Il fût un temps, pas si lointain, une génération tout au plus, où le vénérable tunisien musulman de retour de la Mecque et de Médine, déclinait et même refusait d'un mot ou d'un geste tranquilles mais fermes, que les siens ou les voisins l'appellent Hajj, « ayant accompli le pèlerinage »… Que de fois, j'ai entendu, hommes ou dames justifier ce refus : « Ecoute mon enfant, je ne suis pas allé(e) en terre sainte pour me farder d'un titre et pour me parader dans un nouvel habit de Takwa, de foi livrée à la visibilité ! Mon voyage est une affaire entre Dieu et moi, strictement… » Les temps ont changé, laidement changé, sur ce point précis. Parvenu à un âge de grand-père, je regrette amèrement de ne pas être hélé dans la rue, comme l'a été mon défunt père, par ses doux et agréables Baba (mon bon papa), ‘Ammi( Tonton ), ou Khouya (frère) quand il s'agit d'un « héleur » de mon âge, ou plus simplement « Si Youssef… » . Hajj par-ci, Hajja par-là et partout, c'est le titre uniforme et de non-sens absolu, puisque il ne correspond souvent à aucune réalité, à aucun fait avéré, à aucun sentiment, à aucune espèce de félicitation. Quand donc les mots, surtout ceux qui sont bellement chargés de sens que celui-ci, retrouveront-ils leurs places exactes dans le champ, dans le chant de «ce que parler veut dire» ? Balti mohamed Hédi faouzi bejabd