La Révolution tunisienne accapare de plus en plus l'intérêt des observateurs étrangers, les plus avertis. Suisses et Palestiniens étaient de la partie, hier pour un débat sur la transition démocratique organisé, à Tunis, par le Centre d'Etudes et de Documentation, Mohamed Chakroun en partenariat avec l'Association suisse « Droit Pour Tous ». Le Bâtonnier en exercice, Me Abderrazak Kilani, a rendu un hommage appuyé à l'ex-Bâtonnier, le défunt Me Mohamed Chakroun, pour son militantisme et sa lutte contre le régime dictatorial de Ben Ali. Il était un des fondateurs du Congrès Pour la République (CPR) dont il était président d'honneur. Il a aussi été un des fondateurs du Conseil National pour les Libertés ainsi que l'Association de Défense des détenus politiques. Homme au courage inouï, il a été de tous les combats contre la dictature sans arrière-pensée, ni calculs politiques. C'est lui qui a aidé les jeunes avocats à briser le mur du silence et la hantise de la peur. Il avait été Bâtonnier en 1965. Il était un exemple à donner par la réussite personnelle, familiale et professionnelle. Me Abderraouf Ayadi, Vice-président du Congrès Pour la République, a analysé la Révolution, ses objectifs et la stratégie à adopter dans le futur. Il considère que « la Révolution nous impose des missions théoriques à côté des missions pratiques et programmatiques ». Pour garantir la réalisation de ses objectifs, « il faut en avoir une vision théorique claire », dit-il. C'est une Révolution pour la Dignité et de la Liberté, pacifique et morale. Le pays vit une nouvelle étape, celle de l'abolition du système dictatorial pour mener à terme les objectifs de la Révolution pour instaurer un nouveau système, celui de la Démocratie. Une actualisation des concepts s'impose. Le conférencier considère que les hommes politiques doivent tirer profit des éclairages théoriques pour élargir le champ d'action de la Révolution, « une révolution arabe qui peut devenir planétaire ». Sous la dictature la pensée était muselée. Aujourd'hui, il est attendu que les intellectuels participent à la réhabilitation des concepts théoriques. La réflexion était considérée comme un crime sous la dictature qui était le résultat de la colonisation et un partenariat entre des forces intérieures et extérieures. Il a appelé à bâtir un Etat indépendant édifié par ses propres enfants. Omar Ettaïb, vice-président du centre Mohamed Chakroun, présentera la philosophie du centre d'études stratégiques qui ambitionne d'explorer les futurs possibles. Dans ce registre dit-il « deux écoles de pensée existent manifestement. Celles des statisticiens, et prévisionnistes qui, usant de modèles de simulation, raisonnent pour l'essentiel par extrapolation, considérant en quelque sorte que tout se répète de manière identique, au même rythme, dans le même sens, suivant des lois immuables. Celle des différences, des prospectivistes qui, sans nier l'existence d'invariants, considèrent que l'avenir peut être différent du passé, y compris en raison de phénomènes de discontinuités et de ruptures qui seront subits ou délibérément provoqués. Ceci, recourant le plus souvent à la méthode des scénarios, auront plus à cœur d'explorer tout l'éventail des possibles ». Le centre qui se donne une fonction de veille compte élaborer des études qui accompagnent les mutations et suit leurs conséquences tout préparant des réflexions approfondies dans tous les domaines pour jeter les bases de la Démocratie et de la transition démocratique. Il rendra service à la société politique et civile en organisant des manifestations scientifiques et culturelles ainsi que des congrès et des ateliers. Anouar Gharbi, président de l'Association suisse « Droit Pour Tous » a exprimé la prédisposition de son association à collaborer avec le Centre Chakroun et à « aider la société civile à réussir la transition démocratique ». Il a affirmé que « le changement en Tunisie ne manquera pas d'avoir des répercussions sur les causes nobles et justes dans les pays arabes et en Palestine. La Révolution tunisienne jouit d'un grand respect dans le monde ». Il a salué Mohamed Ennouri, ancien président de l'association « Liberté-Equité » qui avait appelé en 2008 au « droit de retour des militants tunisiens de l'étranger, un préalable pour le retour des Palestiniens chez eux ». Son association fondée en 2000 a pour objectif de défendre les causes nobles et de combattre le colonialisme et l'impérialisme. Elle agit à trois niveaux, informatif et culturel, humain et juridique. Il a relaté les actions entreprises par son association, telles les caravanes pour lever l'embargo sur Gaza. Elle en a organisé dix dont quatre avaient réussi. Elle a organisé des sit-in devant l'ambassade d'Egypte à Genève. Elle a pu, entre autres, contribuer à l'annulation de la visite de Bush en Suisse. Mme Irène Kälin, parlementaire suisse, en parlant de la transition démocratique, a rappelé que « la Tunisie a inspiré d'autres pays. Vous avez donné de l'espoir partout dans le monde. Vous avez beaucoup de travail devant vous. Vous avez gagné une première étape. Il faut beaucoup pour instaurer la Démocratie. La transition tunisienne va réussir plus vite que prévu. » Elle rappellera que la Suisse a décidé d'aider la Tunisie de manière substantielle. La Suisse propose un programme pour créer des postes d'emplois et monter des micro-projets. Il était le premier pays à réagir et à geler les avoirs de Ben Ali et sa famille. Le Bâtonnier Abderrazak Kilani, réagira en disant que « si la Suisse a mis 200 ans pour instaurer la Démocratie, la Tunisie mettra beaucoup moins de temps ». Dr Alaya Amira parlera des « Sanctions et conciliation dans le processus révolutionnaire ». Il a mis l'accent sur le fait que la conciliation, à travers l'histoire, s'est faite dans les différents pays selon le degré du mal fait, la culture et les croyances religieuses, le rapport de forces en présence entre ceux qui sont devenus les maîtres du pays et ceux qui le dirigeaient avant, le rapport de force entre ceux qui réclament la sanction et ceux qui demandent la conciliation. Il pense que la Révolution n'a pas été faite par les jeunes seulement, mais aussi par les adultes. « C'est une Révolution, non seulement contre Ben Ali, mais contre tout le régime installé depuis 1956 » dit-il en ajoutant que « ceux qui avaient profité de l'ancien régime sont à l'avant-garde pour réclamer la conciliation ». On ne peut parler de conciliation sans sanctionner ceux qui ont fait des crimes contre le peuple. Ceux-ci doivent rendre compte. C'est un immunisant pour éviter à la Tunisie un retour de la dictature subie durant 23 ans.