La frénésie alimentaire liée au mois de Ramadan touche aussi les boissons gazeuses, qui du coup voient leur prix augmenter ostensiblement. Mais ce que l'on constate surtout, c'est l'apparition de boissons plus ou moins gazeuses, envahir les marchés parallèles.
En effet, un petit tour dans les marchés improvisés et sur les étals branlants des marchands ambulants nous a fait découvrir des boissons aussi étranges qu'étrangères, avec des noms inconnus, des couleurs douteuses. Quant au goût, nous n'avons pas eu la témérité de pousser l'investigation aussi loin, afin de préserver notre santé...
Les noms bizarres ont tous des airs d'onomatopées, de petits bruitages plus ou moins sympathiques. Jugez-en lutôt : il y a « Sip », qui ne signfie rein du tout. Puis on a trouvé « Yes », comme pour inciter les consommateurs à dire « Oui ». Il y a la boisson qui porte le nom du printemps, « Sping » et il y a enfin des noms qui ne signifient rien dans les langues les plus connues, comme « Meyvit » ou « Taybet » dont la sonorité rappelle la langue turque.
Les prix de ces boissons défient toute concurrence : entre 700 Millimes et un Dinar la bouteille d'un litre, ce qui semble attirer les consommateurs les plus modestes, souvent peu au fait des règlements d'hygiène. Ils ne savent pas qu'ils achètent du sucre dissout dans de l'eau où l'on a ajouté des colorants et des substances de conservation qui pourraient être dangereuses pour leur santé et celle de leurs enfants.
Car les couleurs de ces boissons vendues en dehors des circuits habituels sont assez étranges. Il y a un liquide rouge pourpre, légèrement transparent, qui a un petit air chimique assez inquiétant, des bouteilles de couleur jaune qui rappellent la citronnade, toujours avec cet air chimique. Il y aussi un vert étrange et un liquide transparent au contenu indéfini...
Et la grande question est : comment ces boissons sont elles arrivées sur le marché parallèle ? Pourquoi sont-elles écoulées sans aucun contrôle et sans que l'on sache leur composition ? Et surtout, quels sont les effets de ces boissons sur la santé des consommateurs, en particulier les enfants, les personnes âgées ou souffrant de diabète ainsi que sur celle des femmes enceintes ?
Et surtout ne vous risquez pas à poser des questions aux marchands ambulants. Leurs mines patibulaires n'augurent rien de bon en ces temps où l'insécurité est devenue la norme pour les journalistes. A la moindre question gênante, les visages se ferment et l'agressivité devient manifeste.
Nous profiterons donc de la spontanéité d'un adolescent qui remplace son père à un étal pour poser nos questions. Moins méfiant que les autres marchands, il nous déclare : « des camionnettes ramènent ces boissons des frontières, et mon père les réceptionne la nuit. D'ailleurs il les paye d'avance...» Une réponse qui nous confirme qu'il s'agit d'un trafic de marchandises qui entrent clandestinement sur le territoire tunisien et qui ne subissent aucun contrôle au niveau des douanes et des services de santé, bien qu'ils puissent potentiellement provoquer de graves problèmes de santé publique...
Notons enfin que ces boissons sont d'autant plus dangereuses qu'elles sont souvent exposées au soleil sans aucune précaution, transportées en vrac, manipulées comme des sacs à patates. Le pire, c'est qu'aucun contrôle n'est effectué sur ce secteur, comme on le fait pour la nourriture.
Quand donc les autorités de tutelle se réveilleront-elles ? Au bout de combien d'hospitalisation ? De combien de décès ?