire payer au citoyen la faute ou la corruption d'un corps étatique… ?
Notons ici que l'article 2 du décret du 10 mars 2011 - se rapportant à la découverte de vestige chez des particuliers – précise que les propriétés devraient alors être rendus à l'Etat sauf ce qui est relatif « aux droits d'autrui ». Qui est cet autrui ? Ce n'est pas le citoyen ? Et puis pourquoi cette ambiguïté ?
« Quant à la constitution d'un comité pour trancher dans un différend entre le citoyen et l'Etat dans pareil cas et qui a été citée dans le même décret de 2011, posons cette question : comment l'Etat peut-il alors être juge et partie ? » Ajoute Maître Ben Guiza. Elle nous précise par ailleurs que le comité devrait être constitué par un ordre, or cet ordre n'a pas encore été prononcé.
Hajer AJROUDI
amad salem [email protected]


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