J'ai bien hésité avant de rédiger cette requête totalement citoyenne en apprenant que votre nomination allait être imminente, immédiatement après l'immolation sur l'autel des enjeux politiciens de M. Ennabli... J'ai bien hésité, ne tenant pas à être pour nos amis communs qui me liront un trouble fête, la fête de votre retour aux affaires après une si longue éclipse, si imméritée, sans aucun doute.
Mais, maintenant que je vous vois attendre la décision de ces mêmes politiciens de vous “ prendre “ (ou pas !), tout comme un novice, candidat à sa première embauche, je me sens mal en ma profonde estime pour vous. Et, quitte à n'attendre aucun répondant de cette adresse que j'ose vous faire parvenir sur ces colonnes, je ne résisterai pas au désir de vider mon sac sur un point qui vous concerne et dépasse au même temps votre mortelle personne.
Tout autour du retraité de l'enseignement supérieur que je suis, tous les soirs que ce Ramadan fait, je me trouve entouré de sept, huit, une dizaine parfois, de jeunes entre 25 et 30 ans, brillante pléiade de frais ingénieurs, commerciaux, diplômés de tous les secteurs des finances, monétaristes, experts en droits des affaires, etc. Pas tous à la recherche d'emplois ou fainéants, mais nul d'entre eux n'imagine, rêve ou envisage de décrocher le poste, le statut ou le rôle que vous avez occupé, ou tenu tant de fois dans votre carrière d'économiste et d'homme politique.Une de leurs ambitions (et ils en ont à bouleverser le monde !) c'est seulement d'avoir un salaire décent, la sécurité de l'emploi et que le pouvoir politique “ dégage “ de leur soleil une fois leur modeste horizon ainsi tracé et assuré... Quand ils se sentent à l'étroit dans le tumulte, l'arbitraire, les injustices et les archaïsmes d'un système qui les exclut totalement, ils redoublent d'intelligence et de ruse parfois et risquent le tout pour le tout en cherchant à quitter ce pays. C'est là qu'on les retrouve choyés dans les meilleures sociétés à l'étranger jusqu'à ( et j'en ai connu des tas en France) leur proposer la nationalité de leur exil en un temps de séjour record. Là, de leurs sièges non éjectables chez Bouygues, Dassault, la BNP, ou même dans les arcanes de L'Etat français (puisqu'ils le sont devenus, des Français!), ils contemplent ce paysage figé de septuagénaires et d'octogénaires et plus, qui leur est désormais aussi étrange, aussi étranger que l'univers disparu des dinosaures. I have a dream, comme dit l'autre... Que ce que nous continuons malgrè tout à nommer «Révolution», enfante une institution de Sages ou d'Anciens qui seront nécessairement délestés de toute appartenance ou engagement partisans, privés de toute rémunération, n'attendant que la récompense, ô combien glorieuse, d'une patrie reconnaissante et/ou la satisfaction divine après leur ultime sommeil. Ils se chargeront eux mêmes comme Pères de la nation ( tout comme on dit chez les catholiques «Pères de l'Eglise» ), de tracer des perspectives, rappeler des principes, sonner des alarmes, consolider chez leurs cadets des acquis, expertiser des résultats et surtout, tout cela sans entraver la liberté de tous ceux qui ont maintenant l'âge de leurs petits enfants.
Et combien de fois les Mestiri, les Ben Salah, les Filali, les Caïd-Essebsi, vous même «Si Chedly» vous vous êtes trompés, accepté de vous écarter, revenu au pouvoir, redressé vos torts, regretté une occasion de mieux faire? Pourquoi priver d'une vie «si humaine» dans leur propres pays, nos gamins et nos gamines, une fois arrivés à ce même niveau, qui vous a fait démarrer.
De grâce «Si Chedly», dans la dignité, la vôtre et celle de ce pays dont vous mourrez d'amour, j'en suis sûr de grâce remettez le relais à ceux et celles qui sont déjà la Tunisie quand vous n'en êtes que le beau souvenir.