Par Khaled Guezmir - Ceux qui prétendent avec l'arrogance du mépris que les 20.000 personnes qui se sont déplacées à Monastir ne sont que les «orphelins de Bourguiba, les résidus de la Francophonie et du RCD» se sont couchés très tôt ce samedi 24 mars 2012. Ce que nous avons vu de visu c'est des hommes et des femmes libres du Sahel et d'ailleurs, des milliers de jeunes garçons et filles bien majoritaires, se bousculer pour occuper les quelques pouces d'espaces restés libres à partir de 15h et même les escaliers et les couloirs de la salle de sport «métallique» de la ville qui a donné naissance à Bourguiba, le «Jughurta» rebelle comme lui, qui a réussi à libérer la Tunisie, du colonialisme et de l'obscurantisme oriental de plus de 10 siècles de décadence médiévale. Cette foule électrisée et en délire c'est elle finalement qui a fait l'évènement. Pendant plus de deux heures avant l'arrivée de M. Béji Caïd Essebsi, elle a scandé tous les slogans de la liberté et de la « Résistance », « sa » résistance au projet obscurantiste de s'approprier le pays et le ramener aux temps des ténèbres. « Vingt trois ans de dictature… ça suffit » « Non à un nouvel absolutisme de quelque nature que ce soit… civil ou religieux ». « Non au fikh d'al Aoura… oui au fikh de la Thaoura », « Berrouh beddam nefdik ya aalem ». « Bourguiba ya habib » (Bourguiba le bien aimé) « Achaâb hor la Amrika … la qatar » etc… etc… et puis comme pour arroser le tout : « Ya Béji… ya Béji… » ! Pour elles et pour eux, ce Monastir » de tous les espoirs est venu rappeler au monde entier que la Tunisie doit rester libre de son destin sans aucune tutelle de l'intérieur ou de l'extérieur. J'ai bavardé dans les gradins surtout avec les jeunes… Un étudiant venu de France pour les vacances me dit : « Nous en avons marre du mensonge… le spectre Ben Ali doit s'arrêter… on a fait la Révolution pour établir une démocratie… alors droit au but ! Faisons, comme toutes les nations de la terre qui nous ont précédées… le Portugal, la Pologne, la Roumanie etc… Citez-moi un seul exemple de démocratie islamique… l'Iran c'est pas mon modèle… » (fin de citation). Une autre jeune fille telle « Khaoula » son idole, coiffée du drapeau national, prend la relève et déclare avec ferveur « qu'on arrête d'insulter Bourguiba… il n'a jamais été dictateur, mais un père pour le bien général de la nation et pour construire l'Etat unitaire et solidaire moderne… Et puis soit… ces Messieurs qui accusent Bourguiba de dictature qu'attendent-ils pour construire la démocratie… Ce qu'ils veulent au fond c'est plutôt, une autre dictature d'un autre âge » (fin de citation). Décidément ces jeunes on ne peut plus les rouler ! C'est un peu l'attitude générale même chez les plus âgés qui crient leur indignation devant la dénaturation de l'œuvre grandiose de Bourguiba et l'ingratitude pour son combat lumineux et ses sacrifices pendant plus de 15 ans dans les prisons et l'exil. Ils reconnaissent toutefois qu'au soir de sa vie, il aurait dû passer la main… Mais est-ce une raison pour jeter la pierre à un « géant » de l'Histoire que même le général De Gaulle reconnaît dans ses « mémoires » comme un grand leader charismatique et un grand combattant pour la liberté et l'émancipation des peuples ! J'en viens à l'organisation de la « manif » que d'amateurisme mais finalement salutaire car ça nous change bien des organisations spartiates et étouffantes de l'ancien régime. De grandes ovations ont accompagné les apparitions de M. Ahmed Néjib Chebbi président fondateur du PDP, Lotfi Bouchnak notre ténor national n°1 et surtout la « Mariane » nationale Khaoula Rachidi symbole de la défense et de la réhabilitation de l'emblème national. Quant à M. Béji Caïd Essebsi, Monastir et le Sahel des profondeurs semblent lui aller comme un gant. Il était réellement épanoui et dans « son jardin ». Mon voisin un ouvrier de Moknine la résistante, la ville de feu si Mahmoud Ben Dhia grand militant de la première heure qui a eu le courage d'héberger Bourguiba la nuit du Congrès du 2 mars 1934 à Kassar Helal, me dit alors qu'il applaudissait à tout rompre, à l'arrivée sur scène de Si Béji «wallahi… Rajel» (c'est un homme) au moins lui n'a pas honte de dire qu'il est bourguibiste et le fils de Bourguiba ! Il avait les larmes aux yeux quand l'hymne national a retenti : « Si on ne redresse pas la situation, un jour ils vont l'enlever comme le drapeau », conclut-il , bien déterminé à défendre « la véritable « identité » de ce pays. J'ai un peu tardé sur la « couleur », car pour ma part je considère que le vrai « héros » de ce 24 mars 2012, c'est ce peuple de Monastir et d'ailleurs qui a répondu «présent» à l'appel de la Patrie (Nidaou Al Watan) ! Pour le reste M. Béji Caïd Essebsi a été plutôt conciliant et même un peu réservé. Presque sur la défensive. Il a certes rappelé que les prochaines élections doivent avoir lieu à la date prévue, ce qui n'est apparemment pas la démarche des vainqueurs du 23 octobre 2011, qui vont « doucement » sans se presser ! Il a aussi plaidé pour un rassemblement centriste après Avril prochain, une fois que les familles libérales et de gauche démocratiques auront accordé leurs violons. Mais tout le monde est finalement resté sur sa faim ! L'Appel à la naissance d'un grand Parti Centriste libéral démocratique et progressiste « national » n'a pas eu lieu. Si Béji a estimé que le moment est prématuré … Mais peut-il le faire en mai prochain ! Seul l'avenir proche nous le dira… et tout dépendra de la volonté politique de désistement de tous ceux qui ont par leur ambition démesuré, contribué au « naufrage » du 23 octobre dernier. Monastir leur a montré la voie… l'Histoire les observe. C'est à quitte ou double !