Depuis que les salafistes font parler d'eux, aucune position ferme n'a été enregistrée du côté du parti Ennahdha ou du gouvernement Jbali. Les condamnations sont toujours suivies d'excuses trouvées aux agissements et actes commis par cette frange de la mouvance islamiste. Dans les faits ce sont les autres qui sont des fautifs, c'est-à-dire, les modernistes qu'on dénomme sciemment laïcs (synonymes de mécréants pour les islamistes). De la Manouba en passant par Sejnane, Jendouba, le cinéma Africa , le grand théâtre, Sousse, la Marsa, l'horloge, les agressions multiples dont sont victimes des Tunisiennes et des Tunisiens et dernièrement la déferlante de violence qui s'est abattue sur Tunis et sa banlieue ainsi que d'autres cités du pays, les Nahdhaouis, au parti comme au gouvernement, ont tout fait pour minimiser ces actes ou de leur trouver des explications qui sont en contradiction avec la réalité. Pour le parti Ennahdha, qui est en pleine campagne électorale, cela peut se comprendre, s'il cherche à récupérer ces salafistes pour en faire une force d'appoint en prévision de la prochaine échéance électorale (si, toutefois, cette dernière puisse avoir lieu). Mais du côté du gouvernement, ceci est inadmissible. Il est appelé à assumer la charge dont il est investie avec responsabilité, loin des calculs électoraux et des affinités idéologiques. Le présent et l'avenir du peuple tunisien ne peuvent être pris en otage par cette soi-disante légitimité qui n'en est pas une d'ailleurs, car nous sommes encore dans une période de transition et la révolution n'est pas encore finie. Faire l'amalgame et user du double-langage de la part du gouvernement c'est faire preuve d'une grande méprise à l'égard du peuple et du pays. Dans un Etat de droit il n'y a pas de place aux sentiments et aux affinités idéologiques. La loi est faite pour être respectée par tous et appliquée à l'égard de tous. Dans un Etat de droit on ne peut et on ne doit en aucun cas se faire justice par soi-même, quels que soient les griefs ou les motifs. Ceci étant, Ennahdha en tant que parti et pas la voix de son président excelle dans l'amalgame ce qui ne manque pas de jeter le trouble dans les esprits avec tout ce que cela implique comme incertitude et inquiétudes chez les Tunisiens quant à la nature de l'Etat. Ce dernier sera-t-il civil ou religieux ? La question en dépit des assurances de la Constituante n'est pas tranchée. Les tenants et les aboutissants sont en réalité entre les mains de M. Ghannouchi. Lors d'une entrevue télévisée à la suite des événements du début de semaine, il a affirmé que « l'Etat tunisien est un Etat islamique, selon l'article premier de la Constituante et cela fait l'unanimité de tous.... » ! Un message adressé aux « enfants salafistes », cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Cette lecture du premier article de la Constitution donne le ton de ce que sera la Tunisie si le parti Ennahdha se maintienne au pouvoir. Un Etat religieux où la liste des interdits ne connaîtra aucune limite avec les interprétations que l'on fera de la religion. Et c'est là où réside le malentendu entre les Salafistes et Ennahdha Ce dernier privilégie les étapes pour y arriver, alors que les premiers sont impatients et veulent à tout prix et sans retard instaurer l'Etat religieux promis. Tout le danger qui guette le pays se résume en cette idée ancrée dans les esprits de ceux qui dirigent le parti majoritaire à la Constituante et qui sont en même temps, les détenteurs du pouvoir politique. Il est, par conséquent, clair qu'au sein d'Ennahdha, on comprend bien le souci des salafistes, mais ces derniers tardent à déchiffrer le message du parti au pouvoir, d'où le malentendu apparent, qui finira par se dissiper un jour ou l'autre dans la mesure où on œuvre pour un même objectif.