La zaouia de Sidi Brahim Jomni à Houmt-Souk n'est qu'à cinquante mètres ou presque de la mosquée Ghourbâa ( des Etrangers), à égale distance de la mosquée des Turcs, à trois cents mètres à vol d'oiseau tant de Jamâa Echikh que de la zaouia de Sidi Abbès. C'est dire que dans de pareilles conditions, on n'est guère dans le besoin de multiplier les appels à chacune des cinq prières quotidiennes ni d'ailleurs de hausser abusivement le volume de la voix pour informer les fidèles. Pourtant, des hauts parleurs aménagés en haut des minarets de ces cinq lieux de culte, si proches l'un de l'autre, fusent simultanément cinq fois par jour des appels à la prière, distincts, émis par des voix discordantes et malsonnantes, déformant les paroles sacrées composant la formule. Ce rituel cinq fois quotidien se transforme de la sorte en un foisonnement d'appels incohérents, en une cacophonie bruyante et inintelligible. Ce mélange de voix assourdissantes, fusant de surcroît des hauts parleurs à des niveaux sonores exagérément élevés de décibels dépassant de loin les limites admissibles par le voisinage, telles que autorisées et tolérées par le ministère de l'Environnement, crée l'impression d'un désordre sonore déplaisant pour l'ouïe, préjudiciable à la solennité de ce rituel sacré. « Plusieurs muezzins, peu enclins en fait à la sacralité du rituel de l'appel, s'entêtent à ne pas admettre leur incompétence en la matière, faisant la sourde oreille aux doléances incessantes qui leur sont souvent signifiées. Ils exécutent si mal l'appel au point d'irriter les auditeurs au lieu d'adoucir leur cœur et de les émouvoir ; il est préférable dans ce cas de recourir à la bande enregistrée. », nous confie M. B.H.Yahia, professeur de pensée islamique. Au lieu d'être mélodieux, digne de sa sainteté, respectueux des critères et des normes communément préconisés par la Tradition, à même de pénétrer les cœurs, d'émouvoir et d'inciter à la piété et à la dévotion, l'appel, tel qu'il est accompli, constitue une source de nuisance acoustique et un désagrément vérifié, apparemment perceptible. Car, au lieu d'être désignés pour leurs qualités vocales et soumis à un apprentissage approprié des règles régissant l'exécution de l'appel, les muezzins sont souvent des hommes chargés de l'entretien des lieux ou choisis parmi les fidèles, démunis donc dans tous les cas de qualités vocales et de qualification à même de leur attribuer la vocation de muezzins. Parce que l' « adhan », tel que communément supposé, est immensément rétribué par Dieu, on se bouscule pour s'acquitter de son accomplissement, avec l'espoir de bénéficier des faveurs divines dans l'au-delà. On s'autoproclame comme tel, on s'approprie de la sorte la vocation de muezzin, sans toutefois remplir les conditions élémentaires requises pour en être digne. « Entendre l'adhan est un moment de grande émotion et une joie intérieure indescriptible, que compromettent parfois malheureusement certains muezzins incompétents, à la voix lamentable, mais qui s'entêtent à s'acquitter de la besogne en dépit des remarques qui leur sont faites et qu'ils perçoivent si mal », avouent plus d'un fidèle accomplissant assidûment leurs prières à la mosquée.
Le système de l'appel unifié pour harmoniser les appels à la prière
En laissant ces pseudos muezzins agir à leur guise, outre la déformation préjudiciable de la formule et la nuisance sonore qui en découle, on ne fait que banaliser l'appel, que le dépourvoir de sa profondeur spirituelle, que le déposséder de sa beauté et de sa pureté originelle, au point d'en faire une source de gêne et un objet de raillerie indigne de sa sainteté. Aussi, une solution devra-t-elle être vite envisagée pour couper court à de telles irrégularités croissantes contraires aux normes régissant l'accomplissement de l'appel. La mise en œuvre d'un système d'appel à la prière unifié pourrait, par exemple, constituer à cet effet une alternative au foisonnement cacophonique en vigueur. L'idée est de synchroniser l'appel de façon à faire triompher une seule voix sur les hauts parleurs de toutes les mosquées proches dans l'espace à l'intérieur d'une même ville, celle d'un même muezzin qualifié, choisi pour ses qualités vocales, émise au même instant à des niveaux raisonnables et tolérés de décibels, à partir d'un studio central ou autre, et relayée par un récepteur dont devront être équipées les mosquées. L'expérience de l'appel unifié a fait ses preuves en Egypte où l'idée était venue du ministère même des Affaires Religieuses pour faire taire la cacophonie sonore insupportable fusant des hauts parleurs des milliers des mosquées et zaouias de la ville du Caire, avant de s'étendre à d'autres pays musulmans comme la Syrie ou les Emirats Arabes Unis. Autrement, si d'aventure une telle alternative venait à ne pas plaire, la soumission des muezzins à une sélection rigoureuse prônant indispensablement pour seuls critères les qualités vocales intrinsèques, les connaissances des règles de l'exécution de l'appel et la parfaite maîtrise des normes modales propres à l'école tunisienne dignement illustrée par Feu Cheikh Ali Barrak, serait dans ce cas vivement recommandée dans la perspective de prémunir ce rituel sacré de davantage de déformations banalisantes et d'en atténuer la nuisance. En outre, l'idée de l'unification devrait intéresser également la psalmodie du Saint Coran émise simultanément et confusément, quelques minutes avant l'appel à la prière, des mêmes hauts parleurs de toutes les mosquées, pourtant si proches l'une de l'autre, et qui crée de ce fait l'impression d'un chaos sonore indescriptible mêlant confusément diverses voix variant en tonalité et en sons, psalmodiant différemment les versets du Saint Coran dont on ne distingue finalement qu'un brouhaha indéchiffrable portant gravement préjudice au statut sacré des paroles psalmodiées. Les rênes pour longtemps lâchées à la seule loi d'improvisation hasardeuse et au diktat de ceux qui occupent de gré ou de force les lieux devront être récupérées au plus vite par le ministère des Affaires Religieuses pour étendre son autorité et reprendre le contrôle des mosquées ; le temps est venu pour que des règles rigoureuses de gestion et d'exploitation de ces espaces de culte, victimes ces derniers temps d'effronteries les plus saugrenues, soient établies de façon à mettre un terme à l'anarchie prévalant et à l'utilisation irrationnelle de ces lieux censés être consacrés à la prière, à la dévotion, et prêcher la bonne parole.. Naceur Bouabid Taoufik Benny jamel Ben hassine - paris drmohamedsellam HELLA J.K.