I Toonsi et « El IchaFann » font partie des agréables surprises de cette deuxième quinzaine de Ramadan. Programmées juste après la rupture du jeûne, ces deux séries insufflent un vent de fraîcheur à des grilles télé saturées par une offre surabondante cette année mais frileuses jusque-là dans leurs contenus. C'est dans la forme que ces deux séries innovent en se réappropriant des concepts qui ont fait leurs preuves ailleurs. « El IchaFann » réalisée par Amine Chiboub pour la watanyya 1 se veut une chronique de la jeunesse d'aujourd'hui, animée par le personnage d'un jeune scénariste qui a du mal à vendre sa « marchandise » sur fond de rap. Décalée, colorée, cédant par moments à la complaisance mais osant les silences et l'improvisation, « El IchaFann » déploie un humour grinçant moins immédiat, dans l'air du temps qui laissera de marbre les parents mais auquel s'identifieront les enfants. Plus radicale dans sa forme, « Itoonsi » diffusée sur Hannibal de Zied Litayem adopte le style de la web-série sans l'interactivité constitutive du genre mais en en explorant toutes les possibilités formelles et les travers aussi : Jump-cuts à profusion, écrans splittés, en deux trois ou quatre parties, images instable par le biais d'un travail ininterrompu du zoom dans le plan. Itoonsi accompagne le quotidien d'un jeune tunisien d'aujourd'hui, diplômé au chômage, plutôt flemmard mais sincèrement amoureux d'une jeune fille qui ne lui veut que du bien.
Que la nationale s'ouvre sur de nouveaux talents, voilà qui pourrait ne serait-ce qu'un tout petit peu contrebalancer, les pressions auxquelles se trouve sujette la première chaîne nationale (pas encore sous le coup d'une visite du fisc ou de la douane et pour cause !) pour plier face aux visées hégémoniques du pouvoir. Pour Hannibal, nul besoin de pressions, on multiplie les signes d'allégeance en croisant les doigts dans l'espoir de se faire oublier par le fisc et les douanes pour le moment du moins. Dans un contexte où le retour à la politique du bâton se fait de plus en plus ressentir, l'ambition affichée de la « Dream team » gouvernementale est de s'assurer de la « loyauté » du secteur audiovisuel avant les prochaines élections. Juste retour des choses au regard de Montplaisir et des officines apparentées, dont les efforts incessants pour redresser le pays et le mettre sur la bonne voie ‘(celle du seigneur et du marché) demeurent jusque-là peu perceptibles pour le citoyen lambda par définition ingrat. Pas si ingrat que ça si des télévisions au pas prenaient la peine de mettre en avant les réalisations sans précédent du gouvernement providentiel qui a juré de parfaire le processus révolutionnaire. Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes s'il n'y avait pas cette contre-révolution animée par des anciens du RCD, les athées de l'extrême gauche, les féministes illuminées, les athlètes qui s'exhibent en caleçon,les citoyens énervés de se trouver privés d'eau et d'électricité, les chômeurs exigeant de travailler jusqu'ici contenue avec la douceur des matraques, les senteurs des gaz lacrymogènes et les caresses des balles en caoutchouc. Mansuétude contre ingratitude.