Néji Djelloul est professeur d'histoire et d'archéologie islamique à l'université de la Manouba. Notre interlocuteur nous explique, dans ce raccourci, la différence entre Charia et Fikh. « En réalité, il y a des différences fondamentales entre la Charia qui recèle une connotation divine et le fikh (jurisprudence) qui est une création humaine, n'ayant aucun caractère sacré. C'est en partie l'ancêtre du droit (qanun) dit « musulman », toujours, enseigné dans les facultés de sciences juridiques. » Toujours selon lui, le terme « charia » n'est cité qu'une seule fois dans le Coran, dans la sourate XLV, 18 (Al-Jathia, l'agenouillée) : « Nous t'avons mis sur une voie [Charia]. Suis là, ne suis pas les passions de ceux qui ne savent pas ». « Cette sourate, appelée aussi al-Dahr (la durée cosmique) est mecquoise et a trait à la croyance et non la législation. Cette voie (Charia) , étymologiquement « accès des troupeaux à un abreuvoir » est un chemin établi par Dieu. Il s'agit dans ce cas de ibadat (prière, jeûne, haj) et non pas de lois ou de pouvoir politique. Comme l'ont si bien montré des savants anciens tels que Jurjani ou Maqrizi. Dans le contexte coranique Dieu est Charii et non fakih, ce qui fait recouvrir à la Charia le sens de croyance (milla), d'où des usages comme Charia de Moussa (judaïsme), charia d'al-Masih (christianisme) et charia des Majus (religion Zorastrienne). Dans la première traduction arabe de l'Ancien Testament, attribuée à Yousif al-Fayyoimi (m. 933) charia est l'équivalent de Torah, c'est-à-dire les cinq premiers livres de la Bible. Ce sens de Charia -croyances religieuses- apparait clairement, aussi, dans plusieurs hadiths rapportés par Talha, Dhuman Ibn Thaalaba et Barbara (Boukhari, Tirmidhi, Ibn Hambal). »