Le Printemps des arts s'est transformé dimanche 10 juin dernier en Automne des arts. Un Palais El Abdellia attaqué, des œuvres vandalisées par des obscurantistes dits salafistes qui, au lieu d'exprimer leurs points de vue par le biais de la création, utilisent la violence à tout va. Le passage à l'acte est contre le principe même de la démocratie qui prône le dialogue, la liberté et l'acception de l'autre. Il est décevant de remarquer que la révolution du 14 janvier a chassé un dictateur pour générer un islamisme rétrograde et stérile.
Le pouvoir en place actuellement laisse faire sans crier gare connaissant parfaitement les conséquences de ces violences parce qu'elles ne sont pas lesz premières du genre. Mieux, on incrimine les artistes pour avoir profané des symboles sacrés de l'islam en proposant des œuvres iconoclastes. Une opération d'intimidation visant des artistes dont certains ont même été menacés de mort. Ces vandales qui sèment la terreur et la peur chez les gens bénéficient de traitement de faveur de la part des responsables du gouvernement. Ce sont « nos enfants » et on ne peut pas les maltraiter affirment ces derniers au lieu de les corriger.
L'art ne saurait supporter une telle situation. Car ce qui se profile, c'est le retour à la censure et à l'autocensure. Pourquoi tant d'agressivité autour des expressions artistiques ? Pourquoi prendre au pied de la lettre des œuvres qui ne représentent en fin de compte que le point de vue de celui qui les a réalisées ? La religion serait-elle un thème tabou comme était la corruption sous le régime du président déchu ? Pourquoi ne pas interroger la religion sous un angle artistique ? Ce qui s'est passé est grave parce qu'il tire l'art en arrière et tente de saborder l'imaginaire des artistes, mais aussi des penseurs et des créateurs. Récemment, le cinéma et le théâtre étaient visés, aujourd'hui les arts plastiques et demain, qui sait, la littérature.
L'art, faut-il encore le rappeler, est transgression des codes, des idées reçues sinon il reste conforme et sans attrait. Or, on a le sentiment que ce qui se passe actuellement consiste en l'institution d'un contrôle de plus en plus significatif. Car comment expliquer que des responsables disent oui à la liberté mais en imposent des limites. La liberté de penser et de créer n'a pas de limites, c'est ce qu'il faut comprendre sinon c'est le retour de la pensée unique. Dans l'art comme dans toute autre forme d'expression, l'objectivité n'existe pas. Il n'y a que de la subjectivité qui autorise, s'il en est, la subversion. L'art ne peut progresser qu'en remettant en question certaines valeurs.
Si une simple exposition a provoqué tant d'indignation et provoqué des incidents qui ont mis le pays à feu et à sang, c'est que la chose artistique est importante et doit être prise au sérieux. En tous les cas, cette exposition fera date car elle a permis de créer l'événement alors que celle de l'UAPT ne fait que reproduire les mêmes codes plastiques et les mêmes représentations.