Suffit-il d'inclure le droit au travail pour en créer ? Les initiatives de proposer une constitution au pays se multiplient. En plus, des partis politiques et des experts, différentes composantes de la société civile s'affairent et s'attellent sérieusement à la tâche. La plus grande organisation travailliste du pays, l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), un vrai bulldozer fort de ses 500.000 adhérents, participe à l'œuvre commune en proposant à son tour sa propre approche de la prochaine Constitution. Qu'est ce qui différencie ce texte des autres projets ? Les auteurs du texte ont l'ambition de proposer une nouvelle Constitution « à même de métamorphoser la vie du peuple tunisien, en lui assurant une vie politique, économique, sociale et culturelle fondée sur la pleine citoyenneté qui rejette toutes formes de discrimination, d'exclusion, de marginalisation et de repli sur soi ». Seront-ils réellement au diapason de cette œuvre grandiose et compliquée qui trace tout le futur du pays ? Le projet dont les grandes lignes avaient été approuvées lors du dernier congrès de la Centrale syndicale, contient 11 chapitres. Il propose la création d'une instance supérieure indépendante pour la justice financière, qui se chargera de contrôler les comptes publics. Un médiateur républicain sera appelé à faire respecter les libertés fondamentales par les structures administratives, les collectivités locales et les établissements publics. La fonction de ce médiateur pourrait faire de l'ombre aux Associations des Droits de l'Homme, comme la LTDH. Deviendrait-il un interlocuteur unique pour les organisations de Droits humains ? Le projet de Constitution, énonce dès les premiers articles les droits et les libertés fondamentales, comme l'égalité, la liberté de croyance, d'expression, le droit de créer des partis politiques et des organisations, le droit de rassemblement et de manifestation, ainsi que le droit à un travail décent et à l'action syndicale. Ainsi, le droit syndical sera stipulé dans la Constitution. Un régime équilibré Les droits économiques et sociaux, comme l'emploi, la santé et l'habitat sont inclus dans le projet de Constitution. Ces droits n'avaient pas droit de cité dans la Constitution de 1959. Par ailleurs, le Tunisien a la possibilité de porter plainte contre les autorités si son droit à l'habitat n'est pas garanti. Inclure le droit au travail dans la Constitution est une nouveauté. En cas de non satisfaction de ce droit, le citoyen va-t-il porter plainte contre le Gouvernement, ou contre les patrons ? Qui va lui rendre justice ? La question de la création d'emplois relève de la politique socio-économique des Gouvernants, et reste tributaire de la conjoncture économique et des moyens ainsi que de la qualité du climat des affaires et de la bonne volonté des investisseurs. L'Etat crée certes, des emplois par le biais de la fonction publique, de pair avec les offices et les entreprises publiques. Mais il ne doit pas être le seul à le faire. La machine économique doit fonctionner. C'est aussi, l'affaire des partenaires sociaux qui ne doivent pas être sectaires dont la Centrale syndicale l'UGTT. Les patrons vont-ils proposer leur propre constitution ? Intègrera-t-elle leurs revendications ? Le projet institue un régime politique équilibré, avec une séparation claire des pouvoirs et un équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Le projet précise que le pouvoir législatif doit revenir à une Assemblée populaire élue au suffrage universel, par un scrutin libre et direct. Elle a pour mission de proposer des lois, de les réviser ou de les annuler. Elle définit les prérogatives du pouvoir exécutif qui sera partagé entre le Président de la République et le Premier ministre. La rupture avec le régime présidentiel est sans équivoque, tout en cherchant à épargner aux Tunisiens les atermoiements d'un régime parlementaire excessif qui peut à son tour faire ressusciter la dictature. Ce ne sera ni un régime présidentiel, ni un régime parlementaire. Les auteurs du texte veulent exploiter ce qu'il y a de mieux dans les deux régimes. C'est une initiative qui répondrait convenablement aux spécificités tunisiennes et servirait les objectifs de la Révolution en cherchant à répondre aux attentes du citoyen. Une nouvelle organisation des collectivités locales Naturellement le pouvoir judiciaire, ne peut être qu'indépendant et souverain. Différents articles déterminent et corroborent la fonction des magistrats et spécifient aussi leur recrutement. Le pouvoir judiciaire est constitué par le Conseil supérieur de la magistrature et la Cour constitutionnelle. Leurs décisions sont irrévocables. Par ailleurs, ce projet de Constitution, fixe la composition du Conseil économique et social et définit une nouvelle organisation des collectivités locales. Au niveau des collectives locales la proposition du Pr. Sadok Belaïd instituant une démocratie qui s'exerce à partir des « Oumdas », des délégations et des gouvernorats aurait pu enrichir l'approche de l'UGTT. Globalement, le projet converge sur certains points avec celui du groupe des experts dirigé par Yadh Ben Achour et les rejoint pour ce qui est de la nature du régime politique. D'ailleurs, sur ce point à l'exception d'Ennahdha qui a opté pour un régime parlementaire, la majorité des autres propositions versent dans l'option du panachage entre les deux régimes présidentiel et parlementaire. Tout en cherchant à ne plus subir les avatars d'un régime présidentiel qui deviendrait dictatorial, il reste à éviter l'instabilité et l'incertitude qui, généralement, caractérisent les régimes parlementaires, lesquels peuvent aussi à leur tour accoucher d'un régime absolutiste et aux pouvoirs sans limites d'un groupe de partis ou d'un Chef de Gouvernement majoritaire.