La dernière annonce faite par Souad Abderrahim, tête de liste du parti Ennahdha et membre de l'Assemblée Constituante sur la possibilité de transférer des milliers de demandeurs d'emplois tunisiens sur le marché libyen, suscite des doutes quant à la capacité des membres élus du peuple d'être en mesure d'imaginer à défaut d'anticipation, des solutions au plus récurrent des sujets, à savoir la création d'emploi. Les débats télévisés, les déclarations assez inappropriées de plusieurs nouveaux acteurs sur la scène politique en Tunisie ne pouvant en aucune façon faire évoluer les choses. Pire, les sujets brûlants à traiter et qui sont en relation directe et intime avec les doléances du Tunisien, se trouvent marginalisés, et mis de côté pour devenir un luxe. Ce qui exacerbe les sentiments traduits par les protestations dans le bassin minier, et dans d'autres régions notamment à Gabès, et auxquelles il faudrait faire avec, dans le cas où certaines questions ne sont pas traitées avec toute la délicatesse politique possible en disent long sur l'état d'esprit de beaucoup de concitoyens. Les hommes d'affaires, les chefs d'entreprises et les détenteurs des capitaux tunisiens jugent la situation actuelle, à très haut risque. Ce qui explique leur réticence quant au lancement, le financement ou tout simplement toute prise d'initiative afin de donner quelques lueurs d'espoir. Les investisseurs étrangers, eux, ont commencé, depuis peu, à douter des orientations de la nouvelle Tunisie. Les déclarations consistant à envoyer des messages « réconfortants » trouvent assez peu d'écho auprès de ces décideurs et donneurs d'ordre de centaines de nos PME. La situation actuelle dans la Zone Euro ne prête pas, à son tour, à l'optimisme. On commence même à se poser des questions quant à la survie de la monnaie unique, les mêmes interrogations concernent aussi l'avenir de l'Union Européenne elle-même. Et dans ce cas où irons-nous chercher à compenser ces 80% de nos échanges avec les partenaires européens ? Avec une année 2011 touchant à sa fin, où on ne cesse pas de se féliciter de ce que la Tunisie a accompli tout au long des derniers mois, alors qu'au même moment d'autres pays arabes et même européens ne cessent de galérer, une impression imprégnée de doute quasi général est en train de s'installer. Les Tunisiens deviennent, pour une bonne partie d'entre eux, des politologues des plus avisés. A l'instar de beaucoup d'autres pays, on risque de devenir un peuple assez politisé, au ventre creux. Le débat politique, ou du moins ses prémisses, risquent de nous aveugler face aux vrais défis que la Tunisie doit relever, parmi lesquels certains sont les mêmes, que l‘on change de gouvernement, de têtes ou même de mentalité, s'agissant de notre vérité. Les problèmes de la Tunisie sont connus : ils vont de l'absence de la prise de risque pour certains investisseurs, au manque du sens de prise de l'initiative chez beaucoup de nos jeunes, diplômés ou pas, qui veulent intégrer, coûte que coûte, une fonction publique gangrénée de népotisme, en plus de la situation défectueuse d'un secteur bancaire capable de générer des profits, quelles que soient les circonstances, mais toujours réticent quant au financement des projets, innovateurs ou pas, si les garanties ne sont pas là, ce qui explique l'autre mal en Tunisie, celui du sous-financement des projets, pour arriver par la suite à la corruption, au clientélisme et au favoritisme qui rangent encore et toujours les rouages de notre si chère administration. Des pratiques qui ne se cachent plus, certes, mais qui sont toujours d'actualité. Maintenant que les dés sont jetés, et que les représentants du peuple ont occupé solennellement leurs sièges au sein de l'AC, qu'on se départisse, une bonne fois pour toutes, des déclarations de bonnes intentions et qu'on se remette, le plus possible, au travail. La nébuleuse question de l'emploi, ne sera certainement pas l'objet de solutions ad-hoc prises du jour au lendemain et susceptible d'apporter des solutions dans les instants qui viennent. Alors qu'une vision claire doit s'imposer. Comment tout d'abord ces élus vont-ils pouvoir réussir à instaurer la sécurité, tant espérée, alors que leur toute première réunion a déclenché des émeutes, à cause d'une manœuvre manquant de trop de lucidité. Ces membres de l'AC devraient cacher leurs langues dans leurs bouches, qu'ils se mettent à ratifier une Constitution et qu'ils apportent les solutions urgentes, afin de justifier, un tant soit peu, leur mérite. Ils devraient se ressaisir et respecter leur engagement et ne point décevoir leurs électeurs pour ne pas entacher cette confiance placée en chacun d'eux, au lieu de s'empêtrer dans des querelles sempiternelles. Les rêves négociés, à bon prix, par certains partis politiques et les discours populistes adoptés par d'autres, ne sont pas actuellement en mesure d'apporter les solutions requises. Avec la peur qui s'installe, à cause du laisser aller apparent un peu partout en cette Tunisie post-révolution, autant de tracas qui ne préfigurent d'aucun gage de sécurité. Peut être bien que les nouveaux décideurs en Tunisie auront des chats à fouetter lorsqu'une bonne partie de nos cadres et compétences quitteront leur postes et partiront chercher une vie meilleure ailleurs, dans ce cas ils n'auront pas à suppléer leur alliés en Libye pour recevoir certains de nos fils ! La situation actuelle est certes difficile pour la majorité des Tunisiens, mais qu'on ne la rende pas encore plus difficile. L'absence d'une vision claire, que ce soit sur le plan local, ou sur le plan géopolitique régional ne peut être comblée par des sorties médiatiques obsolètes. Essayer de réconforter une population désireuse d'un minimum de sécurité et de dignité, avec un discours vidé de ses sens, ne fera pas non plus avancer les choses. Les nouveaux décideurs, qu'ils soient du Parti Nahdha ou autre, doivent savoir qu'ils ne pourront pas tout réussir, au cours de l'année qui commence, ou celles à venir, si bien évidemment ils resteront au pouvoir. Et si leur intention est de créer le maximum de postes d'emploi par une stimulation du secteur public, pour des objectifs électoraux, tout en accentuant les déficits budgétaires de l'Etat, c'est que la situation pourra s'aggraver davantage et on risquerait un nombre illimités de mauvais passages.