La célébration de la fête internationale du travail, a été réappropriée par les organisations syndicales, grâce à la Révolution du 14 janvier. On en a cure des cérémonies officielles « bidon et décor » au palais de Carthage se limitant à un discours monocorde et agaçant. La fête a repris son droit et reconquis l'espace public. L'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), principale centrale syndicale du pays, l' a célébrée, hier, en présence de nombreux invités de marque français et italiens, comme Jean Claude Mailly, Secrétaire Général de Force ouvrière, Jean Jacques Guignon, représentant de la CGT, Michel Gay, Secrétaire Général de la CFDT, des représentants des associations de l'immigration en Italie et en France, de Ken Peres, AFL-CIO. Dans son allocution prononcée sur la place mythique Mohamed Ali, le langage et le ton choisi par Houssine Abassi, secrétaire général de l'UGTT, ne manquaient pas de piment et ne se passait pas de frictions. Il a fait un bilan assez sombre des dernières péripéties vécues rappelant « les actes de violence, de terreur, et d'irrespect de l'inviolabilité des lieux de culte, des institutions éducatives et universitaires, les attaques contre les entreprises publiques, les appels à la privatisation des entreprises publiques de presse et les atteintes flagrantes à la liberté d'expression, de presse et d'information, les provocations et menaces contre les journalistes, les intellectuels, les hommes de culture ainsi que les militants des droits de l'homme et les syndicalistes et leurs leaders et comme violations des locaux de l'UGTT » Il n'oublie pas « les tentatives acharnées visant à accaparer le pouvoir de décision et à censurer l'opinion contraire et la ruée sur les postes de décision sans tenir compte de la compétence, ni de l'expérience et la bonne conduite ajoutés aux situations de dérive dangereuses ». Il affirme « tout cela est en passe de transformer notre printemps prometteur de réforme et de délivrance en un hiver sombre et en un désordre pouvant tourner au cauchemar ». Il précise qu'il n'y a pas de « place pour la confiscation des objectifs de la Révolution ». Il refuse que les sacrifices « soient employés pour servir des desseins catégoriels ou idéologiques qu'ils soient étrangers ou locaux… l'unique objectif tracé par la Révolution de la liberté et de la dignité est le droit au travail décent, le droit au développement, le droit à la liberté, le droit à l'égalité et le droit à la participation à la prise de décision »… Il prend la défense de l'ensemble des créateurs, des intellectuels, des hommes et des femmes de la culture et de l'information. Il dénonce « la militarisation de l'espace public ainsi que la mobilisation des lieux de culte et institutions éducatives qui visent à semer la haine et la discorde ». Il refuse que l'Administration soit instrumentalisée pour reproduire la tyrannie et l'autoritarisme. Il a réitéré son attachement à aligner le SMAG au SMIG, à les augmenter et à améliorer les revenus de l'ensemble des travailleurs en demandant l'accélération des négociations sociales. En s'adressant directement au gouvernement, partis politiques, organisations et associations, il ne les a guère ménagées. Il les somme à « faire prévaloir l'intérêt supérieur de la Nation, à bannir la mentalité du butin et du contingentement et à laisser, de côté, les tiraillements idéologiques et doctrinaux pour se consacrer à la réalisation des objectifs de la Révolution de la liberté et de la dignité et à répondre aux exigences de la réforme politique et la transition démocratique ». Il demande à la Constituante « de s'appliquer à élaborer une constitution pour le pays et à dynamiser, dans les plus brefs délais, l'Instance supérieure indépendante pour les élections ». L'UGTT avait élaboré un projet de Constitution. Elle compte mobiliser davantage d'adhésion à ce projet au sein de l'Assemblée Nationale Constituante et auprès de l'opinion publique. Par ailleurs, Houssine Abbassi reproche au gouvernement « son discours flou et généraliste ». Il lui demande de se consacrer à « sa mission d'assurer l'emploi décent notamment au profit des diplômés, de prendre des initiatives, sans atermoiement, pour promouvoir les régions intérieures du pays à travers le développement de l'investissement, la consolidation de l'infrastructure, la lutte contre la pauvreté, la mise en place des services publics essentiels, ainsi que la lutte ferme contre le phénomène de la contrebande et du trafic qui menacent notre sécurité alimentaire et nuit à notre pouvoir d'achat. » L'opposition a eu son lot de reproches aiguës et sans ambages et n'a pas été épargnée par les fléchettes de Houssine Abbassi. Il l'appelle, elle ainsi que les composantes de la société civile à « renoncer à leur dispersion, à abandonner leur discours négativiste et d'œuvrer, avec sérieux, à construire des passerelles de communication, de dialogue et de coopération entre elles et avec le gouvernement et la Constituante pour servir les intérêts de la Tunisie et son peuple ». C'est un discours en symbiose avec les remarques critiques de beaucoup d'observateurs. En s'adressant à tous, Houssine Abbassi confirme que l'UGTT ne compte pas se départir de son rôle politique de pair avec son rôle social. Les deux sont imbriqués, l'un dans l'autre. Hassine BOUAZRA mowatin