Depuis le début du mois de Ramadan, la chaîne Nessma TV propose aux téléspectateurs « Dar Louzir », une sitcom en trente épisodes accompagnant chaque soir le moment de la rupture du jeûne. Plus de deux tiers de la sitcom ont été diffusés et le bilan est mitigé pour une production très attendue mais qui finit par décevoir au bout du compte...
Un scénario peu original
Ecrit par Younes Ferhi (interprétant également le rôle de Dhaw) et Samia Amami, le scénario met en scène un ministre déchu de l'ancien régime, Ismaïl Bourigua (joué par Kamel Touati), contraint de retourner vivre dans la maison maternelle après la saisie de ses biens. Avec sa femme Nassira (Razika Farhan), ils s'installent donc dans cette grande maison tenue par la vieille et instable Frida Quaramosli (Mouna Noureddine) qui souffre d'Alzheimer. Le couple partagera le quotidien de la tyrannique Frida, de la fille d'Ismaïl, Farwazen (Syrine Belhédi) et des domestiques : Hlima (Kaouther Bardi), Dhaw et Nouri (Farhat Hannana).
La vie d'Ismaïl est vide. L'ex-ministre passe son temps entre la demeure familiale et le club des ministres déchus où il partage sa crainte d'être arrêté avec des pseudo-amis : Raouf Ben Amor et Ali Bannour.
Le scénario puise dans l'actualité. L'ancien régime est fortement présent non seulement à travers le personnage de l'ancien ministre mais également dans les dialogues mêmes. En effet, plusieurs allusions explicites ou implicites au temps de Ben Ali marquent fortement les répliques ce qui rend les plaisanteries à ce sujet attendues. Le texte manque donc d'originalité et devient presque banal. Le téléspectateur anticipe les paroles et le dénouement de l'intrigue de chaque épisode avant sa fin.
Autre bémol dans l'écriture est cette volonté à tourner tout en dérision. Les auteurs de la sitcom offrent une galerie de personnages qui brille par son franc-parler (un peu trop d'ailleurs) qui frise l'insolence dans la plu part du temps. Les sous-entendus régionalistes montrent également qu'on n'est pas encore prêt à sortir du « complexe régional » et s'orienter vers une vision plus globale du citoyen tunisien.
Les personnages ? ... Du déjà vu
Entre personnages principaux et personnages secondaires, « Dar Louzir » nous offre la possibilité de renouer avec des caractères qu'on a pu apprécier et aimer dans d'autres productions antérieures réalisées par Slaheddine Essid. Frida Quaramosli est un mélange de Aroussia (feuilleton Mnamet Aroussia) et de Mannena (feuilleton Khotab al Bab). Mouna Noureddine qui a interprété les deux personnages précédemment cités a réussi dans son rôle de Frida à combiner les deux caractères avec succès : un deux en un plutôt convaincant.
Depuis « Chez Azaiez), Kamel Touati endosse le même personnage hystérique, craignant sa femme et qui monte très vite dans les aigus quand il parle. Qu'il soit Azaiez, Slimène Labiedh ou Ismaïl Bourigua, Touati ne change pas. C'est toujours le même personnage sur le qui-vive, au bord de la crise de nerf. Connue du grand public sous les traits de Hajla dans « Nsibti laaziza », Razika Farhan est égale à elle-même : agressive dans sa manière de s'adresser aux autres. Ce qui change par contre dans « Dar Louzir », c'est le fait que Nassira n'est pas une folle mais une opportuniste au grand cœur !
Farhat Hannena quant à lui, interprète le cuisinier de la maison. Son personnage est un « remake » de Mongi (Nsibti laaziza) : il reprend les mêmes voix et caractères auxquels il rajoute une once d'espièglerie mais garde toujours la même infortune.
Kawther Bardi, en Hlima est le personnage au grand cœur et à la générosité débordante qui aime tout le monde comme l'était Hayet (Nsibti Laaziza) et Bahija (chez Azaiez). A l'instar de cette dernière, Hlima aimerait se marier ... quelle coïncidence ! Younes Ferhi, alias Dhaw est un simplet qui, il faut le reconnaître, amuse énormément mais dont les frasques sont parfois ridicules. Rompant avec le personnage de Fehem (Nsibti Laaziza), Khaled Bouzid interprète Ibsi, un garçon de café qui brille par son impolitesse et son insolence. Sa langue bien pendue est celle d'un Abouda (Khotab al Bab), l'idiotie en moins.
Raouf ben Amor, Ali Bannour, Mourad Karout, Slah Msaddak et Taoufik Bahri offrent un panel de personnages sans relief dont la présence n'est là que pour commenter à travers des allusions le monde de la politique.
Enfin Syrine Belhédi, alias Farwazen est une révélation en ce mois de Ramadan mais son personnage ressemble beaucoup à celui de Fatma Tamar, interprété par Ramla Ayari dans Khotab al Bab, de par son comportement et ses hurlements après tout le monde quand elle est énervée.
En somme, il semble que les protagonistes de « Dar Louzir » sont de pâles sosies de personnages qui ont « crevé » l'écran à la fin des années 90 et les années 2000. Des personnages vus dans des feuilletons et sitcoms réalisés par Slaheddine Essid. Ce dernier serait-il comme Sisyphe : contraint de recommencer la même tâche une fois achevée ? Ou reproduirait-il le même schéma vendeur auprès du public ?
Au moins le rire
Dans le magma de productions dramatiques et autres séries humoristiques, « Dar Louzir » parvient tout de même à arracher un sourire ou un rire surtout quand Saoussen interprétée par Senda Jebali est de la partie. Certaines situations comme la découverte des lettres d'amour de Frida enterrées dans le jardin est assez cocasse. Ces moments inattendus sont divertissants et concilient avec la sitcom. Espérons que les prochains épisodes confortent cette idée mais peut-on réellement être surpris ?