Il met le doigt dans la plaie, y déverse du sel par moments, et ne craint pas de forcer le trait, l'air du temps étant à la démesure, et l'époque, suffisamment trouble pour qu'il y ait lieu, effectivement de s'inquiéter, du destin d'une femme, de n'importe quelle femme en réalité, sous des cieux qui menacent de devenir, de moins en moins cléments pour elle, si tant est qu'elle se résigne, abattue et vaincue, à se laisser confisquer sa liberté chèrement payée, au profit d'une nouvelle race de "seigneurs" à la petite semaine, qui prétend instaurer ici-bas, le royaume des cieux, avec des savates éculées, tout juste bonnes à traîner la boue et la fange, avec des relents d'enfer, le paradis étant aux antipodes, et cela, Rym ne pourra que l'expérimenter à ses dépens. Mais qui est Rym au fait ? Et en quoi son destin est-il si singulier pour qu'elle puisse occuper ainsi, d'un bout à l'autre, l'espace d'un roman, d'ici et d'aujourd'hui, parvenant à s'attacher son lecteur, non pas jusqu'à ce que mort s'en suive puisque, Dieu merci, celle-là lui sera épargnée, mais jusqu'à ce que sa libération sonne la fin d'un calvaire, durement éprouvée, en des temps qui ressemblent étrangement aux nôtres, avec des personnages, pas seulement nés de l'imagination de l'auteur, sont ceux que l'on croise tous les jours sur son chemin, ne soupçonnant pas qu'ils puissent vivre ainsi, l'enfermement et l'exil, à l'intérieur de leur propre corps, parce que le poids social pèse comme une chape de plomb sur un ciel, pourtant si pur à l'origine, mais que sont venus obscurcir des nuages, qui viennent de tellement loin que l'on se demande comment ils ont pu atterrir sous des latitudes, théoriquement libérées depuis longtemps, du joug de pareils asservissements. Parce que dans le fait, si les femmes sont libres dans le texte, il n'en n'est pas tout à fait le cas dans le corps social, qui n'en n'a, visiblement pas intégré la culture, d'où la tentation de revenir en arrière, histoire d'assouvir certains fantasmes, qui ne craignent plus aujourd'hui de fleurir à la face du jour, comme un chancre hideux qui aurait attendu son heure, et l'aurait trouvée... C'est ainsi qu'il faut lire ce cinquième roman de Mohamed Bouamoud : « La profanation », comme une histoire de notre époque, avec les yeux largement ouverts, sur ce qui constitue une réelle menace, non pas seulement pour les femmes de ce pays, mais pour l'avenir de tout un peuple, qui ne s'est pas libéré du joug d'un tyran pour tomber sous la coupe réglée, de fondamentalistes d'un autre temps, qui n'ont rien compris à la Tunisie, et qui n'y comprendront jamais rien. Tout de même, et comme le stipulera M'hamed Hassine Fantar dans sa préface, « le roman s'achève sur une note d'espoir… ». Cela, ils n'y pourront rien. Ils ne seront jamais les seigneurs et maîtres.