• Manque de visibilité politique • « Nos responsables ne savent même pas de quoi il s'agit », s'écrie Abdeljélil Bédoui L'Agence de notation Standard and Poor's (SP) vient d'annoncer avoir abaissé de deux crans la note de la dette à long terme de la Tunisie à BB, reléguant ainsi le pays en le pourfendant dans la catégorie des emprunteurs spéculatifs, selon un communiqué. La note est assortie d'une perspective stable, ce qui signifie que l'agence n'est pas prête à la modifier à l'heure actuelle. D'autre part SP va plus loin encore, pour dire que le gouvernement de transition, en place depuis décembre 2011, n'est pas en mesure de redresser convenablement la situation économique dans le pays. L'Agence Fitch va dans le même sens, en émettant une note peu encourageante et qui ne pousse pas à l'optimisme. Que doit-on conclure d'une analyse aussi alarmante ? Quelles en sont les répercussions sur le pays ? Comment sortir du tunnel ?
Malgré une période d'accalmie et de consensus depuis le départ autour du président déchu en janvier 2011, l'agence Standard and Poor's (SP) pense que les incertitudes vont persister quant à la politique menée à moyen terme.
Autre son de cloche de la part du Gouvernement, Houcine Dimassi, ministre des Finances, avait déclaré à l'agence TAP qu' « il ne s'attendait pas à une telle baisse », relevant que cette régression de la note de la Tunisie n'est pas fondée sur des critères objectifs. « La décision d'abaisser la note de la dette à long terme de la Tunisie par SP est basée en grande partie sur des critères relatifs à la faible visibilité politique », a-t-il ajouté. Il a précisé, à ce sujet, que « certains indicateurs économiques du pays, enregistrés au cours des premiers mois de 2012, ont connu une évolution remarquable, par rapport à la même période de l'année écoulée ». Cette relance, a-t-il poursuivi, a touché plusieurs secteurs économiques, citant entre autres le secteur agricole, l'investissement et le tourisme.
Abdejlil Bédoui, vice-président de la Voie Démocratique et Sociale (VDS), universitaire et économiste a déclaré au Temps que « la dégradation de la note souveraine de la Tunisie est attendue suite à une dégradation de tous les indicateurs économiques. Le plus grave est qu'il y a une perte de confiance. Le pays souffre de l'absence d'une vision claire de nature à prévenir et entrevoir l'avenir immédiat et lointain ». Il étaye, comme une des manifestations de cette absence de visibilité, les contradictions entre les deux têtes de l'Exécutif, étalées à tout bout de champ. « Ceux qui sont au pouvoir sont en train de faire des choses non conformes à la réalité économique du pays, comme l'indemnisation des anciens prisonniers pour la somme de 750 millions de dinars. Le Gouvernement est pléthorique avec ses 81 ministres ». L'économiste déplore l'irresponsabilité du pouvoir en place. L'hétérogénéité s'ajoute aux conflits publics. « En plus dans les choix économiques de la loi de Finances, la première ainsi que la complémentaire, il n 'y a rien d'encourageant », affirme l'économiste.
Quelles seront les conséquences de cette dégradation sur la Tunisie ?
Abdeljélil Bédoui, précise : « nos possibilités d'accès à la finance internationale vont être très limitées. Et même, lorsqu'on sera amené à contracter des prêts sur le marché financier international, ce sera autrement assujetti à des conditions draconiennes en termes de taux d'intérêt et de délais de remboursement et de grâce. En plus la dette déjà contractée ne fera qu'engluer encore davantage les empreints conclus à des taux variables. Cette dégradation ne peut qu'effaroucher les investisseurs étrangers ».
L'économiste rappelle que cette dégradation provient dans un contexte de « situation sociale instable ». D'ailleurs le maintien d'une note favorable devient un objectif politique comme l'avait fait l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour conserver le triple A. Malheureusement pour lui, la dégradation de la note de la France a eu lieu à la fin de son règne. Il l'a payé cash aux élections présidentielles.
La baisse de la notation est un signal très fort de la décrépitude de la situation politique et socio-économique du pays.
En Tunisie, déplore Abeljelil Bédoui, « nos responsables ne savent même pas de quoi il s'agit surtout pour une économie d'endettement, même si son taux d'endettement n'est pas aussi grave que celui de la Grèce ».
Comment reconquérir la confiance ?
Il faut donner des signaux forts qui laisseraient comprendre que la Tunisie est capable de relancer l'activité économique et retrouver la paix sociale.
Il est certain que la mise en place d'une feuille de route claire quant aux échéances électorales et celle de l'achèvement des travaux de rédaction de la Constitution est de nature à faire dissiper le brouillard qui bloque la vision des investisseurs, qu'ils soient Tunisiens ou étrangers. Il faudra accélérer la mise en place des législations organisant la vie politique du pays, comme l'activation des décrets 115 et 116 concernant la presse écrite et audio-visuelle, la loi sur les partis, le Conseil supérieur de la justice, l'Instance supérieurs des élections…