L'association Lam Echaml a organisé samedi dernier un colloque à l'hôtel el Mechtel sur le thème : Liberté d'expression, régulation des médias et nouvelle Constitution. Quatre ateliers se sont succédé avec les panels suivants : -La liberté de la presse
-Accès à l'information, et libre circulation
-Vocation et statut des médias publics
-Ethique et déontologie
Nous aborderons donc ces thèmes un à un, pour vous faire part des avis des différents participants à ce colloque, dont notamment des juristes, des professeurs universitaires, et des journalistes appartenant aussi bien aux médias écrits qu'aux médias audiovisuels.
Notons que des représentants de médias étrangers ont également participé à ce colloque tels que Olivia Gré chef de mission de « Reporters sans frontière » en Tunisie ou Taoufik Mjaied journaliste à France 24
Evidemment, et comme l'a souligné Tarek Mahdaoui,trésorier de l'association précitée, les rapports et les recommandations auxquels ont abouti ces ateliers seront transmis à la Commission des Droits et des Libertés de l'Assemblée Constituante.
La liberté de la presse :
« Le droit de dire et d'imprimer ce que nous pensons est le droit de tout homme libre, dont on ne saurait le priver sans exercer la tyrannie la plus odieuse ».
Cette citation de Voltaire, écrivain et penseur français du siècle des lumières (18ème) est toujours à l'honneur, au 21ème siècle, celui de la mondialisation et de la cybernétique.
C'est que la liberté de la presse est le corollaire de la liberté d'expression, comme l'est cette dernière par rapport à la liberté de pensée.
Cela dit, et comme l'affirme à juste titre Kant, la liberté de s'exprimer peut nous être ôtée par une autorité, la liberté de pensée est rattachée à la liberté de conscience. Et Emmanuel Kant d'ajouter :
« C'est là ce qui se passe lorsqu'en matière de religion, en dehors de toute contrainte extérieure, des citoyens se posent en tuteurs à l'égard d'autres citoyens.... »
C'est ce qui a toujours affecté cette liberté de conscience depuis les tensions entre les sectes religieuses et cela est valable notamment pour toutes les religions révélées dont l'Islam.
Les libres penseurs, tels que les Mutazilites ont été traités de mécréants, et ont subi durant plusieurs années, les pires exactions, alors qu'ils étaient des musulmans adeptes de la liberté de pensée, et faisaient appel à la raison dans l'interprétation des préceptes musulmans selon le Saint Coran.
Certes le facteur politique, est pour beaucoup dans les réactions de certains théologiens, qui s'érigeaient en parfaits connaisseurs de la religion et se permettaient à ce titre de traiter de mécréants, tous ceux qui n'épousaient pas leurs points de vue. C'est ce qui a d'ailleurs attisé le feu de la Fitna, la grande discorde, laquelle a généré des catastrophes dont on n'a pas fini de subir les conséquences, jusqu'à nos jours, dans tout le monde musulman.
En Tunisie, ce phénomène est devenu de plus en plus flagrant, hélas, après la Révolution, alors qu'il a été mis fin au pouvoir d'un dictateur qui a tout fait pour porter atteinte à liberté d'expression par tous les moyens.
A l'heure où les constituants sont en train d'ériger une nouvelle constitution, il est opportun, de veiller à ce que le principe de la liberté d'expression y soit consacré.
C'est autour de ce thème que les intervenants, qui ont participé au débat au sein de cet atelier de travail organisé par l'association Lam Echaml, ont apporté leurs observations et suggestions. Cela dit ils ont été unanimes à penser qu'il y a actuellement des atteintes à la liberté d'expression tous azimuts.
-Olivia Gré chef de mission de « Reporters sans Frontière » en Tunisie, a affirmé qu'on assiste de plus en plus à un retour de l'arsenal répressif contre la liberté d'expression.
Des journalistes s'exposent de plus en plus à des poursuites judiciaires, et certains d'entre eux sont même condamnés à des peines d'emprisonnement, pour des délits de droit commun, dont notamment le trouble à l'ordre public, en vertu du fameux art 121§3 du code pénal, a-t-elle fait remarquer.
A ce propos on se demande quand sera mis en application le nouveau décret-loi de la liberté de la presse, car pour le moment, plusieurs journalistes sont poursuivis en vertu du code pénal.
Olivia Gré a également souligné qu'il est important de mettre fin aux conflits internes des journalistes, constituant un obstacle à leur indépendance et à la liberté de la presse en général.
Elle ajouta qu'il est important de mettre en application l'article 19 du nouveau décret-loi précité, qui abolit la censure et garantit la liberté de l'information sous toutes ses formes et dans toutes ses structures privées et étatiques.
Il est important que la société civile, crée des coalitions avec des interlocuteurs valables qui vont sur le terrain afin de faire part des préoccupations de tous les concernés, quant à la liberté de la presse.
La liberté d'expression, principe constitutionnel intangible
Om Zied est intervenue pour faire remarquer que Ben Ali a violé la liberté d'expression et de la presse, malgré le fait que ce principe fût consacré par la Constitution de 1959. Il est donc important de se demander qui va élaborer la Constitution ? Bonne question, car il faut voir dans quel sens va l'intervention du pouvoir, et s'il répond ou non aux vœux du parti dominant,en l'occurrence le parti Ennahdha.
La Constitution qui est discutée actuellement devant la Constituante, semble être victime, pour cette raison, de plusieurs tergiversations et atermoiements, de nature à porter atteinte aux aspirations du peuple, a encore affirmé Om Zied.
On a l'impression qu'il y a un retour aux méthodes novembristes,dit-elle, tendant à éviter d'en venir au fait, par des questions subsidiaires et de peu d'importance. On continue à oublier le nouveau décret-loi sur la liberté de la presse pour s'égarer dans des questions subsidiaires comme le hijab ou le Niqab.
C'est aux journalistes de savoir s'organiser pour revendiquer l'application du nouveau décret-loi sur la liberté de la presse. Ils sont les premiers concernés à exiger que le principe de liberté de la presse soit consacré par la nouvelle Constitution, a-t-elle enfin souligné.
La consolidation du principe de la liberté de la presse est un principe qui fait partie des fondements du régime républicain, basés sur le respect des libertés individuelles et le refus de toute violence pour quelque motif que ce soit. Bref le respect de l'autre quelles que soient ses convictions et ses idées, pourvu qu'elles ne portent pas atteinte à la paix publique et aux droits d'autrui.
Ahmed NEMLAGHI *Demain, le deuxième atelier « Accès à l'information et libre circulation »