Comparé aux jours ordinaires de l'année, ce premier jour de Ramadan a connu une affluence inhabituelle de marées humaines qui ont envahi les marchés municipaux et les centres commerciaux dans une sorte d'hystérie d'achat, comme à chaque début de Ramadan, marquée par cette boulimie de consommation chez la plupart des ménages tunisiens. Cette ambiance fiévreuse remarquée dans nos marchés municipaux et nos grandes surfaces va certainement s'atténuer avec les jours qui vont suivre et tout redeviendra normal, selon les dires des commerçants, habitués à ce genre de flopée de clients aux comportements immodérés. Le contrôle économique essaie, tant bien que mal, à intervenir. Cependant, certains commerçants parviennent à l'échapper belle, tant que certains consommateurs restent indifférents ou passifs !
Des irrégularités au niveau des prix
Une virée effectuée dans différents marchés de la banlieue sud (Hammam-Lif, Ezzahra et Radès) nous a révélé que la réalité des prix affichés sur les produits ne reflète pas, en grande partie, les déclarations officielles qui sont plutôt rassurantes quant à la stabilité des prix des fruits et des légumes qui tendent à la baisse en ce début du mois saint. Il est vrai que certains produits ont enregistré une baisse volumineuse, comme les tomates qui se vendent entre 400 et 500 millimes le kilo après avoir atteint le cap de 3200 millimes, il y a quelques semaines ; il en est de même pour les pommes de terre dont le kilo se stabilise à 750 millimes. Pourtant, le prix d'autres produits a connu une hausse vertigineuse du jour au lendemain, comme le persil, le céleri et le citron. En effet, une botte de persil se vend en ce premier jour du ramadan entre 500 et 600 millimes, idem pour le céleri, alors qu'à la veille, on les vendait entre 200 et 300 millimes. Vendues au prix du kilo, ces deux denrées ont atteint le cap de deux dinars, ce qui est trop accablant pour le consommateur. Le kilo de citron, produit très consommé en ce mois de jeûne, est vendu à 2,700 dinars et à plus de 3 dinars dans certains points de vente, alors qu'il ne dépassait pas les 1,700 dinars les jours précédents. D'autres produits ont enregistré une hausse légère en ce premier jour, tel que les salades, le radis, les betteraves, le concombre, les carottes et les choux. Du côté des fruits, on signale une certaine hausse dans les prix, notamment ceux des dattes, fruit bien apprécié en cette période de jeûne, qui dépassent de loin le prix autorisé officiellement ; il y en a qui se vendent à 5,800 dinars, d'autres à 6,500, mais aussi d'autres de moindre qualité entre 4 et 5 dinars. Le prix des autres fruits restent plus ou moins abordables, grâce à l'abondance des melons et des pastèques, quoique certains fruits affichent encore des prix un peu exorbitants (raisin, pommes, poires...), étant considérés comme des primeurs. Même les fruits importés restent inaccessibles.
Mais c'est surtout du côté des commerçants des viandes rouges et blanches que des anomalies ont pu être constatées. En effet, on vend le kilo de viande bovine chez certains bouchers à 17 dinars le kilo et à 15 dinars le kilo de la viande de mouton, soi-disant que c'est une production nationale et pas de l'importation ! Le prix du kilo des poulets et de dinde semblent flamber à leur tour, étant vendus moins cher la veille du ramadan. Du côté du marché des poissons, la tendance est également à la hausse, même les sardines, vendues généralement à des prix raisonnables, ont atteint le cap de 2,500 dinars. Les autres espèces les plus appréciées restent inabordables pour les bourses modestes de la plupart des ménages tunisiens, en cette fin de mois et en l'absence de toute augmentation de salaire, sachant que les derniers accords en matière de salaire ne sont pas encore entrés en vigueur !
Parfois, le contrôle ne suffit pas
Nous avons constaté des agents de contrôle en train d'accomplir leur tâche en vérifiant les quittances auprès de certains marchands de légumes et de fruits, ce qui est un réconfort pour les consommateurs qui demandent qu'on applique la loi à tous les contrevenants. Mais sans doute, les commerçants ont toujours leurs stratagèmes pour contourner les règlements en vigueur. Et puis, les contrôleurs ne sauraient être en un et en tous lieux, d'autant plus que leur arrivée au marché est aussitôt signalée par téléphone portable utilisé par les commerçants pour se communiquer entre eux et prendre leurs précautions. Où sont les consommateurs dans tout cet imbroglio ? Tout simplement, ils achètent tout en rouspétant, sans pour autant oser s'adresser à ces agents municipaux de contrôle économique pour leur signaler une quelconque infraction !Ce qui est paradoxal, certains font leurs achats sans se donner la peine de discuter une anomalie au niveau des prix ou de la qualité, leur seul souci étant d'être bien servi par tel ou tel commerçant, quoiqu'ils sachent qu'ils viennent d'être arnaqués ! Les marchands sont alors encouragés par ce comportement égoïste et peu coopératif de la part de certains consommateurs. Les contrôleurs des prix ne peuvent pas effectuer leur mission et protéger les consommateurs d'éventuelles hausses illicites, d'escroqueries ou des manœuvres spéculatives qui se multiplient généralement en ce mois saint. En l'absence totale d'un organisme de défense des droits des consommateurs (l'ODC, affaiblie depuis deux ans, n'est pas en mesure de venir en aide aux consommateurs !), ce sont ces derniers qui doivent prendre les choses en main. Il serait aberrant de leur demander de boycotter tous les produits chers, afin que les prix chutent et le marché se régularise, comme il est de coutume dans plusieurs pays dans le monde, c'est que le Tunisien ne lésine pas sur les dépenses du ramadan, aussi futiles soient-elles ! Au rythme où vont les choses, ni les commerçants ne seront disposés à appliquer la loi, ni les consommateurs ne sont prêts à changer leur comportement en rationalisant leur consommation effrénée, ni les contrôleurs ne sont capables de faire leur travail, tant que les consommateurs ne sont pas coopératifs !