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Et pourtant elle tient la baraque Tunisie !
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 26 - 05 - 2011


Par Boujemaâ REMILI
Nous rendrions un mauvais service à la révolution si nous nous mettions à en gommer les complexités, soit en la recouvrant de trop bons sentiments, autour du thème du peuple glorieux qui aurait terrassé le mal pour établir le bien, soit en la noyant dans le scepticisme, en gonflant à volonté les risques de nuisance autour du fantasme «des forces ennemies du peuple, tapies dans le noir et tirant les ficelles de la contre-révolution».
Car, enfin, nous n'avons pas rêvé, à la veille de la révolution, on avait bien une importante masse de couches moyennes, qui s'est adaptée au système et en tirait profit, dans un modèle consumériste florissant, qui faisait l'affaire des grandes villes prospères, avec leurs hypermarchés, leurs hôtels pleins à craquer, leurs quartiers chics, leurs cliniques cinq étoiles, leurs rivieras bon chic bon genre et leurs voitures particulières flambant neuves. Tout le monde savait que la famille du président déchu volait, mais tout le monde s'en accommodait. Ne soyons pas trop hypocrites, cela se verrait.
Les quelques partis d'opposition qui guerroyaient avec désespérance contre le régime étaient totalement ignorés et leurs locaux complètement désertés. Ils prêchaient seuls dans le désert. Personne ou presque n'accordait la moindre importance à leur combat à armes trop inégales, sous le fallacieux prétexte qu'ils étaient trop faibles, faisant semblant d'oublier que c'est parce que personne ne volait à leur secours.
La révolution a éclaté suite à un incident provoqué par une fonctionnaire communale qui voulait appliquer la réglementation municipale à un jeune qui n'a pas d'autre moyen de vivre que celui de la transgression de la règle, comme c'est le cas pour des centaines de milliers d'autres Tunisiens, sur lesquels on ferme les yeux, faute d'alternative.
La mort de Bouazizi a soulevé l'indignation de jeunes des régions intérieures, frustrées parce qu'elles n'ont pas eu leur part du gâteau de la prospérité, écrasées comme elles le sont par le chômage et le kased, cet intraduisible terme qui signifie la guigne économique et sociale. Leur colère a été largement relayée par beaucoup de fils de bourgeois facebookistes, qui n'étaient peut-être pas dans le besoin mais dans le malaise existentiel, celui d'une société de plus en plus portée sur la consommation, gangrénée par la corruption, sans aucune perspective de civilisation de valeurs.
Tout cela a donné une révolution très singulière, avec un Etat qui s'effondre presque trop facilement, qui était certes corrompu mais loin d'être au bord du gouffre, un syndicat qui apparaît en héros parce qu'il a réellement joué un rôle d'encadrement au cours de la révolution, malgré un bilan sociopolitique qui reste à évaluer, des partis politiques qui ne pesaient que trop faiblement dans la balance des rapports de forces mais qui se trouvent brutalement projetés sur le devant de la scène, une jeunesse complètement dépolitisée mais se proposant d'être à la pointe du combat politique, un corps d'avocats, de juges et d'hommes du droit, ayant à son actif des références de militantisme mais qui lui colle également une image de corruption, qui se retrouve dans une position de concepteur, fabricant et revendeur exclusif du nouvel ordre républicain, des restes de pouvoir qui ont semblé épouser le nouvel ordre révolutionnaire tout en voulant protéger les leurs, c'est-à-dire ceux de l'ordre ancien, un Premier ministre qui arrive en sauveur mais qui s'entoure d'un gouvernement composé de compétences certaines mais avec souvent une trop faible connaissance du terrain, un système médiatique spécialisé dans le sport et les variétés mais qui s'improvise expert en matière de transition révolutionnaire, un appareil d'Etat appelé à mettre en œuvre la révolution avec des réflexes, un mental, une culture, des procédures et des comportements hérités de cinquante-cinq ans de parti unique et de système oppressif.
Pourtant, malgré tout cela, ce qui est remarquable c'est que la baraque Tunisie tient, et plutôt pas trop mal. C'est le premier signe positif et de loin le plus important. C'est comme si les Tunisiens étaient autorisés à faire beaucoup de choses de travers, sachant à l'avance que le résultat final ne sera pas trop catastrophique.
Mais attention à ne pas trop tirer sur certaines cordes, cela peut finir par lâcher. Tous les acteurs devraient intégrer des mécanismes internes d'auto-ajustement, afin de mieux participer à la régulation du processus dans son ensemble, sur la base de la principale idée apportée par la révolution, celle qui vient de l'un de nos vieux adages et qui dit que «celui qui ne se confie qu'à ses propres calculs, n'engrange que de faux dividendes». En effet, s'il y a une leçon majeure à tirer de la révolution, c'est qu'une société ne tient qu'à la vitalité de ses acteurs, à leur pouvoir de négociation et à leur sens du compromis.
La liste des thèmes de l'ajustement serait longue mais tenons-nous aux principales préoccupations : la sécurité et la relance économique, la remise sur pied des structures de l'Etat et les élections de la Constituante.
L'institution en charge de la sécurité marque des points positifs, mais il continue à y subsister d'importantes zones d'ombre. Ce qui crée un dilemme. Mettre trop en exergue les défaillances peut casser la dynamique positive. Les ignorer peut relever de la logique du «ver dans le fruit», qui peut finir par le faire pourrir. Si on a la conviction que ce qui prend le dessus c'est ce qui va dans le sens du «nouveau», le traitement des séquelles du passé ne relèverait dans ce cas que de l'accélération de la transformation ; ce serait le cas lorsque l'on devient certain que l'«ancien» est effectivement et réellement en perte de vitesse et qu'il n'agirait plus que sous la forme des soubresauts de la bête qui se meurt. Or, ce type d'appréciation est entre les mains du politique en charge du gouvernement, mais qui devrait être soumis à l'obligation d'informer, afin que cette appréciation soit socialement validée et partagée.
Quant à la relance économique, c'est presqu'un résultat automatique de la sécurité. Inversement, le retour à un bon niveau d'activité constitue un puissant levier de rétablissement de la sécurité. La synergie dans le cadre de ce couple n'étant plus à démontrer.
Le pays commence à ressentir l'effet d'un début de remise sur pied de l'appareil d'Etat. Mais il subsiste des maillons trop faibles, tel que l'évanouissement de la présence des municipalités et la gabegie qui en est la conséquence. D'une manière générale, ce que l'on appelle «autorité de l'Etat» a pris un sérieux coup sur la tête, tout le monde étant au courant de l'état d'institutions aussi décisives que celles de la sécurité, de la justice ou de l'administration. Le regain de confiance se fera sur la base de messages et de gestes forts, montrant que l'Etat reprend ses droits et qu'il sera ferme contre tous ceux qui veulent profiter des fragilités du pays pour abuser.
Mais ce qui manque cruellement dans cette phase, c'est un mouvement citoyen de rétablissement du sens civique. Cela aurait été une aubaine pour les partis politiques, mais sont-ils capables rebondir sur ces thèmes et d'abord en ont-ils même le souci ? A cet égard, je me permets de signaler ce que nous avons réalisé à «El Izza», l'ONG d'appui au développement de l'Ouest. Les structures que nous avons mises en place dans un gouvernorat tel que celui du Kef, fonctionnent désormais presque comme un conseil régional, en symbiose totale avec tous les services du gouvernorat. Nous avons l'intention de répliquer ce modèle.
Ce qui nous amène au thème des élections du 24 juillet, dont le report vers les mois d'octobre-novembre est un secret de Polichinelle. L'erreur fatale de beaucoup de partis consiste dans le fait de les aborder comme des élections «normales», au moyen desquelles il s'agirait pour chacun de mesurer ses forces. Cette «erreur» n'est pas fortuite. Elle constitue l'héritage d'une vieille mais très ancrée culture d'iftikek, basée sur la tendance à s'autoproclamer meilleur que tous les autres, non pas uniquement pour les ignorer mais bien pire, pour s'y substituer par élimination. Il s'agit évidemment de visions naïves, vouées d'avance au fiasco, mais qui ne peuvent pas ne pas produire de dégâts.
La prochaine élection n'a qu'un seul objectif, permettre au peuple de bâtir sa nouvelle république en écartant deux risques majeurs, celui de la reproduction de l'ancien modèle antidémocratique et celui de l'importation d'un nouveau modèle passéiste. Toutefois, cette volonté ne doit relever ni d'un esprit de revanche ni d'une culture d'exclusive. Il s'agit simplement d'une réponse à une crainte autant profonde que légitime de tout un peuple, pour que non seulement on ne lui vole pas sa révolution mais également qu'on ne la détourne pas. Pour tout parti qui se dit patriote, progressiste et démocratique, aborder l'élection en dehors de cet esprit, en repoussant toute idée de constitution de listes communes formées avant les élections et ouvertes aux indépendants, cela peut traduire une certaine incompréhension des exigences de l'étape et risque de faire perdre à la révolution une opportunité irremplaçable de consolidation.


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