Par Khaled Guezmir - Disons-le, tout d'abord, que la meilleure justice est celle qui est laissée à la discrétion des juges. Plus il y a d'interférences et d'intervenants dans ce domaine, oh combien « vaseux » et compliqué, et plus il y a risque d'erreurs et finalement d'injustices. Les gens oublient souvent que la justice est en fait un domaine de haute technicité et de haut savoir, juridique et autre, auxquels il faut ajouter la nécessité pour les professionnels du secteur d'avoir de très bonnes connaissances psycho-sociologiques et un sens développé de la modération et de la neutralité. N'est pas juge qui veut, et par les temps qui courent, tous les acteurs sociaux et politiques se sont trouvé des qualités de « juristes » confirmés alors qu'ils n'ont pas suivi un seul cours de droit à la Faculté ! De mon temps on avait un respect presque religieux pour nos maîtres en la matière et qui, parmi nous, osait élever la voix devant des sommités comme Georges Vedel, Maurice Duverger, Fadhel Ben Achour, Mustapha Abdessalem, René Chapus, Mlle Delagrange ou Henri Dravasa ! Il fallait user bien des culottes à la bibliothèque avec des « Dalloz » pesant des tonnes pour arriver à commenter un arrêt de jurisprudence où esquisser une critique d'une théorie doctrinale confirmée. C'est drôle comme la prétention accompagne l'analphabétisme juridique de pas mal de « contestataires » agissant en eau trouble pour assouvir des vengeances ou enflammer des passions ! Les gens qui critiquent à tort et à travers, M. Samir Dilou, ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle devraient nous donner la recette magique pour que la justice apaisée et sereine puisse donner réparation à des victimes qui ont subi pas seulement des actes d'agression qu'il faut aussi prouver, mais aussi des dommages matériels et moraux accumulés sur plus d'un demi-siècle, alors qu'il y a des prescriptions et des lois qui ne peuvent s'appliquer rétroactivement. Il faut que tout le monde comprenne que le recours à l'indemnisation et à un certain pragmatisme fait partie aussi de la bonne justice. Ceci ne doit pas empêcher d'appliquer les lois pénales à ceux qui ont du sang sur les mains, mais sans précipitation expéditive ni volonté de punir pour punir ! Il y a des procédures et les juges comme les avocats les connaissent parfaitement. Il faut tout simplement les laisser travailler dans la sérénité totale. Par ailleurs, ceux qui critiquent, aujourd'hui « l'éthique » de « l'arrangement », ne savent pas que l'arbitrage et le compromis ont existé du temps de l'Empereur Darius (Le Perse) et d'Alexandre le conquérant. La période islamique a aussi ses jurisprudences en la matière et elles sont très humaines et très apaisantes. En fait, tout dépend de ce qu'on attend de la Justice transitionnelle : plus de fractures, de brisures, de malheurs et de hontes pour des familles tunisiennes, ou permettre ce repentir honorable la réparation juste et aller de l'avant pour rebâtir la solidarité nationale. Le pragmatisme qui est décrié au nom des « principes » est finalement, la meilleure thérapie pour les maladies humaines qu'elles quelles soient. Comme le Premier ministre Si Hamadi Jebali qui à justice titre disait récemment que les « salafistes » ne sont pas des « Marsiens » mais des terrestres tunisiens, disons aussi que les « criminels » de l'ancien régime et les « corrompus » ne nous viennent pas de Jupiter mais de Tunisie, eux aussi. Je terminerai par cet adage bien de chez nous et qui résume ce que nous sommes tous à savoir des êtres humains imparfaits et capables d'erreurs : « Oummouna mouachma… Hadhika oummouna » ! (Notre mère est tatouée… mais c'est notre mère). Apprendre à pardonner c'est aussi être proche de Dieu !