La dernière notation de la «Standard and Poor's» a fait basculer la Tunisie d'un « grade » pour en faire une destination plus risquée pour l'investissement extérieur ! Jusque-là rien n'est moins prévisible qu'une telle « sanction » au vu de l'instabilité économique et politique qui a caractérisé le pays depuis les élections du 23 octobre dernier. On a beau être optimiste, les images ne trompent pas et chaque jour a son lot de grèves, de manifs, de sit-in, d'occupations sauvages des lieux de travail et surtout d'atteinte à tous les symboles de l'Etat et sa souveraineté surtout dans les régions où les gouverneurs deviennent les otages de l'impuissance à tous les niveaux.
Mais ce qui est encore plus inquiétant c'est l'attitude de certaines parties « officieuses » qui au lieu de prendre acte avec philosophie de ce genre de « mise en garde » et de rectifier la politique aussi bien économique et stratégique que politicienne, s'attardent encore à chanter les disques rayés de Ben Ali : « Ces agences ont des objectifs politiques pour déstabiliser l'actuel gouvernement… ! ».
De là à affirmer que la « Standard and Poor's » n'est en fait qu'un parti d'opposition tunisien, il n'y a qu'un pas ! C'est non seulement ridicule mais ce genre de désinformation est bien piteux car leurs auteurs ne veulent pas comprendre une fois pour toute que ça ne passe plus !
En vérité la Tunisie en ce moment va mal, mais cela ne veut pas dire que tout est désespéré et qu'une reprise réelle avec une remontée économique n'est pas possible. Je dirai même le contraire, l'économie est capable d'un véritable sursaut si la politique le veut bien !
Par conséquent ces agences internationales qui nous observent avec les yeux du lynx et qui ne sont pas forcément nos ennemies, non seulement elles voient juste quand elles appellent à un rééquilibrage politique mais leur attitude peut pousser les décideurs à se remettre en question pour repartir de l'avant et s'attaquer aux vrais problèmes. Nous l'avons dit à plusieurs reprises sur ces colonnes que le gouvernement a perdu énormément de temps dans la « mobilisation » politique au détriment de l'économie !
Cette mobilisation a d'ailleurs exaspéré la revendication sociale et régionale qui ne se sent pas concernée par les conflits religieux et idéologiques. Elle a observé avec beaucoup de frustration et d'amertume ce déluge de prédicateurs d'Orient qui ne sont pas venus leur offrir du travail, des usines, des routes et des barrages, mais une fissuration culturelle et identitaire du pays comme prélude à une véritable cassure et brisure de l'Etat moderne et tous ses acquis depuis les Hafsides.
La volonté affichée par les partis religieux dominant le gouvernement de ce pays a été d'opérer une certaine accélération vers le changement du modèle culturel et identitaire et d'instaurer un nouvel Etat « islamique » au détriment de l'Etat moderne.
Et contrairement aux apparences c'est tout l'opposé de la démarche Turque que beaucoup de leaders islamistes en Tunisie proposent comme « modèle » à suivre.
MM. Erdogan et Abdullah Guël, chefs du Parti islamiste modéré en Turquie ont pris le pouvoir comme la « Nahdha » chez nous aujourd'hui, après une élection démocratique avec les normes et les valeurs de l'occident démocratique, mais ils ne sont pas allés en croisade pour réhabiliter le « Califat » ni les structures désuètes anciennes.
Ils ont conservé tout le «Kémalisme» démocratique et nationaliste moderne ( avec séparation de l'Etat et du religieux), ils n'ont pas touché le système éducatif orienté vers les progrès techniques et les sciences, et ils ont foncé sur l'essentiel à savoir l'économie. Résultat un pays prospère libre où chacun trouve sa place et sa vocation. Les nombreux Tunisiennes et Tunisiens qui visitent la Turquie, sont aujourd'hui étonnés par la tolérance religieuse, dans ce pays. A la limite il n'y a pas de « question islamique » en Turquie et leur principal souci en ce moment c'est l'adhésion retardée à l'Union européenne et non le Salafisme le jihadisime, le habchisme, le wahabisme, le chiisme, et tout ce « Bazar » qui a élu domicile en Tunisie avec cette malédiction orientale qui nous colle à la peau depuis que les prédicateurs de l'orient satellitaire ont pris d'assaut le ciel médiatique arabe et musulman.
En Turquie ce qui est dominant à la limite c'est «l'indifférence religieuse », (Lakom dinoukom…wa liya dini), alors que dans notre pays on s'est rappelé maintenant que la « Zitouna » peut aussi enseigner la médecine, sans se demander comment, dans quels locaux, avec quels professeurs et quelles technologies. On aurait pu prétendre améliorer les études de l'Université ( moderne) de la Zitouna…possible et louable mais vouloir à travers la nouvelle «Zitouna» déstructurer l'enseignement moderne tunisien le modèle sadikien et nous réinstaller au moyen âge, même Ibn Khaldoun aurait crié au scandale !
C'est dire l'énorme dérive qui s'installe dans ce pays dans un but cette fois purement politique : Faire revenir ce pays à l'âge de la pierre taillée, en faisant un trait sur tous ses acquis modernistes, rationalistes et de développement culturel depuis Carthage. L'espoir c'est de voir la raison triompher à nouveau dans ce pays sur la passion. Les leaders d'Ennahdha et ses satellites ne savent peut être pas qu'en accueillant si chaleureusement les prédicateurs de l'Orient obscurantiste, il ne font que détruire le socle de leur légitimité présente et à venir. Leur avenir c'est la Tunisie moderne, qui regarde vers le monde qui compte qui vit au rythme de la terre, celui des sciences et des techniques, et qui aspire à une démocratie rationaliste et modérée sans charlatanisme ni excès identitaire ou religieux.
Demandez aux Chinois et avant eux aux Japonais ce qu'ils ont fait pour arriver au stade où ils sont aujourd'hui, et ils vous diront qu'ils ont établi une stratégie pour former des milliers d'étudiants et de cadres dans les universités américaines et européennes après la 2ème guerre mondiale. Leur «Zitouna» était Harvard, Stanford, Berkley, Cambridge, Oxford et la Sorbonne !
Depuis les Chinois et les Japonais ont acquis la maîtrise technologique et avec elle les moyens de la puissance qui peut un jour supplanter l'occident lui même.
Oh Dieu faites que nos gouvernants le comprennent “wa innaka la tahdi man ahababta lakinna allaha yahdi man yacha” !