s'écrie Sadok Belaïd S'il y a une instance qui a fait l'unanimité, durant la première période transitoire qui avait abouti aux élections du 23 octobre, ça ne peut être que l'Instance Supérieure Indépendante des Elections (ISIE). Elle a pris à son compte la lourde charge et périlleuse opération de structurer, encadrer et mener à terme l'organisation d'élections transparentes dont les résultats ont été acceptés par pratiquement toutes les forces politiques. La mise en place d'une nouvelle instance chargée des élections est revendiquée par tous.Aux dernières nouvelles la présentation d'un projet de loi créant cette instance ne saurait attendre plus encore. A la conclusion des débats concernant la loi de Finances complémentaire au sein de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC), Hamadi Jébali, chef du gouvernement provisoire avait annoncé que le gouvernement va élaborer un projet de loi relatif à l'Instance Supérieure Indépendante pour les Elections (ISIE) et le soumettra à la Constituante. Tout en observant qu'il n'existe aucune légitimité, autre que celle de la Constituante “sauf si cette dernière décide de confier au gouvernement le choix de cette instance”. Un projet de loi de 31 articles présenté et prêté au Gouvernement fait le tour des réseaux sociaux et alimente en conséquence les débats. Tout en tenant compte des réserves d'usage et en attendant que le Gouvernement présente officiellement son projet, le texte actuel mérite le détour. L'Instance Nationale Indépendante des Elections (INIE) qui sera une entité juridique bénéficiant de l'autonomie financière sera chargée d'organiser et de diriger les élections et les référendums dans toutes leurs étapes. Elle sera composée d'un conseil dirigeant et d'une structure exécutive. Le conseil est formé de sept membres proposés par une commission spéciale désignée par l'assemblée chargée du pouvoir législatif, c'est-à-dire la Constituante, dans l'étape actuelle. Cette commission spéciale sera composée par des représentants des différents groupes les plus représentatifs. Le rapporteur de la commission serait le membre le plus jeune. Chaque groupe a le droit de présenter au maximum deux candidats qui répondent aux conditions requises. La commission délibère à propos des candidatures. Elle choisit dix candidats sur la base du consensus, à défaut, il sera procédé au vote. Le président de la commission présente la liste des dix candidats classés selon l'ordre alphabétique à la plénière de la Constituante. Sept seront retenus et choisis selon le vote secret, par la majorité des voix. Le vote se fait sur les noms. Chaque élu choisit sept noms de la liste des candidats. Les candidats seront classés par ordre décroissant des voix obtenues. En cas de non obtention de la majorité absolue, le vote sera refait. Le président de l'Instance sera celui qui aura obtenu le nombre le plus élevé de voix. Il sera suivi par les 6 autres membres. Pour être candidat, il faut être électeur, âgé au moins de 35 ans et connu pour sa probité. Ainsi si la Troïka au pouvoir s'entend sur certains noms, elle déterminera la composition de cette Instance. Le président et les membres de l'Instance seront désignés pour une durée, non renouvelable de 8 ans, par un décret républicain (présidentiel). Ils prêteront serment devant le Chef d'Etat. Trois des membres de l'Instance seront remplacés au bout de quatre ans. Les trois autres et le président seront remplacés au bout de la huitième année. Pour le premier mandat, il sera procédé à un tirage au sort à la fin de la quatrième année. Le président et les membres de l'Instance doivent être neutres et doivent s'en tenir à l'obligation de réserve, garder le secret professionnel et se consacrer à plein temps à leur mission au sein de l'Instance. Ils ne peuvent prétendre à aucune candidature ni à aucune élection pendant l'exercice de leurs fonctions et cinq ans après. Aucun conflit d'intérêt ne doit exister entre leur activité au sein de l'Instance et ailleurs, Ils bénéficient d'une immunité qui ne peut être levée que par le pouvoir législatif. Cette Instance prendra en charge toutes les opérations se rapportant aux élections et aux référendums. On lui confiera la tenue du registre des électeurs qu'elle actualisera en collaboration avec les administrations publiques concernées. Elle délimite les circonscriptions électorales et les modifie en cas de besoin. Elle arrête les listes électorales, reçoit les oppositions les concernant et fixe le calendrier des élections et des référendums. Elle leur fait la publicité nécessaire et assure le contrôle de leur déroulement. Elle réceptionne les dossiers de candidatures, garantit l'égalité entre les électeurs, les candidats et les différents intervenants. Elle fait le décompte des voix et annonce les résultats. Pour ce faire, elle met en place les moyens logistiques, organisationnels, administratifs et de contrôle nécessaires pour garantir la transparence des élections. Un code de bonne conduite sera mis en place. Un directeur exécutif sera désigné pour s'occuper des aspects administratifs, financiers et techniques. Le Doyen Sadok Bellaïd affirme que « ce texte illustre une pratique constante du Gouvernement de tout fausser et de mettre en place une nouvelle législation et ses hommes. Cette Instance va remplacer l'ISIE qu'on a enterrée sans fleurs ni couronnes. On l'a laissée en suspens longtemps sans reconnaissance des œuvres accomplis. Seul l'article 31 mentionne l'ISIE pour l'appeler à transférer ses documents à la nouvelle instance ». Il pense que ce texte n'est pas meilleur que l'ancien. « Il y a une volonté de se passer de l'ancien personnel pour le remplacer par un autre fidèle au Gouvernement. Pour faire passer le stratagème, on reprendra quelques uns du personnel secondaire. Il n'y aura ni Jendoubi, ni quelqu'un d'autre d'important. La chose est louche. D'autre part parmi les sept personnes qui composeront cette Instance, on peut trouver des artistes, des analphabètes, des footballeurs…Il suffit qu'ils soient électeurs, âgés de plus de 35 ans et connus pour leur probité. On va baisser le niveau de recrutement pour faire passer des fidèles. La commission qui va les recruter est déjà constituée de personnes qui ont un parti pris politique. La commission sera une image de l'équilibre actuel entre les groupes de la Constituante. Par ailleurs, les articles 22 à 30 concernent le Directeur exécutif. Il est désigné par le président de l'Instance électorale, proche d'Ennahdha. Il sera lui-même suggéré par Ennahdha. Il a de grandes compétences. Il assiste aux réunions et a le droit d'avoir un avis. C'est un administratif qui a un pouvoir d'influence. Il va se mêler de compétences qui ne lui reviennent pas ». Non seulement le président sera un proche d'Ennahdha, il sera aussi dominé par le Directeur exécutif. Le Doyen affirme que « l'indépendance et la démocratie tombent dans l'eau. On veut installer une instance à l'œil d'Ennahdha. S'ils voulaient l'indépendance, ils auraient pu commencer par la critique de l'ISIE sans remettre en cause son existence ». Sadok Belaïd tranche : « Ils chassent les gens installés pour placer les leurs ». Hassine BOUAZRA Mouradf sihem andalib