La conférence fort remarquée sur la grandeur et les illusions de la renaissance arabe et islamique (nahdha), durant les deux derniers siècles, donnée, vendredi 25 mai, au collège international de philosophie de Tunis, devant un aérophage d'intellectuels et de personnalités politiques et culturelles, par le professeur Abdelaziz Kacem et dont le lecteur peut trouver une synthèse fidèle dans le supplément du «Temps» du samedi 26 mai, n'est pas sortie des sentiers battus, estiment des commentateurs, en dépit des changements démocratiques et des bouleversements connus, dernièrement, par les pays arabes, et en têt la Tunisie.
Selon ces commentateurs, l'Islam qui triomphe politiquement et accède, partout, au pouvoir, dans les pays arabes et islamiques par le biais de scrutins absolument démocratiques, est désigné, toujours, par les intellectuels arabes et tunisiens «progressistes'' comme étant la principale cause des «échecs» essuyés par le monde arabe et islamique dans la voie de l'assimilation des acquis du progrès et de la modernité.
Il est vrai que l'Islam est accusé sous le vocable d'islamisme'', c'est-à-dire la pratique de l'action politique au nom de l'Islam et de la religion, note un commentateur signalant que justement les régimes tyranniques arabes balayés par les récentes Révolutions arabes,avaient fait de ce concept d'islamisme un prétexte pour réprimer les mouvements d'opposition d'obédience islamique, en arguant que la religion ne peut pas et ne doit pas servir d'idéologie politique et inspirer l'action politique et il est étonnant que les législations post révolutionnaires en Tunisie et en Libye, entre autres, continuent d'adhérer à ce choix.
Le même commentateur a fait remarquer que Mr Abdelaziz Kacem a reconnu que l'Occident a cherché, souvent, à manipuler l'Islam et les pays arabes et islamiques au service de ses intérêts particuliers, comme dans sa lutte contre le communisme. Mais, ne faut-il pas généraliser cette velléité de manipulation à toute l'œuvre de dénigrement de l'Islam, a-t-il dit.
A cet égard, un autre commentateur a déclaré avoir été étonné des qualificatifs désobligeants et blessant portés, dans la conférence, à l'encontre de certains grands savants et réformateurs de l'Islam, du courant sunnite, comme l'imam Ahmed Ben Hanbel, ou encore le savant Ibn Tayimia et le réformateur Mohamed Ben Abdelwahab qui ont accepté, pourtant, tous les trois, de subir toutes sortes d'épreuves et d'humiliations, y compris l'emprisonnement, pour défendre leurs idées et leurs opinions. Avoir le courage de ses opinions est toujours noble.
Or, a-t-il souligné, ces trois savants, donnés à tort comme étant les maitres à penser des fondamentalistes islamiques ou salafistes, de notre époque, avaient cherché, à leur manière, d'épurer l'Islam de beaucoup d'éléments étrangers qui l'avaient entaché, selon eux.
Le conférencier a appelé, d'ailleurs, dans sa communication, à expurger l'Islam des interprétations déplacées qui l'ont défiguré, comme moyen propre à consolider la renaissance arabe et islamique. C'était aussi la démarche des grands réformateurs musulmans de la renaissance, au 19ème siècle et au début du 20ème siècle, à l'instar de Abdelaziz Thâalbi, en Tunisie, Mohamed Abdou , en Egypte et Jamaleddine Al Afghani, de l'Afghanistan, qui avaient appelé à épurer l'Islam des superstitions'' qui l'ont dénaturé, comme la croyance aux marabouts, et pourtant ils n'avaient aucun rapport avec le wahabisme dont le fondateur Mohamed Ben Abdelwahab préconisa, au début du 19ème siècle, des épurations similaires. A son époque, l'Islam avait viré, dans certains cas, à l'adoration des arbres en Arabie saoudite, où ce réformateur apparut, et en Afrique du Nord, pour ne citer que ces deux exemples. Au-delà des nuances, l'action de tous ces savants et réformateurs qui avaient vécu à des époques différentes, était placée sous le signe de la lutte contre l'ignorance (el jahl en arabe) et c'était l'essence de la révélation coranique.
Dans cet esprit, un autre commentateur est d'avis qu'après les changements démocratiques, les pays arabes et islamiques sont, aujourd'hui, sur la bonne voie et que parler encore d'échecs'' de la renaissance arabe, et de ‘'décadence arabe'' relève du masochisme.